A quoi pourrait servir un couvre-feu en plus du confinement ?
CORONAVIRUS•Matignon a indiqué ce mardi que l'instauration d'un couvre-feu est à l'étude pour Paris et l'Ile-de-FranceJean-Loup Delmas
L'essentiel
- Ce mardi matin, Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, a annoncé l’instauration prochaine d’un couvre-feu à Paris, une information démentie dans les minutes suivantes par Matignon.
- Malgré le rectificatif, l’idée semble bel et bien sur la table à en croire Olivier Véran et le préfet de Paris.
- Un couvre-feu pendant un confinement peut-il vraiment servir à quelque chose ?
Nous n’étions pas encore fixés sur quel produit était essentiel ou non à la vente lorsque Gabriel Attal a annoncé ce mardi matin sur BFM un nouveau couvre-feu à venir s’appliquant à Paris, voire à l’Ile-de-France, en plus du confinement. Démenti quelques minutes plus tard par Matignon, qui corrige le porte-parole du gouvernement en précisant que le couvre-feu à Paris n’était « absolument pas décidé à ce stade ».
Le ministre de la Santé a confirmé un peu plus tard qu'« une concertation avec l’ensemble des élus d’Ile-de-France sera conduite ». Au-delà des tâtonnements du gouvernement, une question se pose : à quoi sert concrètement un couvre-feu pendant un confinement ?
Un aveu d’échec pour le confinement 2.0 ?
Premier élément, un couvre-feu en confinement est utile tout simplement lorsque le confinement n’est pas (assez) respecté. Pour Jérôme Marty, médecin généraliste et président de l’Union Française pour une Médecine Libre (UFML), cela ne fait aucun doute, cette « annonce » brouillonne de couvre-feu est « la preuve que le reconfinement a été mal compris et mal annoncé si au bout de quelques jours on est obligé de le renforcer ». Problème de communication de la part de l’Elysée avant tout selon le médecin. Parler d’un confinement allégé, moins dur que le premier, ou plus assoupli, « cela a été perçu comme un confinement light pendant lequel les gens peuvent quand même sortir. On ne peut même pas les blâmer, ils ne font que suivre la musique dictée par le gouvernement. »
En visite à Gennevilliers, Olivier Véran s’est exprimé sur LCI, soulignant effectivement un confinement pas toujours respecté dans la capitale : « Le sujet de fond est que le préfet de police de Paris a fait constater qu’il y a un certain nombre d’attroupements le soir, qui peuvent être corrélés au maintien ouvert de commerces essentiels en soirée », a indiqué le ministre de la Santé.
Des gains potentiellement faibles
Pour l’épidémiologiste Pascal Crépey, les choses sont limpides : « Si le confinement est respecté, un couvre-feu par-dessus n’augmente pas son efficacité. Si les signaux montrent un relâchement, alors mettre un couvre-feu en plus peut clarifier la nécessité de limiter les contacts interindividuels. »
Pour lui, ce n’est pas les marches ou les footings nocturnes qui augmentent fortement le taux d’incidence du coronavirus, « à partir du moment où on marche seul et masqué dans les rues, les risques de contamination sont logiquement très faibles ». Quant aux regroupements, plus susceptible de donner lieu à des transmissions de virus, l’épidémiologiste s’interroge : « Si des gens se regroupent illégalement après le confinement passé 21 heures, on peut se demander si un couvre-feu supplémentaire les empêchera de le faire ? »
Des mesures efficaces mais inaudibles ?
Jérôme Marty précise néanmoins que dans l’absolu, on ne peut pas fondamentalement être contre un couvre-feu, puisque la mesure est en train de faire les preuves de son efficacité, avec des baisses de cas et d’incidence observés dans les villes l’ayant appliqué dès le 16 octobre. Partant de ce postulat et selon les foyers de contaminations, puisqu’on ne peut pas toucher à la cellule familiale privée dans le même domicile, qu’il n’est pour le moment pas question de revenir sur le présentiel à l’école et que certaines entreprises ne jouent pas le jeu du télétravail, « il faut bien agir sur ce qu’on peut, à savoir les transmissions dehors, d’où le couvre-feu. »
Une bonne idée malgré tout, donc ? Si la mesure ne semble pas pouvoir faire de mal, puisqu’elle ne changera pas grand-chose pour les personnes respectant le confinement et qu’elle pourrait dans le meilleur des cas convertir certains résistants du dimanche à rester chez eux, reste à se méfier des conséquences qu’elle pourrait avoir sur la communication déjà fort critiquée du gouvernement lors de cette seconde vague. « Si le couvre-feu est instauré, il faudra amener sur la table des commentaires les éléments probants qui l’ont nécessité, sinon la population n’y comprendra rien », estime Pascal Crépey.
Jérôme Marty va également dans ce sens : « Le paradoxe de cette seconde vague, c’est qu’on a beaucoup plus de preuves qu’en mars – nombre de tests, taux de positivité, connaissance sur le virus, etc..., mais que les gens y croient beaucoup moins. C’est la conséquence d’une communication inaudible. Il faut se méfier d’un empilement de mesures partant dans tous les sens, au risque de désolidariser totalement le pays. » Soit avant de serrer la vis pour que ce confinement soit mieux appliqué, se demander pourquoi il serait peu suivi.