ARCHIMOCHE ?A Nantes, le récent quartier Prairie-au-duc pointé du doigt pour sa laideur

Nantes : Le nouveau quartier Prairie-au-duc pointé du doigt pour sa « laideur »

ARCHIMOCHE ?« 20 Minutes » s'intéresse aux bâtiments qui ne laissent pas indifférents. Certains les qualifient de « laids », d'autres apprécient leur architecture. A Nantes, on a choisi de vous parler du nouveau quartier Prairie-au-duc, sur l'île de Nantes
Frédéric Brenon et Julie Urbach

Frédéric Brenon et Julie Urbach

L'essentiel

  • Dans le paysage, on ne voit qu'elles. Massives, trop hautes, pas harmonieuses, ratées, etc. sont les adjectifs qui reviennent pour évoquer ces constructions parfois devenues des emblèmes de nos villes. Dans la série Archimoche?, 20 Minutes s'intéresse aux bâtiments qui ne laissent pas indifférents, qui détonnent, voire que certains qualifient de « laids ».
  • A Nantes, le quartier Prairie-au-duc n'est pas encore fini mais déjà critiqué.
  • Il réunit une dizaine d'opérations mixtes , à l'ouest de l'île de Nantes.

«Gris », « déprimant », « froid », « trop carré », « trop massif », « stalinien » « tout simplement affreux »… Le moins que l’on puisse dire, c’est que le nouveau quartier sorti de terre autour du boulevard de la Prairie-au-duc, sur l’île de Nantes​, ne soulève pas l’enthousiasme pour son cachet. Il a d’ailleurs été cité à plusieurs reprises parmi les constructions perçues comme les plus laides de la ville lors de la consultation organisée par 20 Minutes auprès de ses lecteurs.

Les critiques principales viennent des promeneurs, attirés par les bords de Loire, ou des salariés des environs, nombreux à emprunter le boulevard matins et soirs. « C’est vraiment moche, triste. Je ne comprends pas qu’on puisse laisser faire ça juste à côté des Machines de l’île qui sont, à l’inverse, un symbole d’audace et de créativité », s’étonne Maïwen, rencontrée près de la Grue jaune. « On a raté ce secteur qui s’offre pourtant à la vue de tous les touristes. C’est d’autant plus dommage qu’autour du palais de justice on trouve de belles choses architecturales », regrette Daniel, cadre dans une collectivité.

La place commerçante au cœur du nouveau quartier Prairie-au-duc.
La place commerçante au cœur du nouveau quartier Prairie-au-duc. - F.Brenon/20Minutes

« Il y a une austérité qu'on ne peut pas nier »

Sur le quai de la Fosse, de l’autre côté du fleuve, l’appréciation semble similaire. « Avec du recul ça forme comme un bloc infranchissable, une forteresse de béton. Les couleurs étaient interdites ? », ironise Stéphanie, à la sortie du Navibus. Les résidents de la dizaine d’opérations réalisées depuis 2016 se montrent davantage indulgents. La plupart apprécient leurs appartements, la fonctionnalité des parties communes, les balcons, la « bonne ambiance ». « Mais, on ne va pas se mentir, les immeubles ne sont pas magnifiques. Ça fait un peu banlieue des années 1960 », commente Djibril, devant l’école Aimé-Césaire. « C’est vrai que ce n’est pas très beau, confie un autre parent d’élève. Mais, honnêtement, je n’y fais plus attention. Et puis quand la végétation aura poussé, ça passera mieux. »

Ce ressenti global n’étonne pas Jean-Louis Violeau, sociologue et enseignant à l’école d’architecture de Nantes. « Il y a en effet sur ce quartier une austérité qu’on ne peut pas nier, analyse celui qui a aussi consacré un ouvrage à l'île de Nantes. Il y a un côté autoritaire, assez lisse, géométrique. Des caractéristiques qu’on attribue généralement à l’architecture moderne. Il manque peut-être un peu d’ornements, des variétés, des points saillants. En fait, la vraie beauté de ces bâtiments se cache à l’intérieur. »

L’agence d’architectes Garo-Boixel a signé en 2017 l’Îlot des îles (84 logements), en bordure du boulevard de la Prairie-au-duc. Une opération elle-même pointée du doigt pour ses extérieurs gris minimalistes. « Ça m’attriste d’entendre dire ça, admet Nicole Garo. On sait qu’il y a des débats sur l’île de Nantes et on comprend que l’urbanisme puisse être interrogé. Je pense que la pédagogie est importante. Quand on organise des visites avec des groupes, qu’on explique qu’on a choisi un béton velouté, qu’on cherche à donner du sens en cohérence avec l’histoire de Nantes, les gens semblent convaincus. »

« Une réponse au vis-à-vis du quai de la Fosse »

Rejeter la faute sur les architectes serait-il trop facile ? Jean-Louis Violeau en est persuadé. « Il faut aussi regarder du côté de l’aménageur, des promoteurs, suggère le sociologue. L’architecte travaille pour les autres avec les sous des autres. Il répond à des commandes. Sur ce secteur de l’île de Nantes, par exemple, on a changé d’urbaniste. On a mis moins de moyens aussi. » « Il y a des règles à respecter, on répond à un cahier des charges urbain, confirme l’architecte Nicole Garro. Sur ce front bâti de l’île de Nantes, on nous avait demandé de répondre au vis-à-vis du quai de la Fosse, très minéral, assez neutre. Je comprends qu’on puisse s’interroger sur les couleurs mais la ville historique dans son ensemble est assez neutre. Ce sont plutôt les zones commerciales qui sont colorées. »

Une vue d'ensemble sur le nouveau quartier Prairie-au-duc.
Une vue d'ensemble sur le nouveau quartier Prairie-au-duc. - F.Brenon/20Minutes

« L’esthétique, c’est totalement subjectif, considère Jean-Luc Charles, directeur de la Samoa, la société publique en charge de l’aménagement de l’île de Nantes. Nous avons dans ce quartier Prairie-au-duc un boulevard monumental mais le rapport d’échelle est très réussi. Il faut lui laisser, comme d’autres, un temps d’acclimatation et d’acceptation. » « La ville est longue à faire émerger. Il faut attendre un peu avant d’avoir un jugement définitif », accorde Jean-Louis Violeau.


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Le patron de la Samoa souligne que les plus grands architectes sont intervenus sur ces réalisations. Et, lui aussi, considère que ce quartier se vit surtout « de l’intérieur ». « Derrière les façades il y a tout un système de coursives, de loggias, de lieux de rencontres. Ces immeubles offrent des appartements traversants, une hauteur sous plafond de 2m70, des cours extérieures végétalisées. Tout ça, on ne le voit pas forcément de prime abord. »