EDUCATIONLes cours à la fois à distance et à la maison n’emballent pas les lycéens

Coronavirus : Compliqués à la maison, mais efficaces en classe… Que pensent les lycéens de leurs cours « hybrides » ?

EDUCATIONLe ministère de l’Education a élargi début novembre la possibilité pour les lycées de faire alterner cours en présentiel en demi-groupes et enseignement à distance. Un système qui ne fait pas l’unanimité
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Depuis début novembre, la moitié des lycées ne proposent qu’une partie des cours en présentiel, pour éviter la propagation du coronavirus.
  • Un système qui n’est pas optimal, car les élèves ont l’impression de moins travailler lorsqu’ils sont chez eux.
  • Et même si les cours en présentiel sont de meilleure qualité en petits groupes, cela ne compense pas totalement les désagréments de cette hybridation et le rythme plus lent d’acquisition des connaissances qu’il génère.

Un pied au lycée, l’autre à la maison. Afin de limiter les risques de contagion du coronavirus, le ministère de l’Education a élargi début novembre la possibilité pour les lycées de faire alterner cours en présentiel en demi-groupes et enseignement à distance. Un mode d’enseignement hybride auxquels devront encore se résoudre les élèves quelque temps. Car mardi dernier, lors de son allocution télévisée, Emmanuel Macron a déclaré que les lycées ne pourraient être « pleinement ouverts, avec la totalité des élèves » qu’autour du 20 janvier. Et si et seulement si le nombre de contaminations quotidiennes par le Covid-19 en France reste sous la barre des 5.000.

Tous les lycées n’ont pas mis en place cette rotation. Interrogé par 20 Minutes, le ministère de l’Education estime qu’environ la moitié des lycées proposent désormais un enseignement hybride. Pour ceux qui le font, chacun a décidé sa propre formule : « On est plutôt sur du sur-mesure que sur du prêt à porter. Car certains lycées ont choisi une rotation des groupes par demi-journée, par journée ou par semaine entière. D’autres ont mis en place l’hybridation pour certains niveaux seulement, en préservant la présence des classes de terminale à 100 %. Et dans beaucoup d’établissements, les proviseurs ont décidé de garder les enseignements de spécialités à 100 % en présentiel et d’instaurer des demi-groupes pour les autres cours », observe Philippe Vincent, secrétaire général du syndicat des directeurs d’établissement SNPDEN-Unsa. Une variété d’organisation dont témoignent les lycéens qui ont répondu à notre appel. « Depuis trois semaines, mon lycée a opté pour séparer les élèves en deux groupes afin qu’ils puissent se rendre un jour sur deux en classe. C’est-à-dire que le lundi, mercredi et vendredi, un groupe est en distanciel, l’autre le mardi et jeudi, et cela change toutes les semaines afin d’équilibrer », explique Zoé, élève de 1re.

« On a peur de passer à côté de certaines consignes »

Mais ce système mi-figue, mi-raisin n’est pas idéal. Notamment quand les élèves sont appelés à travailler chez eux. « La plupart du temps, ils sont approvisionnés en devoirs à faire à la maison. Les enseignants leur donnent des exercices d’application après avoir enseigné la leçon en présentiel. Ou leur demandent de lire des documents pour préparer le cours suivant », constate Philippe Vincent. « Les professeurs nous donnent du travail pour la semaine où on est à la maison et on le corrige la semaine suivante », explique par exemple Sam, élève de Terminale. Marie, au même niveau dans la région de Grenoble, a quant à elle « soit quelques exercices, ou alors des TP [travaux pratiques] pour les matières scientifiques, ou des DM [devoirs maison] ».

Rares sont les enseignants qui proposent des cours en visio, car ils n’ont généralement pas le matériel pour se filmer en classe. Et certains élèves ont l’impression de prendre du retard, à l’instar de Sacha : « Les professeurs continuent leur programme comme d’habitude, malgré le fait que la moitié de la classe soit en cours, les autres élèves doivent rattraper. Au final, lorsque je retourne en classe, j’ai loupé tous les chapitres. Parce qu’entre un document et l’explication du prof, le résultat est vraiment différent ». De son côté, Thomas élève de 1re, craint que la classe entière prenne du retard : « La plupart des professeurs refont le même cours à chaque groupe, ce qui ne nous permet pas d’avancer autant que l’on devrait sur notre programme ». Et selon Marie, ce système génère une déperdition d’informations : « Chaque prof n’a pas la même façon de communiquer, donc il faut chercher sur l’ENT (environnement numérique de travail), dans les mails… On a peur de passer à côté de certaines consignes », souligne-t-elle.

« Je n’arrive pas à me concentrer »

Et il n’est pas toujours facile de se motiver lorsque l’on est sur son canapé, comme le confie Lohan : « Forcément, on travaille un peu moins qu’en temps normal ». « Je n’arrive pas à me concentrer, je suis distraite, j’ai l’impression de ne pas avancer. Je travaille beaucoup moins », avoue aussi Carla.

L’autonomie dans le travail est d’autant moins évidente quand les élèves ont déjà des difficultés scolaires. « C’est pour cela que certains lycées ont mis en place du tutorat à distance, qui est assuré par des assistants d’éducation », explique Philippe Vincent. Zoé concède quand même une vertu à l’école à la maison : « Les jours en distanciel sont un moyen d’être moins fatigué, car nous n’avons pas le temps de trajet. On peut aussi se permettre de faire d’autres choses chez nous que l’on n’a pas le temps de faire normalement ». Et même si elle n’est pas fan du distanciel, Marie estime que « cela permet d’avoir le temps de bien apprendre le cours, voire de revoir des notions de l’an dernier, notamment celles du confinement pas toujours acquises ».

« Il sera sans doute nécessaire de revoir le contenu de certaines épreuves du bac »

Si le travail à la maison n’est pas optimal, les cours en présentiel, à l’inverse, semblent plus profitables qu’à l’accoutumée. « Je pense travailler mieux, le climat en cours est plus calme. Surtout dans les spécialités on n’est parfois pas plus de 6, on a des cours particuliers à l’école en fait, et les professeurs semblent du coup plus accessibles », estime Sam. « En temps normal, dans ma classe, on est 32 élèves. En demi-groupe, on est environ 14 ou 16 (en fonction du groupe) pour les matières principales (philo/histoire/enseignements scientifiques) et environ 7 à 12 dans les spécialités (physique/SVT) ou les langues (espagnol/anglais). L’effectif réduit permet un suivi plus personnalisé. Les profs sont plus présents pour nous, on pose plus de questions, on participe plus, et pour les TP, on peut tous manipuler », juge aussi Marie. « Les cours en demi-effectif permettent une meilleure communication entre les élèves et professeurs. Ces derniers sont plus attentifs à chacun. Et dans les cours de langues, la participation des élèves réservés se fait de manière plus spontanée », renchérit Zoé.

Reste que si les cours en face-à-face sont de meilleure qualité, cela ne compense pas totalement les désagréments de l’hybride et le rythme plus lent d’acquisition des connaissances qu’il génère. « Les élèves auront au moins 8 semaines comme cela. On ne pourra pas faire comme s’il ne s’était rien passé. Il sera sans doute nécessaire de revoir le contenu de certaines épreuves du bac », soutient Philippe Vincent. D’autant que les épreuves de spécialité, prévues en mars, ont été maintenues. La balle est dans le camp de Jean-Michel Blanquer.