Gironde : Après la fermeture de Ford à Blanquefort, inquiétudes pour son site jumeau Getrag
AUTOMOBILE•Les 800 salariés de ce site de fabrication de boîtes de vitesse sont inquiets, après l’annonce de Ford de son désengagementMickaël Bosredon
L'essentiel
- Après avoir fermé le site de FAI à Blanquefort l’an passé, Ford a annoncé se désengager de Getrag, un établissement situé juste à côté et qui emploie 800 personnes.
- L’équipementier canadien Magna reste désormais seul propriétaire du site.
- Ford reste l’unique client de l’usine jusqu’en 2024, et les syndicats dénoncent l’absence de projet au-delà.
Comme un air de déjà-vu… Un peu plus d’an après la fermeture de l’usine Ford Aquitaine Industrie (FAI) de Blanquefort (Gironde), l’établissement voisin Getrag Ford Transmissions (GFT) se retrouve à son tour dans l’œil de cyclone. Ford, propriétaire à 50 % du site, a annoncé fin août qu’il cédait sa part à Magna, son co-entrepreneur canadien au sein de GFT, qui devient ainsi le seul propriétaire de l’usine de Blanquefort.
Un désengagement qui sème l’inquiétude dans les rangs des 800 salariés de GFT, certains voyant là l’histoire se répéter. Ce jeudi, plusieurs syndicats appelaient à un débrayage et une manifestation devant l’usine.
Vases communiquant entre les deux sites
« A une époque, ces deux usines ne pouvaient pas fonctionner l’une sans l’autre, rappelle Vincent Teyssonneau, mécanicien chez GFT, et élu syndicat de la CGT. FAI réalisait les boîtes automatiques pour le marché américain, et nous les boîtes manuelles pour l’Europe, et les salariés faisaient les vases communiquant entre les deux sites. Quand Ford a fermé FAI l’année dernière, nous avons sonné l’alerte, maintenant qu’il se retire de GFT, cela renforce nos craintes. »
Ford a toutefois garanti à l’usine GFT de Blanquefort des volumes de production pendant quatre années, « à charge au nouveau propriétaire de prospecter de nouveaux marchés et de faire évoluer les produits » expliquent dans un communiqué commun les collectivités territoriales de la région Nouvelle-Aquitaine, du département de la Gironde, de Bordeaux Métropole, et les villes de Blanquefort et de Bordeaux. « Ford reste notre unique client jusqu’en 2024 seulement, et avec de petits volumes de commande, nuance Vincent Teyssonneau. Magna est désormais seul, et sans aucun projet pour le site de Blanquefort. Nous craignons une fermeture définitive ou un plan social début 2024. »
Quel avenir pour la boîte manuelle fabriquée chez GFT ?
« A cela se rajoutent les conséquences de la crise du Covid-19, explique Jérôme Bouscarrut, chaudronnier chez GFT depuis plus de vingt ans. Nous allons produire cette année 400.000-450.000 boîtes de vitesse, mais le marché de l’automobile s’est effondré, et ce que nous n’avons pas vendu cette année ne sera pas à produire l’année prochaine. » Surtout, beaucoup s’interrogent sur l’avenir du produit qui sort des chaînes de fabrication de GFT, la boîte MX65, une boîte manuelle, quand le marché automobile évolue vers la voiture électrique (sans boîte de vitesse) ou l’hybride avec boîte automatique.
Les collectivités, qui soulignent aussi « une baisse importante des ventes et des commandes » au sein du marché de l’automobile, « au moment même où celui-ci doit faire sa mutation vers de nouvelles formes d’énergie et de motorisation », se veulent toutefois rassurantes. « L’outil de production de GFT a été largement rénové [plus de 113 millions d’euros d’investissement] et il est aux derniers standards de la filière. »
« C’était écrit, c’est ça qui est terrible », selon Philipe Poutou
Comme un trait d’union entre les deux sites, et entre la lutte syndicale terminée chez FAI et celle qui démarre chez GFT, le syndicaliste et ex-candidat à la présidentielle Philippe Poutou avait fait le déplacement ce jeudi. « Je viens en tant que collègue, j’ai bossé pendant 25 ans juste à côté, et aussi en tant que militant syndicaliste », explique-t-il. Et lui a une vision radicalement différente de la situation que celle des élus.
« Ce qu’il se passe aujourd’hui à GFT, c’est la suite de ce qui s’est passé à FAI. C’était écrit, c’est ça qui est terrible. A peine Ford a-t-il terminé le boulot à côté, que ça démarre ici, ce n’est pas une surprise. Et le plus probable est que Getrag parte également d’ici quelque temps, il n’y a aucune raison de faire survivre un site dans une zone comme Bordeaux où il n’y a pas d’industrie automobile. »
« On veut le même plan social que chez FAI si jamais on doit fermer »
Malgré l’appel à la mobilisation des syndicats, seule une centaine de personnes avait fait le déplacement. « Il y a de la résignation, constate Philippe Poutou, et malheureusement la défaite qu’on a subie à côté après douze ans de lutte, malgré tout le bruit qu’on a fait, décourage certains. Ce qui est à craindre c’est qu’il n’y ait pas vraiment de lutte et qu’ils en soient juste à discuter des conditions financières du départ. »
Outre l’exigence « d’engagements de Ford sur des volumes de commande de longue durée pour pérenniser le site et les emplois », les syndicats réclament aussi au groupe industriel « qu’il dépose sur un compte séquestre 200 millions d’euros pour financer éventuellement un PSE et des départs en préretraite. » « On veut le même plan social que chez FAI si jamais on doit fermer », prévient un syndicaliste.