Moussa mobilise la jeunesse de Bagnolet
ILS FONT LE MONDE DE DEMAIN•Après avoir arrêté l’école à 15 ans, Moussa Sylla a fondé l’AJDB, l’Association de jeunes pour le développement de Bagnolet, principalement tournée vers les 12-17 ans, avec un mot d’ordre, faire d’eux des citoyens engagés et responsablesCharlotte Murat
L'essentiel
- Après une scolarité chaotique, Moussa Sylla a arrêté l’école à 15 ans. Une première expérience professionnelle comme serveur à 16 ans est pour lui une révélation.
- En 2014, il fonde l’AJDB, l’Association de jeunes pour le développement de Bagnolet. A travers de petites actions, il veut pousser les jeunes dans un premier engagement, afin de faire d’eux des citoyens responsables.
- Ses responsabilités à lui l’ont amené à se former et il est aujourd’hui titulaire d’un équivalent Bac + 3.
Ils sont encore étudiants ou déjà dans la vie active, bénévoles, chercheurs, salariés, à leur compte, ont monté une entreprise ou une association. Grâce à eux, le futur sera meilleur. 20 Minutes a décidé de donner la parole à des jeunes de moins de 30 ans dont les actions ont un effet bénéfique sur le monde de demain. Septième volet de cette série avec Moussa Sylla, 26 ans, qui après une scolarité plus que chaotique arrêtée à 15 ans, a cofondé l’AJDB, l’Association de jeunes pour le développement à Bagnolet, pour pousser les jeunes à devenir des citoyens engagés et responsables.
« Ma seule manière d’exister, c’était de foutre la merde. » Lorsque Moussa Sylla qualifie le jeune garçon qu’il était à l’école et au collège, il ne cherche pas à embellir son passé. Il ne cache pas les conseils de discipline, les établissements dont il s’est fait renvoyer, les heures de cours séchées, le bus dont il ne descendait même plus et qui l’emmenait de Bagnolet jusqu’au terminus à Châtelet, puis retour et ainsi de suite toute la journée. Aujourd’hui, il est à la tête de l’AJDB, l’Association de jeunes pour le développement à Bagnolet, fondée avec deux de ses frères et trois de ses amis.
Au départ axée sur le divertissement, l’association créée en 2014 promeut le développement local, tout en incluant la jeunesse. Elle compte aujourd’hui 60 bénévoles et a bénéficié à plus de 2.700 habitants. « Les différents projets que nous menons rappellent mon parcours », indique Moussa. Sorties culturelles ou sportives, soutien scolaire, prestation de traiteur pour financer des voyages, nettoyage des rues, l’AJDB multiplie les actions. Avec un maître mot : la responsabilisation des jeunes, et en particulier des 12-17 ans : « Parce que c’est à ces âges-là que tout se joue et que l’on commence à tracer le chemin que l’on suivra plus tard. »
« La "street", ça aurait été la double peine pour ma mère »
Le chemin de Moussa était mal parti, il le raconte volontiers. Sa scolarité plus que chaotique le pousse à quitter l’école au milieu de son année de 3e. En bas des tours du quartier des Malassis, à Bagnolet, en Seine-Saint-Denis ce jeune d’alors 15 ans aurait pu choisir la facilité, la « street » et ses trafics. Mais « ça aurait été la double peine pour [sa] mère ». Ce qu’il veut, c’est travailler. Il falsifie une photocopie de sa carte d’identité et se fait embaucher comme serveur dans un quartier bourgeois de la capitale. « Le fait que des adultes me fassent confiance a tout changé pour moi. Je gagnais 1.200 euros par mois à charbonner comme un ouf, quand des potes gagnaient ça en une semaine, mais j’étais fier d’avoir des responsabilités », confie-t-il. Au bout d’un an, le restaurant ferme, retour dans la cité. Des petits boulots. Moussa se fait embaucher à 19 ans comme animateur par la ville et se découvre une vocation.
Puis naît l’AJDB. « Les politiques de la ville ne sont pas adaptées. C’est comme une goutte d’eau qu’on lancerait de 1.000 mètres. Elle n’atteint pas le sol. Nous, on se met à 1 cm du sol, précise Moussa. On a une diversité d’action qui permet d’élargir l’horizon des jeunes et de faire d’eux des citoyens engagés. Quand tu t’engages à une échelle locale, tu te rends compte que c’est possible. Demain, quand ces jeunes devront s’engager sur des questions plus conséquentes ou à des échelles beaucoup plus grandes, ils se sentiront déjà concernés et capables. »
Un exemple pour les jeunes
Sans diplôme, pas même le Brevet des collèges, Moussa a passé son Bafa (Brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur en accueils collectifs de mineurs) au moment de monter son association. Puis tous les diplômes de l’animation jusqu’au plus haut, le DESJEPS (Diplôme d’État de directeur de projet d’animation et de développement), équivalent à un Bac + 3. « Plusieurs jeunes m’ont déjà dit que j’étais un exemple pour eux. Au début, ça met une grosse pression. Maintenant, je suis conscient que c’est ma responsabilité. Dans tout ce que je fais, je me challenge en me disant que chaque marche que je monte, c’est une marche supplémentaire que ces jeunes pourront se dire capable de monter. Ils me disent qu’ils veulent faire de plus longues études, faire tel métier, ils s’intéressent à de nouvelles choses », explique-t-il.
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Ce jeune qui n’aimait pas l’école et qui s’en est sorti par sa seule volonté est aujourd’hui plein d’ambition. Il est en train de monter L’industrie des talents, une structure qui accompagne des jeunes sur le terrain de l’emploi en valorisant leurs expériences et leurs engagements plus que leurs diplômes. « Les jeunes ont un pouvoir et des responsabilités. Si aujourd’hui j’ai la folie de devenir entrepreneur social, c’est parce que j’ai pris conscience de mes capacités. C’est cette idée que je veux transmettre. »