Rhône : La colère gronde dans l’Ouest lyonnais contre l’ouverture d’un centre d’hébergement décidée « sans concertation »
SANS-ABRI•Les maires de Francheville, Tassin et Craponne avaient prévu un tout autre projet sur le site de l'hôpital Charial, en cours de fermeture dans l'Ouest LyonnaisElisa Frisullo
L'essentiel
- L’ouverture lundi à Francheville d’un centre d’hébergement d’urgence entraîne la colère des élus locaux, qi dénoncent « une absence totale de concertation ».
- Sur le site de l’hôpital Charial, en cours de fermeture, ils avaient imaginé un tout autre projet, avec un nouvel Ehpad, un centre de santé et un pôle de sports et loisirs.
- Un projet qu’ils craignent de ne jamais pouvoir réaliser avec la réquisition du terrain par l’Etat.
Il aura fallu que les élus locaux interpellent les médias pour que l’Etat communique sur ce sujet ce vendredi, soit trois jours seulement à peine avant l’ouverture de la structure. Une réaction rapide de la préfecture du Rhône qui semble traduire la volonté d’éteindre rapidement la colère qui couve dans l’Ouest Lyonnais. Ce vendredi, les maires de Francheville, Craponne et Tassin ont dénoncé, lors d’une conférence de presse, l’ouverture prévue lundi d’un centre d’hébergement d'urgence dans les locaux d’un ancien Ehpad situé sur le site de l’hôpital gériatrique Charial, qui doit fermer en février.
Le site, implanté sur Francheville et une petite partie de Craponne, doit abriter à l’avenir, un pôle médical pluridisciplinaire, un nouvel Ehpad et un complexe sportif, avec piscine, selon les maires qui ont détaillé ce « projet de territoire, imaginé en concertation ces dernières années avec les habitants et la métropole ». Mais, en plein milieu du mois d’août, une lettre des Hospices civils de Lyon, propriétaire du terrain, est venue changer la donne. Ces derniers ont appris qu’une convention d’occupation des lieux, « d’une durée de trois ans, renouvelable » avait été passée entre les HCL et l’Etat pour un tout autre projet. Après une première réunion avec la préfecture en septembre, ce n’est que ce mercredi que les maires ont, selon leurs dires, été informés lors d’une nouvelle rencontre des intentions de l’Etat sur ce site. « Une absence totale de concertation », qui a déclenché l’ire des élus.
« Notre projet est compromis »
« Pas sur le fond, nous sommes tous conscients du contexte sanitaire et de la nécessité que les populations fragilisées ne restent pas à la rue. Ce n’est pas la question. Mais sur la forme, nous sommes très en colère », déclare le maire LR de Francheville Michel Rantonnet, qui porte « depuis plusieurs années » ce projet de reconversion du site de 6 hectares. « Notre projet est compromis par la seule volonté de l’Etat. Il nous impose un autre projet et compromet le développement d’un bassin de vie », s’agace-t-il.
Dès lundi, l’ancienne maison de retraite doit accueillir « des familles à la rue ». Soit « 84 personnes qui seront encadrées et accompagnées par l’Armée du salut et Notre-Dame des sans-abri », selon les précisions données ce vendredi par la préfecture dans un communiqué. Une fois l’hôpital désaffecté, les maires craignent de voir d’autres publics fragiles arriver sur le site. « Il y a plusieurs centaines de personnes attendues, sans que nous puissions nous voir préciser l’ordre de grandeur. 300, 500, 600 personnes ? », s’interroge le maire de Francheville. Un projet incompatible selon eux avec la situation de leurs communes respectives, qui n’ont pas les capacités suffisantes, en matière scolaire, médico-sociale ou de transport, d’accueillir ce public fragile.
Un centre temporaire selon l’Etat
« Il y a un manque d’anticipation de l’État qui va rejaillir sur nous », s’inquiète Sandrine Chadier, maire Divers droite de Craponne, arguant de la très forte occupation des écoles actuelles, agrandies avec des préfabriqués pour faire face à la hausse démographique observée sur ce territoire. En matière de sécurité aussi, l’inquiétude est grande. « Le risque d’un site hors de contrôle est réel, souligne le maire LR de Tassin Pascal Charmot. Le nombre de personnes accueilli va augmenter au fil des mois, avec une diversité du public hébergé (femmes isolées ou avec enfants, demandeurs d’asile…). Les associations, dont la compétence est évidemment reconnue, n’auront toutefois pas les moyens de garantir que la sécurité et la tranquillité sur le site et à proximité seront assurées ».
Des craintes et des arguments balayés par la préfecture du Rhône qui, contactée par 20 Minutes, livre une tout autre version. « Ces élus ont été informés dès le mois d’août par les HCL et il y a eu ensuite des échanges téléphoniques et deux réunions pour les informer », souligne un porte-parole, assurant que le site des HCL sera mis à disposition des élus lorsque leur projet sera lancé. « Mais aujourd’hui c’est un projet au stade embryonnaire, il n’y a rien de concret. Aucune étude, enquête publique…. Rien. On ne va pas laisser pendant des années un immeuble non utilisé, vu le contexte sanitaire et sachant que nous avons besoin de mettre les plus fragiles à l’abri. Il faut que chacun participe à l’effort de solidarité, plus que jamais nécessaire en cette période », ajoute cette même source.
Pour faire reculer l’Etat et obtenir une véritable concertation, les élus locaux ont indiqué avoir déposé un recours gracieux auprès de la préfecture. Une tentative, qui si elle n’aboutit pas, pourrait être suivie d’autres recours. « Nous étudions toutes les possibilités », confie le maire de Francheville. Dans leur fronde, ils ne pourront pas compter sur le soutien du président écologiste de la métropole Bruno Bernard qui, dans un tweet ce vendredi, a appelé « l’ensemble des communes de notre territoire à prendre toute leur part dans la mise à l’abri des plus fragiles », en affirmant son soutien « à ce projet commun HCL-Etat de centre d’hébergement d’urgence temporaire à l’hôpital Charial. »