Coronavirus : Plus de la moitié des Français ont peur de basculer dans la pauvreté
CRISE•Le Baromètre de la pauvreté Ipsos 2020 pour le Secours populaire* paru ce mercredi témoigne de l’impact de la crise sanitaire sur une partie des FrançaisDelphine Bancaud
L'essentiel
- Selon le Baromètre de la pauvreté Ipsos 2020 pour le Secours populaire* 33 % des Français estiment que leurs revenus leur permettent juste de boucler leur budget et 18 % confient ne pas y parvenir.
- Et les associations déjà submergées par la demande d'aide, anticipent une nouvelle montée en flèche des bénéficiaires.
Au début de l’année, ils n’avaient pas forcément besoin de faire leurs comptes. Désormais, c’est une nécessité. Les conséquences économiques de la crise sanitaire ont plongé une partie des Français dans la gêne financière, voire dans la précarité pour certains d’eux. D’après le Baromètre de la pauvreté Ipsos 2020 pour le Secours populaire* paru ce mercredi, 33 % des Français estiment que leurs revenus leur permettent juste de boucler leur budget et 18 % confient ne pas y parvenir.
Une descente financière qui s’explique par une perte de revenus entre les mois de février et d’août 2020 pour un tiers des Français. Un phénomène qui ne touche pas seulement les personnes qui ont perdu leur emploi, mais aussi les actifs, comme l’explique Jean Stellittano, secrétaire national du Secours populaire : « 43 % de ceux qui ont vu leurs revenus fondre sont des actifs. Car certains d’eux ont été mis au chômage partiel et leur entreprise n’a pas compensé la perte de salaire. D’autres n’ont pas pu faire d’heures supplémentaires et ceux qui cumulent deux emplois en ont parfois perdu un. Sans compter les chefs d’entreprise qui ont baissé leur rémunération ou ne se sont pas payés pour sauver leur boîte. Ou bien encore les sous-traitants de grosses boîtes qui ont perdu des contrats ».
57 % des Français ont peur de basculer dans la pauvreté
Des difficultés financières qui les contraignent à faire des arbitrages dans leurs dépenses. « Ils reportent certains soins médicaux (dentaires, ophtalmologiques, analyses de sang). Et restreignent leurs dépenses alimentaires. D’ailleurs, ceux qui bénéficient d’aide alimentaire au secours populaire viennent surtout chercher des fruits et légumes et des protéines », constate Jean Stellittano. Sans surprise : ce sont les foyers les plus précaires ayant des revenus inférieurs à 1.200 euros net qui sont le plus touchés par ces privations. Car si 40 % des Français se restreignent sur la qualité de leur alimentation, 64 % des plus modestes y sont contraints. Selon le baromètre du Secours populaire, 57 % des Français interrogés disent aussi ne pas être partis en vacances cet été (30 % des moins de 35 ans). Un sur quatre pour des raisons financières. « Alors que les vacances sont sacrées chez les Français et qu’ils épargnent toujours en cours d’année pour pouvoir se les offrir. Mais beaucoup ont préféré renoncer à partir en raison des incertitudes qui pesaient sur leur emploi », analyse le secrétaire national du Secours populaire.
Et l’inquiétude croît chez nombre de Français, 57 % d’entre eux ayant peur de basculer dans la pauvreté. « Après le confinement, l’amortisseur social a fonctionné. Grâce au chômage partiel, à l’aide de 1.500 euros pour les indépendants, à l’aide de 150 euros pour les ménages bénéficiaires de minima sociaux… Ces filets de sécurité couplés aux éventuelles économies des ménages leur ont permis de tenir. Mais l’on sait que certains ont aussi contracté des crédits à la consommation, sont récemment devenus bénéficiaires du RSA, ou sont en train de perdre leur emploi… », s’alarme aussi Jean Stellittano.
« Il faut un vrai plan pauvreté à la hauteur du plan de relance »
Une perspective qui met encore plus la pression sur les associations humanitaires. Car lors des deux premiers mois du confinement, le Secours populaire a aidé 1.270 000 personnes, dont 45 % n’étaient pas connues de l’association. « Des familles monoparentales, des personnes âgées, des étudiants, mais aussi intérimaires, travailleurs indépendants, aides à domiciles, artisans. Et nous craignons de voir arriver dans nos accueils cet hiver une nouvelle vague de personnes en difficultés », prévient Jean Stellittano.
Une appréhension relayée aussi par les Restos du coeur et le Secours catholique. Et si les dons des particuliers, des entreprises et des fondations ont afflué lors du confinement, ils ont chuté ensuite. L’association a reçu 3,3 millions d’euros de l’Etat cet été. Un montant cependant insuffisant face à la montée en flèche des bénéficiaires. « Il faut un vrai plan pauvreté à la hauteur du plan de relance », réclame Jean Stellittano, tout en appelant les particuliers et le secteur privé à encore plus de solidarité.