Brexit : En Dordogne, les Britanniques « un peu tendus » se ruent sur les titres de séjour
REPORTAGE•Avec la fin de la période transitoire de sortie de l’Union Européenne, les Britanniques doivent se déclarer en France avant le 1er janvier. « 20 Minutes » s’est glissé dans le bureau du Brexit, en DordogneClément Carpentier
L'essentiel
- Le 31 décembre, la période de transition fixée par l’accord de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne va prendre fin.
- Les 148.000 résidents britanniques en France doivent se signaler aux autorités pour obtenir leurs titres de séjour.
- En Dordogne, département qui en accueille le plus après Paris, la préfecture a ouvert un « bureau du Brexit » pour faire face aux demandes.
A Périgueux,
« Ce sont des gens qu’on ne voyait pas forcément avant »… Il faut dire que les Britanniques avaient jusqu’à maintenant très peu besoin des services de Caroline et sa collègue Christine à la préfecture de la Dordogne. Ils vivaient pour la plupart paisiblement leur retraite dans notre beau pays. Sans stress. Mais ça, c’était avant. Avant le Brexit. Ce 31 décembre, la période de transition fixée par l’accord de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne va prendre fin.
Dans deux semaines, l’espace Schengen et sa libre circulation des personnes et des marchandises n’existera plus pour les 148.000 Britanniques résidant en France. Après Paris, la Dordogne est le département français qui en accueille le plus selon la dernière étude de l'Insee. Près de 7.100. C’est donc là que Caroline et Christine entrent en jeu avec leur « bureau du Brexit » ouvert le 19 octobre dernier. La mission de celui-ci, régulariser la situation de milliers de personnes en quelques mois. Autant dire que depuis son ouverture, il ne désemplit pas et 20 Minutes a pu le vérifier alors que la date fatidique approche.
80 dossiers traités chaque jour
« On est encore sur un très bon rythme, avoue l’une des deux responsables de ce bureau spécial installé à la cité administrative de Périgueux, il y avait vraiment beaucoup de monde au début. Il y a pas mal d’inquiétude et de stress à cause de cette situation un peu exceptionnelle pour eux. » La course aux titres de séjour bat son plein ! A ce jour, la préfecture périgourdine a reçu plus de 4.500 demandes pour des Britanniques (elle en délivre 2.000 par an en temps normal, sans eux). Assis l’un à côté de l’autre, Gerry et Janet attendent leur tour :
« Ma femme est un peu tendue à cause du Brexit mais je trouve qu’on est bien pris en charge et que le système est efficace. Il y a juste le panneau que j’ai failli manquer en arrivant (rires). » »
Comme d’autres de leurs compatriotes dans le coin, ce couple d’Anglais gère depuis plus de quinze ans des chambres d’hôtes au château de Fayolle à Villetoureix dans le nord-est de la Dordogne. Ce jour-là, ils font partie des 80 dossiers traités par jour par le bureau. Cinq agents contractuels ont été recrutés pour l’occasion à l’image de Claire : « Il faut souvent les rassurer car ils en parlent beaucoup entre eux et se montent un peu la tête mais on arrive toujours à se comprendre et à trouver une solution. » « Ils doivent à tout prix avoir leurs papiers en règle sinon leur pension peut être suspendue par les autorités britanniques. Ils ont surtout peur de ça », explique Caroline. Et pour obtenir le précieux sésame, cela peut ressembler pour certains à un véritable parcours du combattant.
Un titre de séjour de cinq ou dix ans
Ils doivent d’abord déposer leur dossier sur un site créé spécialement par les autorités françaises. Pour ça, ils peuvent s’appuyer sur une association d’entraide pour les Britanniques, le Franco-British Network de Périgueux. Ils obtiennent ensuite un rendez-vous physique en préfecture ou au « bureau du Brexit » pour la Dordogne. « C’est là notre plus grosse difficulté, reconnaît Christine, on est sur une population où 85 % des gens sont des retraités et souvent ils habitent loin, à plus d’une heure de route. Certains ne peuvent parfois pas se déplacer notamment dans les Ehpad. » Tout se fait alors par courrier avec photo et passeport mais sans les empreintes sur le futur titre de séjour.
Jenny, elle, a pris sa journée pour accompagner ses parents âgés de plus de 90 ans dont sa maman en fauteuil roulant :
« Ce n’est vraiment pas évident pour eux, c’est un grand changement, ils sont là depuis des années et complètement intégrés. Pareil pour moi. C’est un sentiment étrange de se retrouver avec cette carte. » »
Dans un mois, elle recevra dans sa boîte aux lettres des titres de séjour de 10 ans pour toute la famille en tant que « résident permanent » car elle est installée en France depuis plus de cinq ans. Pour ses compatriotes qui sont là depuis moins de cinq ans, il faudra renouveler le titre tous les cinq ans en attendant un hypothétique retour au sein de l’Union Européenne. Pour le moment, 1.700 cartes ont été délivrées par la préfecture de la Dordogne.
« Certains Britanniques ont anticipé ces derniers mois leur déménagement »
Les demandes, elles, devraient continuer à augmenter d’ici le Nouvel An. Les responsables du bureau ont bien remarqué qu’il y avait des petits nouveaux car « certains Britanniques ont anticipé ces derniers mois leur déménagement dans le coin avec le Brexit ». Pour les rassurer, Christine et Caroline leur rappellent que « s’ils ont jusqu’au 31 décembre pour se déclarer en France [travail, logement, etc.], ils ont jusqu’au mois de juin prochain pour faire une demande de titre de séjour et obtenir un rendez-vous avec nous. » Après, il sera définitivement trop tard.
Un Britannique aura alors le même statut qu’un Américain ou un Chinois. Il faudra passer par le consulat de France à Londres et obtenir dans un premier temps un visa d’installation de trois mois avant de voir plus loin. En attendant, le « bureau du Brexit » va continuer à tourner à plein régime dans ce que les Britanniques appellent entre eux, le « Dordogneshire ».