Attentat à Conflans : Ce que l’on sait de l’enquête sur la décapitation du professeur d’histoire-géographie
TERRORISME•Le procureur antiterroriste Jean-François Ricard a tenu une conférence de presse samedi pour faire le point sur la décapitation d’un professeur d’un collège de Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines, vendrediNicolas Camus
L'essentiel
- Un professeur d’histoire-géographie a été décapité vendredi à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), vers 17 heures, près du collège où il enseignait.
- Le Parquet national antiterroriste s’est immédiatement saisi de l’enquête, ouverte pour « assassinat en relation avec une entreprise terroriste » et « association de malfaiteurs terroriste criminelle ».
- Le procureur antiterroriste Jean-François Ricard a fait le point sur l’enquête, samedi en début d’après-midi.
Samedi en début d’après-midi, à l’heure où un rassemblement commençait devant le collège du Bois d’Aulne à l’appel du maire de Conflans-Sainte-Honorine, le procureur antiterroriste Jean-François Ricard a tenu une conférence de presse pour faire le point sur l’assassinat de Samuel Paty, ce professeur d’histoire-géographie décapité vendredi.
« J’ai tenu à m’exprimer au plus tôt, compte tenu de la gravité des faits et de leur immense retentissement », a-t-il fait savoir. Voilà ce qu’il faut retenir de son intervention.
Que s’est-il passé ?
Vendredi, à 17h11, la police nationale est sollicitée par la police municipale d’Eragny-sur-Oise (commune qui jouxte Conflans-Sainte-Honorine) après la découverte d’un corps sur la voie publique. Un homme avec une arme de poing est immédiatement désigné comme l’auteur présumé des faits. Les policiers nationaux se rendent sur place et tombent sur lui. « A leur vue, l’individu a couru dans leur direction et tiré à cinq reprises avec son arme de poing », a raconté le procureur. Trois policiers ripostent et le touchent. A terre, l’assaillant tente de se relever et de donner des coups de couteau. Il est neutralisé. « Son corps présente neuf impacts d’entrées de balles », a-t-il détaillé.
Qui était l’agresseur ?
Comme les premiers éléments de l’enquête l’indiquaient, l’assaillant présumé est un individu « né en 2002 à Moscou, de nationalité russe et d’origine tchétchène ». Abdoullakh Abouyezidvitch possédait un titre de séjour, valable pour dix ans, qui lui avait été délivré début mars dernier. Il habitait à Evreux et était « inconnu des services de renseignements ». Il n’avait jamais été condamné, tout en ayant été reconnu coupable « de violences et dégradations volontaires alors qu’il était mineur », a précisé le procureur.
Le compte Twitter authentifié
Depuis vendredi soir, les enquêteurs s’intéressaient à un compte Twitter, rapidement fermé, qui revendiquait cet attentat. Un message y avait été posté, montrant une photo de la tête de la victime sous laquelle Emmanuel Macron était qualifié de « dirigeant des infidèles ». L’auteur du message assurait vouloir venger celui « qui a osé rabaisser Muhammad ». « Ce compte appartenait à l’auteur des faits », a déclaré Jean-François Ricard. Le texte de la revendication et une photographie de la victime morte ont également été retrouvés dans le téléphone de l’assaillant.
Ce qu’il s’est passé ces dix derniers jours
Un enchaînement de faits, depuis le cours de Samuel Paty le 5 octobre montrant deux caricatures du prophète Mahomet dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression, a mené à cet assassinat. Dès le soir de ce cours, un parent d’élève, alerté par sa fille, publie une vidéo pour relater les faits et appelle à une manifestation pour demander l’exclusion de l’enseignant. Trois jours plus tard, le père et un second individu se rendent au collège pour rencontrer la principale du collège. « Elle a essayé d’apaiser les choses, pendant que les deux personnes demandaient le renvoi du professeur sous peine d’une mobilisation », a relaté Jean-François Ricard. Le soir de ce même 8 octobre, le père publie une nouvelle vidéo dans laquelle il nomme le professeur, donne l’adresse du collège et incite ceux qui le veulent à manifester « pour dire stop ».
Le 11 octobre, le père se rend au commissariat avec sa fille pour porter plainte pour diffusion d’images pornographiques. Le professeur est entendu le 12, il relate le contenu de son exposé, dont il remet une copie. « Il n’a pas dit aux élèves musulmans de sortir de la classe, mais a pris soin de proposer aux élèves qui pourraient être heurtés de ne pas regarder », a dit le procureur. Samuel Paty a porté plainte à son tour pour diffamation.
Le procureur a évoqué une dernière vidéo, publiée le 13 octobre sur YouTube, dans laquelle on retrouve le père et sa fille. Une tierce personne accuse Emmanuel Macron d’attiser la haine contre les Musulmans et appelle à une manifestation devant le collège. Il s’agit de l’homme qui avait accompagné le père pour aller voir la principale. Cette dernière fait état de nombreux appels de menace reçus au collège à la suite de la diffusion de cette vidéo.
Enfin, vendredi, l’assaillant était devant la grille du collège, et sollicitait des élèves pour lui désigner le professeur.
La demi-sœur du père de famille a rejoint Daesh en 2014
Neuf personnes ont été placées en garde à vue. Quatre sont issues de l’entourage familial direct de l’assaillant, deux autres personnes se sont présentées d’elles-mêmes tard vendredi soir et ont indiqué avoir été en contact avec l’auteur peu avant les faits. Il y a également l’homme apparaissant sur la vidéo du 12 octobre, qui avait accompagné le père au collège, et sa compagne.
Le père de l’élève plaignante a lui aussi été interpellé ce samedi matin à Chanteloup-les-Vignes. « Il faut préciser que la demi-sœur de cet homme avait rejoint l’organisation Etat islamique en octobre 2014 en Syrie. Elle fait l’objet d’un mandat de recherche par un juge d’instruction antiterroriste », a fait savoir le procureur.
Et maintenant ?
L’enquête menée sous l’autorité du parquet antiterroriste se poursuit. « Il faut désormais préciser l’emploi du temps de l’auteur des faits dans les jours précédant » l’attaque et « établir ce qu’ont fait les personnes gardées à vue », a expliqué Jean-François Ricard. Ce dernier n’a pas permis aux journalistes présents de poser des questions, « compte tenu de la nature récente des faits et pour ne pas nuire à l’avancée des investigations ».