Décrié avant d’arriver, le projet de loi Recherche examiné à l’Assemblée à partir de lundi
PLAN•Vingt-cinq milliards d'euros doivent être injectés par étapes sur les dix prochaines années20 Minutes avec AFP
C’est dans une rentrée déjà compliquée que ce texte, déjà contesté, fait son arrivée. Les députés vont examiner à partir de lundi le projet de loi sur la recherche, porté par la ministre Frédérique Vidal. Cette dernière met en avant un « investissement inédit » de 25 milliards d’euros sur dix ans, qui va apporter de la « visibilité » et « faire émerger une nouvelle génération de scientifiques ».
Plusieurs fois reporté, le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) avait été mis sur les rails par l’ancien Premier ministre, Edouard Philippe, en février 2019. Il repose sur un constat partagé : la France souffre d’un « déficit croissant d’investissement » dans sa recherche et « décroche » par rapport aux pays voisins. Et les « carrières scientifiques attirent de moins en moins les étudiants », selon le préambule du projet de loi, objet de quelque 600 amendements.
Un effort trop tardif ?
Cela doit permettre au budget de la seule recherche publique d’atteindre 1 % du PIB, niveau auquel le pays s’était engagé il y a vingt ans. Une part importante vise à revaloriser les carrières des chercheurs pour les rendre plus attractives. Et plus de 5.000 emplois de chercheurs seront créés. Les 25 milliards d’euros doivent être injectés par étapes sur les dix prochaines années : 400 millions en 2021, 800 millions en 2022, 1,2 milliard en 2023… Avec l’objectif, en 2030, d’un budget annuel de 20 milliards d’euros par an, soit 5 milliards de plus qu’actuellement.
Mais les opposants à la LPPR reprochent au gouvernement de faire peser l’essentiel de l’effort sur les quinquennats suivants et de ne « garantir » que 400 millions de plus l’an prochain, soit un effort supplémentaire moindre que celui consenti dans le budget 2020 (500 millions). « C’est sans compter sur l’effet de levier énorme du plan de relance », répond la rapporteure générale du texte, la députée LREM Danièle Hérin, ancienne présidente de l’université Montpellier 2.
Des voies de recrutement parallèles
Au-delà de la seule question budgétaire, c’est la philosophie du texte qui est décriée, et sa mesure phare visant à distribuer les nouveaux financements principalement par appels à projets, en renflouant l’Agence nationale de la recherche (ANR) à hauteur d’un milliard d’euros. Pour les syndicats, cela se fera au détriment des financements pérennes, dits « de base ». Et cela pousserait vers une recherche « compétitive et sélective » au profit de quelques-uns, en nuisant à la liberté académique. Le point de crispation majeur porte sur la mise en place de voies de recrutements parallèles, faisant craindre aux opposants un système à « deux vitesses » et une augmentation de la précarité.
Le texte prévoit des nouveaux « parcours de titularisation » à l’américaine («tenure tracks »), pour accéder à une titularisation au bout de six ans maximum, ainsi que des « CDI de mission scientifique », censés remplacer les CDD à répétition, mais prenant fin avec le projet de recherche auquel ils sont associés. « Il n’y a aucune intention de diminuer le nombre de fonctionnaires ou fragiliser la fonction publique. Ce que nous voulons, c’est attirer d’autres compétences et d’autres profils », notamment des jeunes femmes, insiste la co-rapporteure LREM Valérie Gomez-Bassac, qui défend les « chaires de professeur junior », un autre dispositif initié par le projet de loi.
Une contestation clairsemée
Alors que l’intersyndicale de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a appelé à se « rassembler massivement » lundi après-midi devant le Palais Bourbon pour réclamer « l’abandon » d’un projet de loi qui « institutionnalise la précarisation du personnel », depuis janvier, syndicats et collectifs du monde universitaire ont multiplié les actions et envoyé plusieurs milliers de personnes dans la rue. Mais le confinement a porté un gros coup d’arrêt à cette mobilisation. Tout comme la rentrée universitaire délicate, toujours sous la menace du Covid-19, après six mois de fermeture des universités.
« C’est beaucoup plus difficile, avec des fronts éparpillés », déplore la professeure de droit Véronique Champeil-Desplats (Nanterre), mobilisée contre le texte. Des instances consultatives ont aussi émis des critiques, à l’instar du Conseil économique, social et environnemental (Cese), qui juge l’investissement « pas à la hauteur des défis ». En commission, les députés ont donné un premier feu vert dans une ambiance plutôt apaisée. Mais ce sera plus électrique dans l’Hémicycle, avec la gauche qui compte relayer l’inquiétude des syndicats.