La « violence policière », une réalité pour 80 % des 18-30 ans

Près de 80 % des jeunes jugent que la « violence policière  » est une réalité en France

INFO « 20 MINUTES »Seuls 53 % des 18-30 ans ont confiance dans la police, selon notre dernière étude #MoiJeune « 20 Minutes » – OpinionWay
Clément Giuliano

Clément Giuliano

L'essentiel

  • Les 18-30 ans se montrent sensibles aux enjeux de lutte contre les discriminations et les violences policières mais ne rejettent pas cette institution en bloc, pointe le dernier baromètre #MoiJeune 20 Minutes – OpinionWay, que nous révélons ce vendredi.
  • Si 79 % des jeunes adultes jugent que les violences policières sont une réalité et 48 % que l’institution est « raciste », les deux tiers des vingtenaires refusent de stigmatiser l’ensemble des agents.
  • Les mesures de la proposition de loi « sécurité globale » sont particulièrement impopulaires, et l’idée selon laquelle il est dangereux de manifester est diffuse.

Quelques semaines après l’affaire Michel Zecler, quelle est la perception de la police auprès des jeunes adultes ? C’est la question à laquelle le dernier baromètre #MoiJeune 20 Minutes-OpinionWay, publié ce vendredi*, tente d’apporter une réponse. Et la photographie livrée par cette enquête se révèle subtile. « Il y a une vraie capacité de nuance des jeunes. Les dérives policières ne sont pas considérées dans un ensemble », résume Eléonore Quarré, directrice d’études chez OpinionWay.

Oui, la violence policière constitue « une réalité en France », et les fonctionnaires qui commettent une faute « sont souvent couverts par leur hiérarchie », répondent 79 % des 18-30 ans. Mais l’idée selon laquelle tous les policiers seraient à mettre dans le même sac reste minoritaire. Surtout, elle n’a pas progressé avec les coups portés au producteur de musique sous l’œil d’une caméra de vidéosurveillance le 21 novembre dernier.

Tous les policiers ne sont pas mis dans le même sac

Ainsi, 65 % des adultes de 18 à 30 ans refusent de « stigmatiser l’ensemble de la profession », considérant que « seule une infime partie des policiers et gendarmes » sont responsables des violences policières. A l’inverse, 35 % des jeunes estiment que « le système donne trop de libertés aux policiers qui en abusent ». Un résultat quasiment inchangé depuis le baromètre #MoiJeune réalisé en juin dernier, quelques jours après la mort de George Flyod aux Etats-Unis et le retour du débat sur les violences policières en France**. « L’affaire Michel Zecler a rendu impossible de nier certaines dérives au sein d’une plus grande partie de la population mais, sur l’analyse de la police en tant que telle, le constat n’a pas bougé », pointe Théo Ponchel, chargé d’études au département « opinion et politique » chez OpinionWay.

« Le discours institutionnel repose sur l’idée que certains policiers et gendarmes dérapent parfois, mais que ce n’est pas le système global qui produit de la violence. Cette approche est partagée par les jeunes interrogés », constate Anne Wuilleumier, docteure en science politique et chercheuse à l’Inhesj (Institut national des hautes études et de sécurité et de justice), où elle travaille notamment sur les relations entre les jeunes et la police. « Mais ce discours est questionné par une partie non négligeable des répondants. »

Une confiance majoritaire mais « assez faible »

L’experte souligne à ce titre le plébiscite en faveur de « tout ce qui renvoie à la lutte contre les discriminations » et à la « légitimité » des forces de l’ordre. Le soutien est massif pour ce qui concerne la réforme de l’IGPN (92 %), la mise en place d’une plateforme nationale de signalement des discriminations, telle que proposée par Emmanuel Macron (86 %) ou encore la généralisation des caméras piétons​ (80 %).

Autre point soulevé par Anne Wuilleumier : si 11 % des vingtenaires ont « très confiance » et 42 % « plutôt confiance » dans la police, cette majorité est mince. « Un niveau de confiance de 53 %, c’est assez faible. Et, même s’il n’y a pas de rupture totale de confiance entre les jeunes et la police, ce chiffre n’est pas très rassurant », note la chercheuse. Les travaux de sociologie ont montré qu’il est « difficile de travailler » dès « un tiers d’opposition au sein du public, quel que soit le domaine concerné », souligne la chercheuse.

La police « raciste » pour 48 % des jeunes

Pour Théo Ponchel, « nous sommes dans un moment où, dans l’ensemble de la population, l’image de la police s’est dégradée, mais il ne faut pas exagérer cette dégradation de l’opinion. La confiance dans la police reste assez large. » Dans l’ensemble de la population, la cote de confiance a chuté de 10 points et s’établit à 65 %, a montré OpinionWay en décembre 2020***.

Sur la question du racisme, les 18-30 ans jugent à 48 % que « la police est raciste », contre 40 % de l’ensemble de la population. « La jeunesse est particulièrement critique, pousse le curseur un peu plus loin, mais il n’y a pas de fracture complète avec la population générale », commente Théo Ponchel. Le baromètre montre toutefois que les jeunes adultes estiment que les policiers traitent différemment les Français en fonction « de leur couleur de peau » (81 %), de leur d’habitation (79 %) ou encore de leur âge (67 %).

Les jeunes sévères avec la loi « sécurité globale »

Quid de la proposition de loi sur la « sécurité globale » ? « Les mesures les plus polémiques du texte ne font pas consensus chez les jeunes répondants », observe Anne Wuilleumier. « L’autorisation pour les forces de l’ordre d’utiliser des drones équipés de caméras » séduit moins de la moitié des vingtenaires (49 %), de même que « l’interdiction de diffuser des images permettant d’identifier un policier ou un gendarme en opération avec des commentaires incitant à la haine » (45 %) et « l’autorisation pour les forces de l’ordre de porter leur arme dans un lieu recevant du public en dehors de leurs heures de service » (24 %).

Les manifestations contre la proposition de loi semblent en tout cas avoir marqué les esprits des jeunes. Si seulement un tiers des 18-30 ans confient avoir déjà « ressenti de l’inquiétude » pour leur sécurité en présence de forces de l’ordre, ce sentiment d’inquiétude a la plupart du temps surgi lors d’une manifestation. « Le gros point crispation, c’est les manifestations. Le sentiment qu’il devient dangereux d’aller manifester est partagé parmi une partie des jeunes », souligne Théo Ponchel.

« La question de l’équipement des forces de l’ordre revient beaucoup. Ce sont des choses que l’on connaît bien en sociologie : la tenue, l’attitude, la gestuelle des forces de l’ordre ont un effet sur les citoyens, qui peuvent ressentir de la confiance ou au contraire de l’inquiétude. »

*Etude #MoiJeune 20 Minutes – OpinionWay réalisée en ligne du 11 au 15 décembre 2020 auprès d’un échantillon représentatif de 627 jeunes âgés de 18 à 30 ans (méthode des quotas).

**Etude #MoiJeune 20 Minutes-OpinionWay réalisée en ligne le 19 juin 2020 auprès de 761 personnes représentatives des 18-30 ans (méthode des quotas).

***Enquête « OpinionEye » par OpinionWay, 1.004 personnes interrogées en ligne par OpinionWay les 2 et 3 décembre 2020 (méthode des quotas).

Si vous avez entre 18 et 30 ans, vous pouvez participer au projet « #MoiJeune », une série d’enquêtes lancée par 20 Minutes et construite avec et pour les jeunes. Toutes les infos pour vous inscrire en ligne ici.