Confinement : « Le "click and collect" ne nous sauvera pas », estiment des libraires en Pays-de-la-Loire
ECONOMIE•Plusieurs libraires des Pays-de-la-Loire s'inquiètent du manque à gagner et du lien qui risque de se perdre avec les clientsJulie Urbach
L'essentiel
- L'engouement autour du «click and collect» ne devrait pas permettre aux librairies de réaliser un chiffre d'affaires satisfaisant, estiment les professionnels.
- Pour autant, la réouverture des librairies n'est pas non plus la solution idéale.
Téléphoner au libraire du coin pour acheter ses BD plutôt que de passer commande sur Amazon ou la Fnac. Une bonne résolution adoptée par de nombreux consommateurs ces derniers jours après le reconfinement et le coup de gueule des petits commerçants. Mais cette prise de conscience et l’élan de solidarité qu’elle semble susciter permettra-t-elle aux libraires de surmonter cette nouvelle fermeture ? « Le "click and collect" ne nous sauvera pas », tranche Samuel Chauveau, gérant de la librairie Bulle au Mans. Un avis partagé par de nombreux libraires indépendants et acteurs du livre de la région des Pays-de-la-Loire.
A la librairie Durance à Nantes, pourtant, le téléphone sonne beaucoup. « Pour l’instant, on arrive à maintenir un tiers de notre activité, calcule le gérant Daniel Cousinard. C’est déjà ça mais ça génère une désorganisation très importante dans le fonctionnement de la librairie. Le "click and collect" mange 100, voir 150 % de notre temps. » Un constat partagé par l’équipe de L’Odyssée, à Vallet (Loire-Atlantique). « Ça nous prend beaucoup d’énergie pour seulement 15 % du chiffre d’affaires, rapporte Audrey Scopel. Nous avons conservé notre masse salariale car nous souhaitons garder le conseil au public, par vidéo ou téléphone… »
Faut-il rouvrir les librairies ?
Car au-delà d’un gros manque à gagner, les libraires craignent que le click and collect ne distande le lien qu’ils entretiennent avec les lecteurs. « Que va devenir notre métier, axé sur le conseil et la défense de la diversité éditoriale ?, s’interroge Christel Rafstedt, présidente de l’association des librairies indépendantes Alip [lire encadré]. Le risque, c’est que les clients ne nous demandent plus que les livres dont on parle le plus, et non ceux que l’on pourrait leur faire découvrir. Il faut continuer le "click and collect" tout en trouvant des solutions pour maintenir l’essence de notre métier qui est la rencontre. »
La solution, comme certains le plaident, serait-elle de rouvrir les librairies au plus vite ? Là encore, certains craignent la fausse bonne idée. Gwendal Oulès, de la librairie jeunesse Récréalivres au Mans, se dit même embarrassé par le sujet. « Je suis convaincu que le livre est un bien essentiel mais j’aurais l’impression d’être privilégié vis-à-vis des autres petits commerces, et ce serait compliqué de le justifier. En tant que patron, il faut aussi se préoccuper des salariés : se sentiront-ils en sécurité ? Voudront-ils vraiment reprendre le travail en ces temps de confinement ? »
Des aides promises par la région
En attendant, le ministère de la culture a annoncé le remboursement des frais postaux pour les clients qui choisiraient la livraison. Une décision qui ne suscite pas l’enthousiasme de Daniel Cousinard, chez Durance, qui redoute devoir « se transformer en entrepôt d’expédition ». La présidente de la région Pays-de-la-Loire, Christelle Morançais (LR), a, de son côté, annoncé plusieurs mesures pour la profession lors d’une réunion ce vendredi.
Un fonds de soutien de 300.000 euros à destination des 57 libraires et des éditeurs de la région doit notamment être voté dès la semaine prochaine. Le « coupon livre », dispositif à destination des lycéens et étudiants de la région, sera doublé pour atteindre 32 euros.