ILS FONT LE MONDE DE DEMAINGrâce à Sans A, Martin Besson rend visibles les personnes sans-abri

Grâce à Sans A, Martin Besson rend visibles les personnes sans-abri

ILS FONT LE MONDE DE DEMAINMartin Besson, 25 ans, a fondé le média en ligne Sans A, qui met en lumière les sans-abri et fédère une communauté de plus de 30.000 personnes pour réaliser l'un de leurs rêves.
Grâce à Sans A, Martin rend visible les personnes sans abri
Charlotte Murat

Charlotte Murat

L'essentiel

  • Martin Besson, 25 ans, a fondé le média en ligne Sans A il y a 6 ans.
  • Il met en lumière les sans-abri et permet aux internautes de réaliser leurs rêves, comme avoir un fauteuil roulant, une canne à pêche ou aller à l'opéra.
  • Malheureux à l'école, Martin a arrêté ses études pour développer Sans A.
  • Il a appris dans la douleur le métier de chef d'entreprise.

Ils sont encore étudiants ou déjà dans la vie active, bénévoles, chercheurs, salariés, à leur compte, ont monté une entreprise ou une association. Grâce à eux, le futur sera meilleur. 20 Minutes a décidé de donner la parole à des jeunes de moins de 30 ans dont les actions ont un effet bénéfique sur le monde de demain. Huitième volet de cette série avec Martin Besson, 25 ans, fondateur du média en ligne Sans A, qui va à la rencontre des personnes sans abri pour les raconter et mobilise les internautes pour réaliser l’un de leurs rêves.

« Allô ? C’est Martin. Ça y est, on l’a fait ! On a récolté plus de 2.000 euros, Gérard va avoir son fauteuil électrique. » Gérard, c’est un sans-abri parisien dont le rêve était de remplacer sa chaise roulante pour pouvoir aller rendre visite à son acolyte de toujours, un autre Gérard, celui qui le poussait dans les rues de Paris, aujourd’hui hospitalisé à cause d’un AVC. Gérard va pouvoir réaliser son rêve grâce à Sans A, un média en ligne qui « rend visibles les invisibles ». Et Sans A existe grâce à Martin.

Toux ceux qui le rencontrent font le même constat. Martin parle vite, très vite. Parce qu’il a beaucoup de choses à dire, de messages à faire passer en faveur des personnes sans-abri. Parce qu’il y a urgence. Et en ce qui le concernait, il y avait urgence à quitter l’école, une institution qu’il a « détestée ». « Je ne trouvais pas ma place dans la société, j’étais en total décalage avec les jeunes de mon âge. » Malheureux en collectivité, il sèche les cours de sa Boîte à Bac et préfère aller discuter avec Guy, un sans-abri de la rue de son école : « Avec lui il n’y avait pas de jugement. » Suivent d’autres rencontres.

Dans la peau d’un SDF

Lors de son année de Terminale, il décide de se mettre dans la peau d’un SDF pendant une semaine pour comprendre ce qu’ils vivent. « Je n’ai tenu qu’une journée. » Même courte, l’expérience lui permet d’appréhender le dédain auquel sont confrontés les sans-abri. « Pour ces personnes, c’est d’une violence inouïe d’être invisibles. On nie qui ils sont, leur passé, leur humanité. Ce n’est plus Jean-Claude, c’est le clochard du coin. » L’idée de rendre visibles les invisibles est née. Une poignée de bénévoles sont recrutés grâce aux réseaux sociaux et le site lancé en 2014. Martin a 19 ans.

« Ce n’est pas très compliqué de dire bonjour à un sans-abri, précise Martin, aujourd’hui âgé de 25 ans. C’est aussi faire preuve d’humanité. Ça leur fait du bien et on se fait du bien. On grandit grâce à ces rencontres. » Sans A fait bien plus. Le média raconte ces hommes et ces femmes en texte et en vidéo, les met en lumière grâce à des belles photos. Le public apprend à les connaître et depuis 2016 la communauté de lecteurs est devenue une communauté de bienfaiteurs. Le média engagé engage ses lecteurs. Plus de 30.000 personnes en font aujourd’hui partie.

Jamais de don forcé

Les internautes sont invités à écrire aux sans-abri sur la plateforme et leurs mots sont transformés en cartes postales. Et bien sûr, il y a les dons. « On pense qu’en France les gens ne sont pas généreux, mais c’est juste qu’on ne se vante pas de générosité. Or le fait d’exprimer ça, c’est aussi une façon de créer du mouvement », plaide Martin. Grâce à Sans A, les internautes ont offert un fauteuil électrique à Gérard, une canne à pêche à Jean-Claude, un camping-car à Séverine et Fabien, une place d’opéra à Philippe qui rêvait d’écouter du Rossini. « Une personne, une histoire, des rêves, des actions », comme le résume Martin.

Une règle d’or, cependant : jamais de don forcé. « Quand on a vraiment envie d’aider quelqu’un, on ne lui impose pas son aide, on lui demande ce dont il a besoin, intime Martin. Le fait d’infantiliser les personnes en situation de grande précarité, c’est aussi les appauvrir en termes de responsabilités. »

Apprendre le métier de chef d’entreprise dans la douleur

Des responsabilités, lui, Martin n’en manque pas. A la tête de son média, il a également monté une agence de communication pour le financer. Et a appris le métier de chef d’entreprise dans la douleur. « J’ai fait plein d’erreurs. J’ai du mal à faire la distinction entre le professionnel et le personnel. J’avais 22 ans quand j’ai fait ma première rupture conventionnelle. C’était très violent. Manager, bien recruter, c’est compliqué. Je me remets beaucoup en question, mais ça va de mieux en mieux. »


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Fier de « ne jamais avoir lâché », Martin a conscience que « Sans A contribue à changer le monde. Je peux me regarder en face pour me dire que j’ai essayé de faire des choses. Mais dans le fond, parler à une personne sans abri, ça n’a rien d’extraordinaire. Sans A ne devrait même pas exister. »