EDUCATIONDiscipline, concentration… Quand le masque sème la zizanie en cours

Problèmes de discipline, de concentration… Quand le masque sème la zizanie en cours

EDUCATIONTrois semaines après la rentrée, les enseignants constatent les complications que ce petit bout de tissu engendre dans leurs cours
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Le port du masque est obligatoire pour tous les élèves âgés de plus de 11 ans pendant la classe et lors des récréations.
  • Une mesure indispensable pour lutter contre la propagation du coronavirus, mais qui confronte les enseignants à des problèmes de discipline en classe.

Bien sûr, le port du masque est nécessaire pour lutter contre l’épidémie de coronavirus. D’ailleurs, son port est obligatoire pour tous les élèves âgés de plus de 11 ans pendant la classe et lors des récréations. Mais le fait qu’il soit indispensable ne le rend pas pour autant très facile à supporter pour les collégiens et les lycéens. Et trois semaines après la rentrée, les profs font déjà le constat des complications que ce petit bout de tissu engendre dans leurs cours.

Ceux qui habituellement n’adorent pas rabâcher les règles de la vie en classe doivent en plus insister en cette rentrée sur les consignes relatives au masque. « Une perpétuelle et agaçante répétition qui joue sur le climat de classe », déplore Tristan, enseignant en Segpa. Un pensum aussi pour Yann : « Dès l’entrée en classe (et pas seulement), c’est un combat de chaque instant de veiller au port du masque de manière efficace. Autant dire que rajouter cette routine à toutes les règles de vie en classe n’est pas facile. Port du masque, bavardages, veiller à la mise au travail, gérer le déroulement de la séance… Cela devient une vraie difficulté ».

« Des élèves de 3e font exprès de l’enlever dès que j’ai le dos tourné »

Céline a fait le décompte : « Sur 1 heure de cours, pas moins de 20 rappels et interruptions ». Certains élèves enfreignent sans vergogne les règles, comme le constate Amélie, prof de collège : « Des élèves de 3e font exprès de l’enlever dès que j’ai le dos tourné », s’agace-t-elle. Et les familles n’aident pas toujours les profs dans leurs missions : « Certains parents sont contre le port du masque et le font savoir ; il y a donc un double discours, celui de l’équipe enseignante et celui des parents, dès lors que ces derniers autorisent leurs enfants à enlever ou baisser le masque en classe », constate Sophie. Faire respecter les règles dans la durée semble un vrai défi pour Magali, prof de lycée : « Si en début d’année, le port du masque semblait globalement respecté, plus le temps passe et plus les élèves essaient par tous les moyens d’alléger la contrainte : masque sous le nez voire sous le menton, enlevé dans les couloirs et dans les espaces communs si aucun adulte n’est présent, des récréations où il est très difficile de le faire respecter par tous les élèves ».

Pour Grégoire, l’exaspération est telle qu’il compte sévir : « J’envisage déjà des sanctions pour les élèves qui s’obstinent à ne pas le porter correctement dans la mesure où cela me demande 2-3 rappels par heure par élève cherchant à l’enlever ». Et le respect des gestes barrières perd encore en intensité une fois les élèves hors de l’établissement : « Dès qu’ils sortent, c’est attroupement sans masque et franches embrassades », observe perplexe Jérôme. Autre souci selon Naïma : « Les élèves ne respectent pas les recommandations concernant le lavage, le changement toutes les 4 heures… ».

« Impossible de les prendre sur le fait puisqu’on ne voit pas leur bouche »

Difficile aussi pour un prof d’asseoir son autorité devant des élèves masqués, selon Louise : « La crédibilité n’est pas terrible (sans compter le visage qui est invisible). Et lorsqu’un élève prononce une remarque insolente envers ses camarades ou le prof, impossible de savoir lequel d’entre eux a parlé ». Des incivilités dans la classe face auxquelles Nina, prof de français en collège, se sent également impuissante : « Les élèves perturbateurs ont bien compris qu’avec le masque, on ne peut plus les voir bavarder. On les entend mais on ne peut jamais vraiment savoir d’où vient le bruit. Du coup, certains osent parler ou dire des bêtises tout en regardant le professeur droit dans les yeux. Impossible de les prendre sur le fait ».

Garder l’attention des élèves masqués relève aussi de la gageure : « À partir de 14-15 h, les élèves ne parviennent plus à se concentrer, la fatigue et la suffocation l’emportent », relève Luc. Certains cours perdent aussi en efficacité en raison de difficulté de compréhension : « Je dois faire répéter quasiment systématiquement les élèves quand ils s’expriment, à cause du masque. C’est en frein en cours d’espagnol, j’espère que cela ne durera pas toute l’année scolaire », indique Sophie. « Certains de mes 6e sont timides, n’osent pas prendre la parole déjà sans masque… Or, un tiers de mon travail est de les faire parler et progresser à l’oral. Une autre partie est de les faire lire à voix haute… Cela s’avère presque impossible », explique Elise, prof de français au collège. « Il ne permet pas une communication claire et intelligible, dans un métier où justement, l’articulation et les expressions du visage sont essentielles à la compréhension », résume Tristan. Mais pas le choix. Les enseignants devront faire tant bien que mal avec ce masque encore de long mois…