FAKE OFFSimone Veil a-t-elle bien dit que l'IVG n'est « pas une banalité » ?

Simone Veil a-t-elle bien dit que « l’acte d’IVG n’était pas une banalité » ?

FAKE OFFOn fait le point sur une citation attribuée à Simone Veil par le secrétaire général des Républicains, Aurélien Pradié
Alexis Orsini

Alexis Orsini

L'essentiel

  • «Simone Veil elle-même a toujours dit que l'acte d'IVG n'était pas une banalité ».
  • En plein débat politique sur la prolongation du délai légal de l'IVG de 12 à 14 semaines, Aurélien Pradié, secrétaire général des Républicains, a prêté ces propos, lors de son passage sur Franceinfo, à l'initiatrice de la loi de dépénalisation de l'IVG.
  • Si Simone Veil a bien tenu des propos semblables, l'interprétation qu'il en fait oublie un peu vite leur contexte.

Faut-il allonger le délai légal de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) de 12 à 14 semaines ?

Alors que les députés ont adopté, le 8 octobre, en première lecture, une proposition de loi en ce sens, la question divise dans le monde politique. Aurélien Pradié, secrétaire général du parti Les Républicains (LR) a ainsi confié, lors de son passage sur Franceinfo, mardi 14 octobre, son inquiétude quant à une « forme de banalisation de cet acte-là pour les femmes ».

Une crainte qui s’inscrirait, selon lui, dans la droite lignée des réserves exprimées par la ministre de la Santé ayant permis l’adoption de la loi dépénalisant l’IVG en 1975, Simone Veil, à une époque où l’avortement se pratiquait de manière clandestine.

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« Simone Veil fait partie pour moi des totems politiques et je n’ai aucun complexe à dire que la loi Veil est une des plus belles et plus grandes lois de la République. D’ailleurs, c’est une des loi les plus marquantes pour protéger les femmes puisqu’il s’agissait de cela à l’époque. Et Simone Veil elle-même a toujours dit que l’acte d’IVG n’était pas une banalité », a ainsi affirmé Aurélien Pradié sur Franceinfo. Quitte à citer un peu rapidement les propos de cette grande figure féministe, disparue en 2017.

FAKE OFF

Dans son discours le plus célèbre, prononcé le 26 novembre 1974 à l’Assemblée nationale pour défendre son projet de loi de dépénalisation de l’IVG, Simone Veil avait effectivement rappelé le caractère singulier d’une telle pratique : « Les deux entretiens qu’elle [la femme cherchant à réaliser une IVG] aura eus, ainsi que le délai de réflexion de huit jours qui lui sera imposé, ont paru indispensables pour faire prendre conscience à la femme de ce qu’il ne s’agit pas d’un acte normal ou banal, mais d’une décision grave qui ne peut être prise sans en avoir pesé les conséquences et qu’il convient d’éviter à tout prix. »

Elle a donc bien souligné, à cette occasion, que la pratique n’était « pas une banalité ». « Elle voulait dire que l’IVG n’est pas rien pour une femme, que c’est un acte important, mais aussi que toute femme a le droit d’accéder à l’IVG dans un délai légal car son corps lui appartient », nuance auprès de 20 Minutes Jocelyne Sauvard, autrice de la biographie Simone Veil, la force de la conviction (éditions de L’Archipel).

« Elle avait une position claire dans son discours de 1974 et dans tous les suivants. Personne ne peut dire que l’IVG est une banalité, ça implique de faire un choix, mais c’est aussi une souffrance physique et morale. Simone Veil l’a toujours maintenu », ajoute l’autrice.

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Un discours tenu dans une « optique de nécessaire concession »

Les propos de la ministre de la Santé sont aussi à resituer dans le contexte de l’époque, comme l’explique à 20 Minutes Florence Rochefort, historienne, chercheuse au CNRS et co-autrice de l’ouvrage Les lois Veil. Les événements fondateurs : Contraception 1974, IVG 1975 (avec Bibia Pavard et Michelle Zancarini-Fournel, aux éditions Armand Colin) : « Simone Veil a souligné que l’IVG n’était pas un acte banal lors d’un discours donné dans un monde politique majoritairement masculin et plutôt réactionnaire sur les questions de mœurs, dans une optique de nécessaire concession à ce moment donné, qui n’a plus lieu d’être aujourd’hui et qu’elle n’aurait plus à faire aujourd’hui. »

« Le sens de la loi Veil, il y a 45 ans, était de donner suffisamment de garanties aux anti-IVG pour s’assurer que la loi passe, en faisant donc des concessions – comme la clause de conscience, qui ne se justifie plus aujourd’hui – dans un contexte de grande frilosité sur le sujet. C’est spécieux de mettre dans la bouche de Simone Veil quelque chose qu’elle ne dirait pas aujourd’hui », déplore la chercheuse.

Et d’ajouter : « L’affirmation d’Aurélien Pradié est très décalée par rapport à la réalité de la vision de Simone Veil sur l’IVG : refuser la banalité consiste justement à ne pas réduire ce sujet à une simple question de protection des femmes alors qu’il était et qu’il est encore fondamentalement question de leur liberté et de leur droit à l’IVG déjà [à l’époque] ».

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Simone Veil avait elle-même reconnu, lors de son intervention, l’objectif premier du gouvernement : « faire une loi réellement applicable ». Puis, dans l’ordre : « faire une loi dissuasive ; faire une loi protectrice. »

Non sans rappeler la difficulté de recourir à l’IVG pour les femmes, dans une formule ayant marqué les esprits : « Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme – je m’excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d’hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. »