Coronavirus à Rennes : Colère, incompréhension et jalousie dans les salles de sport forcées de fermer
EPIDEMIE•La préfète d’Ille-et-Vilaine Michèle Kirry a pris des mesures restrictives pour tenter de freiner l’épidémie de Covid-19Camille Allain
L'essentiel
- La préfecture a annoncé la fermeture des salles de sport et gymnases dans Rennes Métropole pour tenter de freiner l’épidémie de coronavirus.
- Les gérants des salles de sport sont en colère et se sentent sacrifiés. Ils demandent la réouverture de leurs structures.
- Le patron de l’empire du fitness L’Orange Bleue estime que beaucoup de salles indépendantes « ne se relèveront pas ».
Elles sont au tapis, sonnées. Vendredi soir, les salles de sport de Rennes Métropole ont appris de la bouche de la préfète d’Ille-et-Vilaine Michèle Kirry qu’elles devaient ranger les serviettes pour au moins quinze jours. Sacrifiées sur l’autel de la crise sanitaire, ces structures privées se sentent méprisées et crient à l’aide pour tenter d’être entendues par les autorités. Une pétition a même été lancée sur la toile. Trois jours après les annonces censées freiner la propagation de l’épidémie de Covid-19 dans la métropole, la colère est toujours bien présente. L’incompréhension aussi.
« On nous tape dessus sans raison ! Pourquoi s’en prendre aux salles de sport alors qu’on applique des mesures super-strictes ? Je n’ai pas entendu parler de cluster dans les salles de fitness », s’agace Thibaud Meunier. Le patron de My Fitness Academia est en colère mais surtout inquiet. Créée il y a un mois, son entreprise installée à Bruz (Ille-et-Vilaine) ne lui permet pas de toucher d’aides de l’État. « Entre le loyer et les charges, je dois sortir 3.000 euros par mois, sans aucune aide. Ça fait mal au c… Je ne savais pas que c’était la maire et la préfète qui décidaient de qui pouvait vivre ou non ».
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Trois semaines après la rentrée, le timing de ces fermetures est catastrophique pour ces structures, qui réalisent une grande partie de leurs inscriptions en septembre et janvier. « Mes élèves ne savent pas si elles vont signer. Elles sont perdues », témoigne Maria Jaimes, professeure de danse aérienne.
Annoncée par le ministre de la Santé Olivier Véran, la fermeture des gymnases et salles de sport dans les « zones d’alerte renforcée », dont Rennes fait partie, n’a pas vraiment été expliquée, suscitant l’incompréhension. « Pour moi, les salles de sport devraient être les derniers endroits à fermer. Chez nous, les distances étaient respectées et la plupart des grimpeurs portaient déjà le masque alors que ce n’était pas obligatoire », estime Manuel Bouillon, coordinateur de The Roof, un lieu ouvert il y a un an dans la capitale bretonne qui mélange bistrot, resto et salle d’escalade. Le patron de l’empire du fitness L’Orange Bleue s’interroge aussi. « L’État prive les Français de leur meilleur geste barrière », regrette le Rennais Thierry Marquer dans un communiqué. Selon lui, « la pratique sportive est pourtant le meilleur moyen de renforcer son immunité et d’évacuer l’angoisse ».
« On ferme les salles mais pas les piscines »
Au-delà de l’incompréhension, les patrons de salles de sport se sentent également trahis, jalousant les établissements qui continuent d’accueillir du public. « On ferme les salles mais pas les piscines. Mais pourquoi ? Je ne comprends pas la logique. Ces mesures ne serviront à rien. Et j’ai peur qu’on nous durcisse encore les contraintes », poursuit Manuel Bouillon, qui craint que son restaurant et son bar, déjà bridés par une fermeture à 22 h, ne doivent baisser le rideau, comme c’est le cas à Marseille.
Au-delà de leur frustration et de celle de leurs pratiquants, ces structures souvent indépendantes craignent pour leur survie. « Des salles indépendantes ne se relèveront pas », prévient le patron de L’Orange Bleue. Son enseigne accuse une baisse de 30 % du nombre d’abonnements en cette rentrée. Son confrère d’ICR Fitness Club fait pire avec 45 à 50 % de baisse en cette rentrée. "Octobre est la période la plus chargée pour nous. On sait déjà que l’année sera très compliquée pour nous", témoigne son gérant Stéphane Mollier. « Toutes les charges tombent. Les impôts, l’Ursaaf, la location de la salle… Je ne vais pas tenir longtemps comme ça », prévient Maria Jaimes. Dépitée, la professeure de danse aérienne a l’impression « qu’on tape sur les plus faibles sans concertation ». « J’aimerais que ceux qui prennent les décisions viennent voir comment nous travaillons », poursuit Thibaud Meunier. « Je donne des cours à dix personnes dans une salle de 300 m². La distanciation, elle est là ! ».