5G : Des premiers tests aux « Amish », retour sur une polémique en cinq actes
TECHNOLOGIE•Les crispations se multiplient à propos de cette nouvelle technologie, qui doit se déployer en France fin 2020
L.Br. avec AFP
L'essentiel
- Depuis quelques jours, les débats sur la 5G tournent à l’affrontement politique entre Emmanuel Macron et la gauche écologiste.
- Recours devant le Conseil d’Etat, tribunes politiques ou actes violents… Ce débat agite l’ensemble de la société.
- Alors que cette nouvelle technologie doit s’installer en France d’ici la fin de l’année, 20 Minutes revient sur des mois de polémique.
Une communication ultrarapide, un monde plus connecté, des téléchargements instantanés… Les promesses de la 5G sont nombreuses. Aussi nombreuses que les inquiétudes et les oppositions qu’elle suscite. Cette nouvelle technologie, quelque peu retardée par l’épidémie de coronavirus, doit s'installer en France fin 2020. Mais à mesure que la date de sortie se précise, les réactions se font plus vigoureuses. Des premiers tests aux « Amish » à la lampe à huile, 20 Minutes vous raconte la polémique sur la 5G.
Acte 1 : Les premières expérimentations en France
Le sujet n’est pas nouveau : à 20 Minutes, la 5G, on vous en parlait déjà en 2013. Mais le tout premier test grandeur nature en France n’a lieu que deux ans plus tard. En 2015, l’Arcep veut « anticiper le déploiement d’une nouvelle génération de réseaux mobiles », dont le déploiement est « attendu pour 2020 » : la 5G ! Elle délivre à la société Orange une autorisation d’expérimentation à Belfort. Des tests ont lieu jusqu’à la fin de l’année 2016.
Depuis, l’Arcep a multiplié les points de tests en France, recensés sur cette carte. A terme, cette technologie doit théoriquement offrir à la fois rapidité, faible temps de réponse (la latence) et énorme capacité, de manière à absorber un fort trafic numérique, en augmentation. C'est dans l'industrie qu'elle est particulièrement attendue : elle devrait permettre d'accélérer la numérisation des usines, améliorer le suivi des produits et les processus de fabrication.
Acte 2 : Destructions d’antennes et théories complotistes
En 2020, avec la crise sanitaire, la 5G s’invite dans les discours complotistes : elle est accusée de favoriser ou de propager le Covid-19. Souvenez-vous de cet « installateur d’antennes » qui affirmait avoir prouvé le lien entre la 5G et l'épidémie. Autre exemple, la vidéo d'un «anthroposophe» américain, largement reprise en France, qui affirmait l’existence d’un lien entre la pandémie de coronavirus et les ondes des réseaux de téléphonie 5G. Deux « infox » à retrouver dans notre rubrique Fake off.
La 5G est aussi visée par des actes violents. En Isère, plusieurs antennes-relais ont été incendiées en mai dernier. L’un de ces actes a été revendiqué par une plateforme Internet proche de l’ultra-gauche libertaire : elle y dénonce l’arrivée de cette technologie, responsable d’une «surveillance de masse» et d’émissions d’ondes électromagnétiques. Plusieurs antennes-relais ont ainsi été détruites. Une vingtaine en moins d’un mois sur le territoire français, selon un rapport confidentiel du service central du renseignement territorial (SCRT), révélé début mai par Le Parisien.
Acte 3 : La 5G devant le Conseil d’Etat
En février dernier, deux ONG, Agir pour l’Environnement et Priartem ont déposé devant le Conseil d'Etat quatre recours contre le déploiement de la 5G, considérant que cette technologie représente des risques pour la santé et l’environnement. Deux associations également à l’origine de la pétition «Stop à la 5G», signée par plus de 112.700 personnes.
Deux de ces recours ont été rejetés par le Conseil d’Etat : « Saisi par deux associations de défense de l’environnement, le Conseil d’Etat a estimé qu’il n’y avait pas d’urgence justifiant la suspension des textes relatifs au déploiement de la 5G », a-t-il indiqué dans un communiqué. Mais l’instance doit encore se prononcer sur le fond. Sa décision, retardée par la crise sanitaire, est attendue à l’automne.
Acte 4 : Ecologistes et municipalités demandent un délai sur le déploiement de la 5G
Alors que les enchères sur les fréquences de la 5G doivent s’ouvrir fin septembre pour les opérateurs français, tout s’accélère. Dimanche, dans une tribune publiée par le JDD, près de 70 élus de gauche et écologistes – parmi lesquels Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot ou la maire de Marseille Michèle Rubirola – ont demandé un moratoire sur le déploiement du futur réseau mobile, déplorant qu’il intervienne « sans étude d’impact climatique et environnemental, ni aucune consultation publique préalable ».
La même demande avait été faite par EELV en juillet : cette technologie va générer « une grosse inflation de la consommation électrique » et permettre « la collecte de données personnelles », avait déclaré François Thiollet, membre du bureau exécutif du parti. Idem pour Delphine Batho, députée EDS (Ecologie, Démocratie, Solidarité), qui s’était exprimée sur le sujet en juillet.
Enfin, c’était aussi ce qu’avaient réclamé les 150 citoyens tirés au sort de la Convention citoyenne pour le climat. Sur leurs 149 propositions, Emmanuel Macron avait promis d’en retenir 146. Ayant déjà indiqué les trois propositions retoquées, le Président avait semblé accepter un moratoire sur la 5G. Le député LFI François Ruffin, lui, a accusé Emmanuel Macron de se renier, et réclame un référendum sur le sujet.
Acte 5 : Quand Macron froisse les écologistes
Une promesse que semble avoir oubliée le président quelques mois plus tard quand il déclare : « Oui, la France va prendre le tournant de la 5G. » Emmanuel Macron, qui rencontrait des entreprises du secteur numérique, a même ironisé sur ceux qui préfèreraient «le modèle Amish» et « le retour à la lampe à huile ». Il réagissait à la tribune des maires publiée la veille dans le JDD.
Réaction outrée de Greenpeace : « Le moratoire sur la 5G n’émane pas des Amish (qu’on les laisse tranquilles), mais des Française-es tirées au sort pour la Convention citoyenne pour le climat que Macron a lui-même mise en place. Mais apparemment, il n’y croyait pas non plus », a tweeté Clément Sénéchal, porte-parole de l’ONG.
Si le débat sur la 5G s’accélère, c’est parce que le 29 septembre, l’Etat donnera le coup d'envoi de l'enchère d'attribution des fréquences de cette technologie, étape indispensable aux premiers déploiements qui devraient avoir lieu fin 2020. Initialement prévue en avril mais repoussée en raison de l’épidémie, l’attribution des fréquences – pour 15 ans minimum – représente un magot minimal de 2,17 milliards d’euros pour l’Etat. Le prochain rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), lui, ne doit pas être publié avant le début de l’année 2021.