Les rave parties sont-elles propices à la transmission du Covid-19 ?

Coronavirus : Les rave parties sont-elles propices aux contaminations ?

EPIDEMIELa préfecture de Lozère a mis en garde contre le risque de transmission du virus, à l'occasion d'une rave party. Pas de quoi s'alarmer, souligne pourtant un épidémiologiste
Catherine Abou El Khair

Catherine Abou El Khair

L'essentiel

  • Ce dimanche, plus de 10 000 personnes se sont rendues sur un champ agricole en Lozère, où une rave party s'est tenue.
  • Alors que la préfecture locale s'est émue du risque de création de clusters, les risques de contamination à l'extérieur par aérosol sont quasi nuls, contrairement aux rassemblements en lieux clos, rappelle le médecin de santé publique Martin Blachier, interrogé par 20 Minutes.
  • A l'instar de confrères, l'épidémiologiste invite donc à relativiser la dangerosité de tels événements, finalement plus sûrs que des soirées dans des bars ou intérieurs. En revanche, des contaminations par postillons entre personnes à proximité ne sont pas à exclure.

En période de Covid-19, l’événement passe encore moins inaperçu. Samedi soir en, Lozère, une rave party s’est installée sur un champ situé sur la commune d’Hures-la-Parade, attirant plus de 10.000 personnes. Alors que les manifestations de plus de 5 000 individus restent interdites en France pour éviter la propagation de la pandémie, les autorités n’ont pas caché leur inquiétude à ce sujet.

« Mettre en danger comme ça un territoire qui a été particulièrement protégé durant l’épidémie, venir aussi nombreux d’un peu partout pour risquer de créer un cluster [foyer de transmission] est complètement irresponsable », a déclaré sur TF1 la préfète de Lozère, Valérie Hatsch. Des centres de dépistage du Covid ont été installés sur place pour être opérationnels mardi, pour limiter les risques. Des masques ont aussi été distribués.

Les rave party, mieux que les bars

A raison ? Alors que la période estivale est propice aux événements festifs, les mêmes craintes s’expriment régulièrement. Organisées en plein air, sur un champ agricole, les rave party sont des rassemblements de plein air. Dans un tel cadre, les risques de contamination en masse, de nature à créer des foyers épidémiques, sont faibles.

« En plein air, la charge virale n’atteint jamais de concentration maximale. A l’extérieur, l’air est renouvelé à l’infini », explique à 20 Minutes Martin Blachier, médecin en santé publique. Pour lui, l’organisation de raves serait même largement préférable à d’autres types de rassemblements. « Les rave party, c’est mieux qu’une fête dans un bar en sous-sol ou que dans une maison privée en bord de plage », insiste-t-il même, estimant que la position des autorités locales relève surtout d’un principe de précaution porté à l’extrême, en l’absence de compétence scientifique. « C’est la seule chose que peuvent faire les préfets », estime-t-il.

Transmission possible par les postillons

Si l'OMS a récemment reconnu la transmission du virus par aérosols n'est pas à exclure, ce n’est pas en plein air que ce mode de transmission est dangereux. « Il n’est pas question d’avoir peur d’une transmission par le vent, dans l’air, dans les rues etc », expliquait début juillet à 20 Minutes le chef de service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Toulouse, Pierre Delobel.

En revanche, la participation à une rave party ne permet pas dans l’absolu d’échapper au premier mode de transmission du coronavirus, via les postillons et les goutelettes de salive expulsées par une personne infectée tout à proximité, quand elle tousse ou éternue, mais aussi quand elle chante ou parle. D’autant que ces festivités ne sont pas propices à la distanciation sociale. « Quand […] un de nos postillons tombe dans le verre d’un voisin, la contamination est possible. Et la probabilité de recevoir un postillon contaminant augmente avec le temps de présence. Plus vous restez aux côtés d’un émetteur du virus, plus vous avez de chances de l’attraper », nous expliquait aussi Jean-François Doussin, maître de conférences à l’université Paris-Est Créteil.

Des transmissions par contacts ?

« Chanter et faire du sport nous fait cracher plus loin », reconnaît Martin Blachier. Mais encore faut-il, selon le médecin, se parler suffisamment longtemps et être très proches les uns des autres pour qu’une contamination ait lieu.

Quant aux transmissions par le contact, « de plus en plus d’experts disent qu’il est inexistant, voire minime », estime-t-il, peu inquiet. « Le fait que les gens soient dans des conditions rustiques, utilisent les mêmes toilettes par exemple, ne devrait pas jouer », poursuit l’épidémiologiste, par ailleurs défavorable au port du masque en extérieur. Une mesure selon lui contreproductive : elle n’encourage pas à passer son temps en plein air, là où les risques de propagation du virus sont plus faibles. De quoi favoriser les rassemblements en lieux clos.

Les ARS inquiètes malgré tout

L’épidémiologiste est sceptique quant à la dangerosité des rave party, en l’absence de précédents et plus globalement, de clusters extérieurs. A la suite de la fête de la Musique à Paris, aucun foyer n'a été à ce jour identifié, même si cela n’exclut pas totalement que des contaminations entre individus aient lieu.

Quant à la rave party qui a réuni 2.000 personnes en juillet dernier à Cazaux (Gironde), elle n’a donné lieu à aucune alerte particulière, confirme à 20 Minutes l’agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine. « Cela ne signifie pas, pour autant, que nous puissions valider l’opportunité de ces événements au regard des risques encourus », précise l’ARS régionale, toujours préoccupée par le circulation du virus parmi les jeunes.