Non, le port du voile n’est pas interdit pour les mères accompagnant des sorties scolaires
FAKE OFF•Une publication Facebook dénonce cette prétendue interdiction, affirmant par ailleurs qu'un enseignant tatoué sur le visage pourrait, pour sa part, enseigner sans problème en maternelleFake off 20 Minutes
L'essentiel
- Deux poids, deux mesures ? Une publication Facebook affirme que les femmes portant un voile ne pourraient pas accompagner de sorties scolaires, tandis qu’un enseignant tatoué sur le visage pourrait exercer en maternelle sans être inquiété.
- Ces deux affirmations sont fausses.
- Les signes religieux ne sont pas proscrits pour les accompagnants de sortie scolaires. Les tatouages de l’enseignant, surnommé Freaky Hoody, l’ont conduit à ne plus enseigner en maternelle.
Les femmes voilées ont-elles interdiction d’accompagner des enfants lors d’une sortie scolaire tandis que, dans le même temps, un enseignant tatoué jusque sur le visage et dans le blanc des yeux pourrait, pour sa part, exercer sans problème face à des élèves d’école maternelle ? C’est en tout cas ce que suggère une publication très virale sur Facebook au cours des derniers jours.
A gauche, la photo d’une femme voilée avec cette légende : « Donc moi je peux pas accompagner mes enfants en sortie scolaire. » A droite, un portrait du mannequin Freaky Hoody et cette description : « Mais lui peut être leur maître à l’école maternelle. »
FAKE OFF
Cette publication fait référence à la situation de Sylvain Hélaine, dont il a été beaucoup question dans les médias au cours de la semaine dernière. Plus connu sous le pseudonyme de Freaky Hoody, celui qui est considéré comme l’homme le plus tatoué de France est en effet professeur des écoles.
Et en cette période de rentrée scolaire, cela ne plaît pas à tous les parents, en particulier son regard encré de noir. Alors qu’il enseigne depuis onze ans sans difficulté, cet enseignant remplaçant de l’Essonne ne sera plus affecté devant des élèves de maternelle « pour éviter de recevoir des lettres de plaintes », comme l’a lui-même dit Sylvain Hélaine à BFMTV.
Sur le lieu de travail, car c’est bien dans le cadre de son activité professionnelle que les tatouages de Sylvain Hélaine ont été pointés du doigt, le code du travail fixe plusieurs règles. L'article L1131-1 portant sur le « principe de non-discrimination » spécifie en particulier qu’« aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire » en raison, notamment, « de son apparence physique ».
Pour les enseignants, pas de règles en matière d'« apparence physique »
Les règlements intérieurs des entreprises peuvent parfois être plus contraignants pour les salariés. Mais au sein de l’Education nationale, « aucun texte législatif ou réglementaire encadrant spécifiquement la tenue des personnels enseignants ou leur apparence physique » a indiqué à LCI le ministère de l'Education nationale. L’unique obligation est celle d’avoir une tenue qui ne constitue pas un manquement au principe de laïcité et de neutralité politique et religieuse, selon le « Vade-mecum sur la laïcité à l'école » édité en octobre dernier par l’Education nationale et qui fait référence en la matière.
Dans le cas de « Freaky Hoody », « il semble que ses tatouages ne constituent pas un manquement à l’obligation de neutralité politique et religieuse », a ajouté le ministère auprès de LCI. « Un dialogue est instauré entre le rectorat et le professeur et un accord a été trouvé pour qu’il effectue ses remplacements devant des élèves de primaire et non de maternelle, qui pourraient en être effrayés », ont précisé les services de Jean-Michel Blanquer.
Le port de signes religieux lors des sorties scolaires est autorisé
Voilà pour la situation de Sylvain Hélaine. Pour la question du port du voile lors des sorties scolaires, c’est également dans le « Vade-mecum sur la laïcité à l’école » que l’Education nationale détaille les règles en vigueur. Et contrairement au post relayé sur les réseaux sociaux, les mamans portant un hijab – voile qui couvre la tête en laissant le visage apparent – sont autorisées à participer aux visites dans les musées et autres lieux culturels en compagnie de la classe de leur enfant.
La fiche 22 du document, intitulée « port de signes religieux par les parents d’élèves », explique en effet que si la neutralité est de mise lorsque les parents sont à l’intérieur de l’établissement scolaire, « la situation est distincte de celle de l’accompagnement d’une sortie scolaire, à l’extérieur de l’établissement ». Cette fiche vient compléter l'étude réalisée en 2013 par le Conseil d'Etat à la demande du Défenseur des droits de l’époque, Dominique Baudis.
Face aux zones d’ombre, ce dernier avait demandé à la plus haute juridiction administrative de l’éclairer. D’autant qu’un an plus tôt, une circulaire de Luc Chatel, alors ministre de l’Education nationale, demandait que les mères d’élèves accompagnant les sorties scolaires ne portent pas de signes religieux ostentatoires. Dans son avis, le Conseil d’Etat avait indiqué que les accompagnantes n’étaient pas soumises à la neutralité religieuse.
Cette question revient encore régulièrement sur le devant de l’actualité. A l’automne dernier, la vidéo d’un élu du Rassemblement national au conseil régional de Bourgogne Franche-Comté invectivant une mère de famille voilée accompagnant la classe de son fils dans l’hémicycle régional avait relancé le débat et provoqué un tollé.
Le chef de file des députés Les Républicains, Christian Jacob, avait alors demandé à inscrire dans la loi l’interdiction des signes religieux lors des sorties scolaires. Tout comme le Rassemblement national qui, en la personne de Bruno Bilde, avait alors déposé une proposition de Loi. Une demande à nouveau réitérée ces derniers jours par le député Eric Ciotti.
A l’époque, Jean-Michel Blanquer était intervenu sur le sujet. Sur l’antenne de BFM, il avait estimé que le voile islamique n’était « pas souhaitable » dans ces occasions, mais que ce n’était toutefois pas interdit. « Vous avez d’une part ce que dit la loi – elle n’interdit pas aux femmes voilées d’accompagner les enfants – mais c’est certain nous n’avons pas envie d’encourager ce phénomène. Heureusement qu’on n’interdit pas tout par la loi », avait-il justifié.
Un an plus tard, il semblerait que l’avis personnel du ministre de l’Education sur le sujet n’ait pas évolué. Il aurait même été partisan que cette interdiction soit finalement inscrite dans la future loi contre les séparatismes, dont Emmanuel Macron doit dévoiler les grandes lignes ce vendredi, selon une information de France Info. Ce qui ne serait pas le cas du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui aurait plaidé l’inverse auprès du président de la République. On saura vendredi lequel a eu gain de cause, pour un sujet qui ne manquera pas de faire couler encore beaucoup d’encre.