Attentat à Conflans : Profondément marqués, les enseignants redoutent la rentrée
TERRORISME•Le SCRT (service central du renseignement territorial) s’est intéressé aux réactions de la communauté enseignante quelques jours après l’assassinat de Samuel PatyThibaut Chevillard
L'essentiel
- Le SCRT a produit une note de quatre pages portant sur les réactions des enseignants à l’assassinat d’un professeur d’histoire-géo qui avait montré les caricatures de Mahomet à ses élèves lors d’un cours.
- Les professeurs, dont la parole s’est libérée après l’attentat, déplorent le manque de soutien de leur hiérarchie et éprouvent un « sentiment d’abandon ».
- « Des inquiétudes assez marquées portent sur le moment de recueillement qui interviendra à la rentrée, le lundi 2 novembre, et sur le déroulement de la journée de la laïcité le mercredi 9 décembre, susceptibles de favoriser des réactions provocatrices d’élèves », remarque également le SCRT.
Quelques jours après l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine, le SCRT (service central du renseignement territorial) a pris le pouls de la communauté enseignante, profondément marquée par le drame. Dans une note confidentielle, dévoilée par Le Parisien et à laquelle 20 Minutes a eu accès, le service souligne que les enseignants, actuellement en vacances, tiennent pour l’heure « uniquement à rendre hommage au défunt ».
Mais le document craint que l’assassinat de Samuel Paty par Abdoullakh Anzorov ne réactive chez les enseignants, dès la rentrée, « les débats qui avaient commencé à poindre à la suite du discours présidentiel concernant la lutte contre le séparatisme ».
Libération de la parole
Les réactions des organisations syndicales en disent long sur l’état d’état d’esprit des enseignants après la mort de ce professeur d’histoire-géo, tué après avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves lors d’un cours d’enseignement moral et civique portant sur la liberté d’expression. Les analystes du SCRT en retiennent plusieurs dans ce document de quatre pages diffusé jeudi dernier.
Parmi elles, celle du SNPDEN (Syndicat national du personnel de l’éducation nationale) qui souligne la nécessité de « dénoncer ces tentatives réitérées d’un islamisme radical qui cherche à imposer par la force et la terreur des conceptions théocratiques rétrogrades et obscurantistes ».
De manière générale, « l’attentat semble avoir libéré la parole » des enseignants, assure le SCRT. Ils sont de plus en plus nombreux à concéder « s’être autocensurés pour éviter un incident au sujet de la laïcité, plus particulièrement dans les zones d’éducation prioritaire ».
Manque de soutien
C’est aussi le manque de soutien de leur administration que dénoncent les enseignants. Le collectif Touche pas ma ZEP pointe d’ailleurs, sur sa page Facebook, « le sentiment d’abandon éprouvé par les enseignants en raison d’un syndrome "Pas de vague" ». Le mouvement des « Stylos rouges » estime également que les enseignants ne sont « jamais soutenus face à des familles et des élèves qui veulent faire la loi ». Mais ses représentants vont plus loin et mettent directement en cause « la hiérarchie de l’éducation nationale », en évoquant « la visite d’un inspecteur » et « les excuses » de Samuel Paty.
Le syndicat SNUipp-FSU s’offusque lui aussi du fait que Samuel ait été obligé « de justifier du contenu de ses cours devant des policiers après une plainte des parents » et s’interroge « sur la finalité de la venue d’un inspecteur de l’Éducation nationale "pour un rappel des règles" ». Selon le service de renseignement, « ce drame place la hiérarchie de l’appareil administratif "au pied du mur", alors qu’elle est régulièrement accusée de "minimiser, voire d’étouffer" les incidents de tous types ».
Outre un soutien sans faille de leur hiérarchie lors d’incidents, les enseignants « réclament une formation continue, notamment pour mieux réagir et argumenter face aux parents d’élèves ou aux élèves récalcitrants ».
Inquiétudes pour la rentrée
La rentrée s’annonce par ailleurs compliquée pour le corps enseignant. « Ils sont angoissés par l’annonce de l’observation d’une minute de silence, le lundi 2 novembre, ainsi que des actions particulières lors de la journée de la laïcité prévue le mercredi 9 décembre », signalent les rédacteurs de la note. La raison ? « Nombre d’entre eux se souviennent des incidents qui avaient eu lieu lors de la minute de silence à la suite de l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo et du fait que ces derniers avaient dû être répertoriés, les plaçant, ici encore, en première ligne. »
Or, rappelle la note, la secrétaire d’État à la Jeunesse a déclaré que « ne pas respecter un symbole, notre drapeau, une minute de silence pour la mort d’un martyr de la République, ça doit être signalé ».