LA GALEREComment les familles s’organisent quand l’un des membres a le Covid-19

Confinement : « Isolée dans la chambre » ou « laissant le virus circuler », comment les familles s’organisent avec le Covid-19 à la maison

LA GALEREQuand l’un des membres du foyer est contaminé, tout le quotidien de la famille est chamboulé
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • Au moins deux millions de Françaises et de Français ont contracté le coronavirus en France depuis le début de la pandémie.
  • Quand au sein d’une famille, l’un des membres est contaminé, il y a la crainte de transmettre le virus au reste du foyer, et certains adoptent des mesures sanitaires strictes pour l’éviter.
  • D’autres estiment au contraire que la contagion est inévitable et font le choix de « laisser circuler le virus à la maison ».

C’est la hantise de tout le monde en cette année 2020 : attraper le coronavirus. Mais avec deux millions de cas officiellement recensés en France depuis le début de la pandémie, c’est devenu une réalité pour beaucoup. Et pour les familles, quand l’un des membres du foyer est contaminé, c’est tout un quotidien à réorganiser pour limiter les risques de transmission.

Certains font le choix de laisser le virus circuler, quand d’autres décident de prendre les mesures sanitaires les plus strictes. Dans tous les cas, tous doivent s’organiser pour assurer la continuité de la vie de la famille. Mais comment s’organiser à la maison quand on a le Covid-19 ? Comment continuer à s’occuper de ses enfants en bas âge ? Comment ne pas être contaminé par un conjoint malade ? Nos lecteurs et lectrices racontent à 20 Minutes leur quotidien chamboulé.

Gestes barrières et « masque à la maison »

Sans surprise, les gestes barrières sont plus que jamais de mise. Des mesures strictes que Roxane et son conjoint, tous deux contaminés, ont adoptées pour protéger leurs enfants de 7 et 10 ans. « Dès les premiers symptômes et avant même de passer le test PCR​, nous avons porté le masque à la maison et retiré les enfants de l’école par précaution, indique celle qui a mis en place une logistique bien rodée. Tous les jours, je désinfectais tout, nous faisions deux services pour le repas, les enfants d’abord, puis mon conjoint et moi après. Et plus de bisous ni de câlins avant de dormir : on disait "bonne nuit" de loin aux enfants et ils se couchaient tout seuls. Ça a été très dur psychologiquement pour eux comme pour nous. Mais ce qui compte, c’est qu’ils n’ont pas eu de symptômes, et après la septaine avec nous, ils sont retournés à l’école ».

Cette famille a adopté « les bons réflexes, indique le Dr Jean-Louis Bensoussan, médecin généraliste et membre du syndicat MG France. Dès l’attente des résultats, il faut complètement s’isoler, faire chambre à part si possible, prendre ses repas seul, utiliser la salle de bains quand personne ne l’utilise juste après. Et quand le diagnostic est confirmé, il faut continuer à appliquer ces mesures une semaine, en fonction de l’évolution des signes cliniques. Et si la taille de l’habitat ou l’âge des enfants ne permettent pas à la personne contaminée d’être isolée dans une pièce, le port du masque pour toute la famille doit être de rigueur ».

Les difficultés entre gestes barrières et gestion du bébé et des enfants

S’isoler quand on doit s’occuper d’un bébé est autrement plus compliqué. « On est six dans notre foyer, avec trois cas positifs dont un bébé de 15 mois, détaille Xavier. Au début, seule notre adolescente était positive, et elle était confinée dans sa chambre. Maintenant que le bébé et moi sommes positifs, tout le monde porte un masque. On mange en décalé, on se lave tout le temps les mains. Mais la maman, qui n’est pas contaminée, s’occupe aussi de notre bébé. Pas le choix ». Une équation Covid-19 + distanciation physique + soins au bébé à laquelle ont aussi été confrontés Ludivine et son conjoint, qui ont contracté le Covid-19 en octobre. « Nous avons quatre enfants, dont deux grands en garde alternée. Dès les premiers symptômes, nous avons fait le choix de laisser les aînés chez leur maman. Pour les deux autres, la plus indépendante s’est isolée dans sa chambre, portant le masque dès qu’elle en sortait, décrit la mère de famille. Mais pour notre bébé de 11 mois, impossible d’éviter les contacts ».

Et la difficulté est la même quand son enfant a des besoins particuliers. « Mon fils de 9 ans est autiste et a contracté le Covid-19, confie Virginie. Ce n’est pas possible de le mettre en isolement vu ses troubles, donc je m’occupe de lui en veillant à respecter les gestes barrières ». « Evidemment, on doit s’occuper de ses enfants dans ces cas-là, rassure le Dr Bensoussan. Il faut, comme le font ces parents, veiller à porter le masque et se laver les mains très fréquemment. Et ne pas oublier de changer régulièrement de masque, notamment quand il devient humide », prescrit le médecin.

« Confinées dans leur chambre »

Quand les enfants sont plus grands, « s’isoler dans une pièce à part est ce qu’il y a de plus sûr pour ne pas contaminer ses proches », rappelle le Dr Bensoussan. Se met alors en place une forme de confinement dans le confinement pour éviter la contagion.

« Mes deux filles de 13 et 17 ans ont eu le coronavirus début novembre, avec des symptômes légers, raconte Celal. J’ai eu un cancer du rein en 2016, donc je suis une personne à risque, et ma femme et moi avons été testés négatifs. Alors chacune de nos filles s’est confinée dans sa chambre pendant sept jours, ne sortant que pour utiliser toilettes et salle de bains, et nous déposions leurs repas – servis dans des assiettes et couverts en plastique pour limiter les risques – devant la porte de leur chambre. Psychologiquement, cela n’a pas été évident pour elles de rester enfermées dans une seule pièce une semaine entière. Heureusement, elles avaient tout l’équipement pour suivre l’école à distance ».

« Pas de masque, mais j’aère »

Audrey, elle, a été diagnostiquée positive, mais n’a eu aucun symptôme. « Mon mari et mes enfants sont restés 15 jours à la maison, mais étant asymptomatique, j’ai décidé de ne pas porter de masque. J’aère, je garde mes distances avec mes proches et je désinfecte tout », assure-t-elle. Cela suffit-il ? « C’est la confusion permanente que l’on a du mal à gommer dans l’esprit des gens : ce n’est pas parce qu’on est asymptomatique que l’on n’est pas contagieux, martèle le Dr Bensoussan. La personne asymptomatique est aussi contagieuse que celle qui présente des symptômes. La contagiosité, c’est une durée, pas une intensité. Une durée qui est environ la même selon que l’on est asymptomatique ou que l’on présente des symptômes légers ».

La famille d’Audrey n’a pas été contaminée, mais son angoisse ne s’est pas dissipée pour autant. « Je suis aide-soignante en service Covid, j’ai dû reprendre le travail au bout de sept jours, poursuit-elle. J’ai un stress permanent et la peur de transmettre le virus autour de moi, c’est très dur moralement ».

On a fait « le choix de laisser le virus "circuler" dans la maison »

Certaines familles ne veulent pas se laisser dominer par ce stress. A l’instar de Laure, dont la fille de 11 ans a été contaminée, et qui a fait « le choix de laisser le virus "circuler" dans la maison. Je n’imaginais pas une seconde la mettre à l’écart, tout désinfecter derrière elle. Donc rien n’a changé, elle mangeait avec nous, jouait avec ses frères et son chien et nous faisait des câlins. Très rapidement, j’ai eu le Covid aussi, mais j’ai continué à dormir avec mon mari. Puis c’est mon aîné qui a été testé positif (asymptomatique) ». Idem pour Aurélie, contaminée sur son lieu de travail. « C’est peut-être égoïste, mais nous n’avons respecté que peu les gestes barrières au sein de notre foyer, et un de mes enfants l’a attrapé quelques jours après, puis son frère. Nous sommes restés à l’isolement quatre semaines, le temps que le virus ne circule plus chez nous, et tout le monde est reparti à l’école et au travail ».

Même stratégie pour Marie, dont le fils de 9 ans a été considéré comme cas contact au début des vacances de la Toussaint. « Il n’a développé aucun symptôme, donc à la rentrée, il est retourné à l’école. Ce jour-là, j’ai fait un test car j’avais des maux de tête assez forts, persuadée que ça n’était pas le covid-19, mais le test s’est révélé positif. Nous nous sommes donc confinés de manière très stricte par rapport à l’extérieur, mais au sein de la famille, nous n’avons pas changé notre mode de vie. Les enfants avaient toujours autant besoin, voire plus, d’attention, de bisous et de câlins. Puis ma fille et mon mari ont développé des symptômes légers ».

« La majorité des contaminations sont intrafamiliales »

Une attitude qui a laissé perplexe l’infirmière scolaire du lycée de la fille aînée. « Elle m’a fait la leçon au téléphone, en m’expliquant que ma fille devait manger à part et ne pas avoir de contact physique avec moi, porter un masque en permanence à la maison. Suis-je considérée comme une relation "inutile" pour ma fille de 15 ans ? Quelle répercussion cette distanciation a-t-elle sur le développement psychoaffectif des enfants ? », s’interroge la mère, convaincue d’être dans son bon droit.

« En général, quand un cas Covid se déclare à la maison, il est déjà contagieux depuis deux à trois jours avant l’apparition des premiers symptômes, donc il a allègrement eu le temps de contaminer tout le monde avant même d’avoir le résultat de sa PCR, estime le Dr Jean-Paul Hamon, médecin généraliste et président d’honneur de la Fédération des médecins de France (FMF). C’est ce qui m’est arrivé [le Dr Hamon a contracté le Covid-19 durant la première vague] : j’ai contaminé ma femme et mon petit-fils. Les bisous et les câlins, c’est ce qui fait que l’on se contamine à la maison. C’est pour cela que le gouvernement est en train de ressortir sa proposition – qui n’avait pas marché auparavant – d' isoler à l'hôtel les personnes testées positives ». Parce que « l’on sait que ces mesures de distanciation ne sont pas très respectées au sein des familles, renchérit le Dr Bensoussan. Les gens se sentent à l’abri du virus, alors que la majorité des contaminations sont intrafamiliales. Alors, même si c’est difficile, à partir du moment où il y a la moindre suspicion Covid, on ne se touche plus, on ne s’embrasse plus et on s’isole le plus possible ».