Provence : Privés de marchés de Noël, les santonniers sont inquiets
CONFINEMENT•L’Union des santonniers et créchistes s’est créée pour défendre une profession qui fait 80 % de son chiffre d’affaires lors des foires organisées avant NoëlCaroline Delabroy
L'essentiel
- Le mois de novembre s’annonce catastrophique pour les santonniers, avec de nombreuses annulations de foires et marchés.
- La profession demande que les ventes de santons puissent se faire à l’extérieur, comme cela a été autorisé pour les sapins de Noël.
- Après dix mois en atelier, la période est cruciale pour ces artisans qui font presque toutes leurs ventes sur les mois de novembre et décembre.
Châteaurenard, Allauch, Sceaux, Riquewihr en Alsace… Dans son atelier d’Aubagne, le santonnier Stéphane Campana tient le triste décompte des foires et marchés de Noël annulés en décembre, avant même les annonces à venir sur la suite du confinement. « C’est très grave », s’inquiète-t-il, à l’image de toute une profession qui fait 80 % de son chiffre d’affaires pendant la période de Noël. « On se retrouve avec un stock énorme qu’on ne peut pas vendre », lance Richard Deppoyan qui, en l’état actuel, ne sait toujours pas si la maison familiale Santons Richard, 52 ans d’ancienneté, passera l’hiver.
Rien que le week-end dernier, il estime avoir perdu 6.000 euros de chiffres d’affaires avec l’annulation des foires de Béziers et Fontvieille. Et à l’entendre, ce n’est pas les aides éventuelles qui viendront combler le manque à gagner. « C’est toute une profession qui risque de disparaître », alerte-t-il, rappelant qu’elle rassemble « près de 300 personnes dans toute la France, dont 250 en région Paca ». « C’est un métier séculaire, il n’y a pas d’école de formation, on devient santonnier au bout de très nombreuses années », poursuit Richard Deppoyan.
Un univers pas très « click and collect »
Avec deux confrères, il vient de créer l’Union des santonniers et créchistes pour réclamer la possibilité de pouvoir vendre en extérieur les santons, comme cela a finalement été autorisé pour les sapins de Noël. « Nous voulons vivre du fruit de notre travail par la vente de nos créations, on préfère que l’argent des pouvoirs publics aille à l’hôpital, aux personnels soignants », avance le collectif. « Je suis en train de rédiger tout un protocole sanitaire pour le transmettre à notre ministre de tutelle chargé de l’artisanat, Alain Griset », confie le créchiste Nicolas Canet, installé près de Cannes dans les Alpes-Maritimes.
Depuis quatre ans, il travaille seul, et uniquement des pièces uniques et des éléments de décor. « Je mets en scène des pastorales, des allées de cyprès, ce genre d’éléments », raconte ce passionné qui, avant de mettre la main à l’argile, a écumé les foires. S’il a expédié des commandes jusqu’en Belgique, et convaincu la ville de Grasse et peut-être bientôt aussi Nice de créer l’an prochain une foire aux santons, son activité reste en danger. La vente en ligne n’est pas réellement une solution pour cet artisan : « La gestion d’un site où je devrais mettre à chaque fois la pièce que je viens de créer, je vois mal. »
Le suspens encore pour Aix, Marseille et Aubagne
« Heureusement, le site s’active un peu plus, les gens commandent, mais cela reste insuffisant », observe de son côté Stéphane Campana, qui a déjà dû faire face à la perte de 20 % de son chiffre d’affaires procuré par les cars de touristes, qui ne sont pas venus cet été. Il voit plusieurs obstacles inhérents à l’univers du santon : une infinité de coloris pour un même modèle, difficile à valoriser en ligne, une clientèle pas toujours au fait des réseaux sociaux, et surtout l’essence même de la foire ou du salon qui réunit les passionnés. « C’est là que l’on peut défendre nos nouveautés », avance Stéphane Campana, 22 ans dans le métier, qui a cette année ajouté à son catalogue un papet sur une chaise et une petite fille au cerceau, entre autres modèles.
« On passe dix mois dans nos ateliers, puis pendant deux mois on sort, on montre, on vend, c’est dans les foires qu’on trouve un écho, et quelque part la justification de nos créations », insiste Nicolas Canet, qui espère au moins faire le salon d’Orange, à la mi-décembre. « C’est la grand-messe des santonniers, elle rassemble les trois-quarts de la profession », dit-il. Dans les Bouches-du-Rhône, l’espoir pour les santonniers est encore de sauver les foires aux santons d’Aix, Marseille et Aubagne, qui elles n’ont pas encore été annulées. Et dépendront beaucoup des annonces de jeudi.