Confinement : Réussira-t-on à « sauver » Noël ?
CORONAVIRUS•La situation sanitaire peut-elle être rétablie ou au moins assez bonne pour la mi-décembre, permettant de « sauver » Noël et de passer les fêtes en famille déconfinée ?Jean-Loup Delmas
L'essentiel
- Selon le président du Conseil scientifique, le reconfinement qui débute ce vendredi ira au-delà du 1er décembre, date à laquelle il est impossible, selon lui, que la situation sanitaire soit suffisamment bonne pour se déconfiner.
- Prochaine échéance donc, Noël, avec cette question en filigrane : sera-t-il possible de le passer en famille ou les fêtes seront-elles également confinées ?
- Avec un confinement assoupli et donc plus d’interactions sociales, et au vu de la circulation actuelle du virus, Noël est loin d’être assuré.
Dans son allocution sur le reconfinement de la France, ce mercredi, le président Emmanuel Macron a évoqué une première durée de quatre semaines, jusqu’au 1er décembre, afin d’endiguer la seconde vague de coronavirus, gardant « l’espoir de célébrer en famille Noël et les fêtes de fin d’année ».
C’est notamment le but avoué du confinement irlandais, duquel la France semble s’être au moins en partie inspirée (avec notamment le maintien de l’ouverture des écoles). A Dublin, le Premier ministre du pays a clairement indiqué la finalité de ce confinement de six semaines : permettre de passer le meilleur (ou « moins pire ») Noël possible. Mais l’Irlande a pris cette décision neuf jours avant la France et avec une circulation du coronavirus bien moindre. La question se pose donc : la France peut-elle elle aussi réussir cet objectif et « sauver » Noël, ou le confinement arrive-t-il trop tard, et avec une situation sanitaire trop endommagée, pour espérer être prête pour le 25 décembre ?
Confinement allégé, confinement plus long ?
Evidemment, il est encore bien tôt pour apporter une réponse tranchée à cette question. « On en saura davantage dans les deux à quatre semaines qui viennent, elles seront cruciales pour déterminer quelle orientation et à quelle vitesse agit ce reconfinement », appuie Mahmoud Zureik, professeur en épidémiologie et en santé publique. Car ce reconfinement a son lot de mystères pour l’instant indéchiffrables.
Avec le maintien des écoles et davantage de travail présentiel, à quel rythme va-t-il freiner la circulation du virus, et combien de temps mettrons-nous à en voir les effets ? « Il n’y a pas de secret, plaide Mahmoud Zureik. Pour diminuer drastiquement la circulation du virus, il faut diminuer les interactions sociales. » Or, il y aura de fait plus d’interactions sociales dans ce reconfinement que dans celui de mars, « la baisse des contaminations et du R (nombre de personnes contaminées par une personne malade en moyenne) sera logiquement plus lente », conclut le professeur.
Emmanuel Macron a d’ailleurs bien précisé dans son discours que les quatre semaines de confinement pourraient être reconductibles tant que l’objectif fixé, moins de 5.000 cas nouveaux positifs par jour, ne serait pas atteint. Le lendemain, le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, allait dans ce sens également sur France Inter. Pour lui, il est impossible que la France atteigne cet objectif en un mois : « Les données que nous avons dans nos modélisations montrent que le 1er décembre, nous ne serons pas à 5.000 contaminations par jour. Ça, je peux vous le dire d’emblée aujourd’hui. Donc il va falloir plus de temps. »
Mais des effets pourraient être visibles avant ceux du confinement (qui mettront comme pour chaque mesure deux trois semaines avant d’être visibles dans les chiffres de Santé Publique France, le temps que le virus incube), et c’est peut-être là que demeure l’espoir pour « sauver » Noël. Le confinement n’est que la dernière mesure prise par le gouvernement, et les multiples couvre-feux instaurés, notamment ceux à Paris et dans huit métropoles le 16 octobre, devraient présenter leurs premiers effets dans quelques jours.
La Toussaint, alliée de Noël
« Si les couvre-feux font preuve de leur efficacité, on observerait une baisse du nombre d’hospitalisations et de cas, ou au moins un ralentissement de leur augmentation, dès la semaine prochaine, affirme l’épidémiologiste Pascal Crépey. Il n’y aurait donc pas l’effet de latence de deux ou trois semaines d’un confinement sans mesure avant. » Qui plus est, le confinement partirait en réalité d’une situation épidémique moins grave que celle actuelle, si les couvre-feux montrent des effets.
Toutefois, Mahmoud Zureik, les effets des couvre-feux « devraient être extrêmement limités ». Même si cela est vrai, un autre événement précédent pourrait montrer des effets positifs sur un ralentissement de l’épidémie dès les prochains jours : les vacances de la Toussaint, qui ont débuté elles aussi le 16 octobre. Or, comme toutes vacances scolaires, la Toussaint signifie une absence de classes durant deux semaines, moins de cours à l’université, plus de gens en vacances et donc ne faisant pas de présentiel en entreprise. Autrement dit, moins d’interactions sociales, et donc moins de contaminations.
Quel R minimal ce confinement peut-il atteindre ?
« Il n’y a pas de secret » donc, il faut baisser le R. Plus le R est en dessous de 1, moins les malades contaminent d’autres personnes, plus le nombre de malades baisse et donc le nombre de cas positifs, avec cet objectif de 5.000 nouveaux cas par jour. Lors du confinement de mars-avril-mai, le R était environ entre 0,5 et 0,6, ce qui voulait dire que chaque malade contaminait en moyenne 0,5 personne. Il est difficile de penser que ce deuxième confinement ira en dessous donc, avec toutes les nouvelles interactions par rapport au premier.
Néanmoins, le R pourrait quand même descendre très bas. « Lors du premier confinement, la population n’était pas équipée de masques ou pas systématiquement, de nombreuses interactions, aussi limitées étaient-elles, entraînaient une contamination. Là, on peut espérer que la hausse des interactions soit un peu compensée par le masque et une meilleure compréhension et application des gestes barrières », appuie Pascal Crépey pour la partie optimiste. Pour la partie pessimiste, l’épidémiologiste cite novembre et le froid : moins d’aération, des interactions se déroulant dans des lieux clos… A nouveau plus de chances de se contaminer que sous le soleil, les fenêtres grandes ouvertes voire les rencontres dehors de mars-avril.
Difficile d’y voir clair donc et de prédire si Noël pourra être « sauvé ». Mahmoud Zureik a la conclusion mi-amère mi-espérance : « Il ne faut pas et il ne sert à rien que la population perde espoir. Noël n’est pas encore condamné. Mais quoi qu’il en soit, ce sera un Noël Covid avec des restrictions et des gestes barrières. » Les jours vraiment heureux attendront 2021.