Sécurité, incivilités... Paris est-il devenu violent ?
DELINQUANCE•Cet été, une succession de faits divers violents a placé l’insécurité au centre des débats politiques. Zoom sur Paris confronté, depuis quelques années, à des mauvais chiffres en matière de délinquance
Caroline Politi
L'essentiel
- Selon un audit commandé en octobre 2018 par la mairie, 65 % des Parisiens jugent que la ville est sûre mais un sur deux a le sentiment que la situation s’est dégradée.
- La capitale a enregistré ces dernières années des mauvais chiffres en matière de délinquance.
- Paris s’apprête à se doter d’une police municipale.
Des supporters du PSG évacuant leur frustration après la défaite en Ligue des champions en saccageant des boutiques sur les Champs-Elysées. Une infirmière rouée de coups dans un bus en Seine-Saint-Denis pour avoir demandé à des ados de porter leur masque. Un conducteur de la RATP violenté par une dizaine d’hommes pour un banal incident de circulation. La société s’est-elle « ensauvagée » comme l’affirmait fin juillet, dans les colonnes du Figaro, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin ? Ne serait-ce qu’à Paris et en Ile-de-France, les faits divers ont rythmé l’été aussi régulièrement que les bilans sur les hospitalisations liées au Covid-19.
Le sujet de la sécurité dans la capitale n’est pas nouveau, loin s’en faut. Selon un audit commandé en octobre 2018 par la mairie, 65 % des Parisiens jugent que la ville est sûre mais un sur deux a le sentiment que la situation s’est dégradée et que les incivilités ont progressé ces dernières années. Ce sentiment d’insécurité serait particulièrement palpable, la nuit, dans les transports (63 %), dans la rue (59 %) et dans les parcs (55 %). Et près d’une femme sur deux se plaint de harcèlement sur la voie publique.
Hausse des chiffres de la délinquance
Si en matière de sécurité le ressenti est souvent différent de la réalité, la capitale a enregistré ces dernières années de mauvais chiffres en matière de délinquance. Selon la base de données des crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie, les coups et blessures ont augmenté de 46 % entre 2013 et 2019 dans la capitale, les vols avec violence (sans arme) de 93 %, les vols à la tire de 684 %… Et que ce soit les viols ou les faits de harcèlement ou d’agression sexuelle, ils ont doublé en six ans. « Ces chiffres montrent qu’il y a une augmentation des plaintes mais ils ne sont pas suffisamment précis pour savoir si on assiste à une explosion des actes ou si les gens, mieux sensibilisés, vont plus facilement porter plainte », nuance Christophe Soullez, directeur de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP).
Le mouvement #MeToo, par exemple, a participé à la libération de la parole des femmes en matière de violences sexuelles ce qui explique – au moins en partie – l’augmentation du nombre de plaintes pour viols ou agressions sexuelles. De même, la sensibilisation autour des violences conjugales peut expliquer partiellement la hausse des « coups et blessures » qui les englobent. « Les statistiques ne sont pas suffisamment précises pour parler d’une flambée de la violence », poursuit le chercheur. Certains items, néanmoins, suggèrent une augmentation de la violence. Ainsi, si les homicides sont restés relativement stables dans la capitale (hors attentats), les tentatives, elles, ont grimpé de 38 % en six ans.
Revirement sur la police municipale
« Depuis quelques années, on a vraiment le sentiment que la violence s’est banalisée, constate Yvan Assioma, le secrétaire national en Ile-de-France du syndicat Alliance. Les vols à l’arraché sont de plus en plus souvent accompagnés de violence. A la moindre résistance, les coups pleuvent, on voit de plus en plus de coups de couteau. » Entre 2013 et 2019, les vols avec arme blanche ont en effet enregistré une hausse de 27 % rien qu’à Paris. Des chiffres qui ont poussé la maire de Paris à changer son fusil d’épaule concernant la police municipale.
Après s’y être longtemps opposée, la maire de Paris, Anne Hidalgo a créé la surprise en janvier dernier en faisant volte-face sur la question. Si la ville attend toujours la promulgation d’une loi lui permettant la création officielle d’une police municipale parisienne, 3.400 personnes sont d’ores et déjà affectées à ce service.