Incendie de la cathédrale de Nantes : Le suspect dans « un cercle vicieux déplorable »
ENQUETE•Le 18 juillet, un incendie a occasionné de nombreux dégâts dans la cathédrale de Nantes. Cet incendie criminel a été déclenché par un bénévole, qui est passé aux aveux une semaine plus tard. Ceux qui le connaissaient sont abasourdisF.H. avec AFP
L'essentiel
- Les aveux d’Emmanuel A., réfugié rwandais, ont surpris et choqué les fidèles de la cathédrale de Nantes. Beaucoup le connaissaient car il était bénévole depuis plusieurs années.
- Le suspect doit passer une « expertise psychiatrique ». Sa situation administrative pourrait être à l’origine de frustrations.
Lorsque Emmanuel, le bénévole chargé de fermer la cathédrale de Nantes, avait été placé en garde à vue avant d’être relâché faute de preuves le 19 juillet, Hubert Champenois, recteur de la cathédrale, avait assuré avoir « confiance en lui comme en tous les collaborateurs ». En apprenant les aveux de cet homme de 39 ans mis en examen dimanche pour « destructions et dégradations par incendie », le père Champenois s’est dit « désarmé, je suis désolé » devant ce qui « s’est passé, dans la tête et dans l’attitude d’Emmanuel ».
Arrêté une seconde fois après que les enquêteurs aient notamment identifié des «traces d'un produit inflammable» dans l'édifice, le bénévole a été « soulagé » d’avouer, selon son avocat Quentin Chabert, qui évoque un homme « coopérant », « apeuré » et « en quelque sorte dépassé ».
Depuis ces révélations, hommes d’Église et fidèles qui le fréquentaient au quotidien sont sous le choc. Il a certainement été « marqué par les événements qui ont marqué son pays », estime Hubert Champenois, évoquant un geste « dramatique pour tout le monde ».
Un mail pour qu’on lui vienne en aide
L’homme - qui « ne s’est pas étendu en détail sur ses motivations » – avait reçu en novembre 2019 une « obligation de quitter le territoire », selon le procureur de la République de Nantes, Pierre Sennès, précisant qu’une « expertise psychiatrique sera ordonnée ».
Sa situation administrative pourrait être à l’origine de frustrations, d’après le contenu d’un mail dont le quotidien Presse-Océan a publié des extraits. Emmanuel A. y explique se trouver dans « un cercle vicieux déplorable ». « Le 29 janvier 2019, j'ai poussé un cri de détresse mais en vain (…) pour qu’ils viennent à mon aide auprès du préfet en vue d’être régularisé », indique encore ce courrier envoyé notamment à des membres du diocèse peu avant l’incendie, selon le quotidien. Le diocèse de Nantes confirme l’existence d’un mail, sans préciser ni les destinataires, ni le contenu.
« A la fois doux et souffrant »
Emmanuel A. habitait dans un foyer avec des membres du clergé à Nantes. Beaucoup le connaissaient car il était bénévole depuis plusieurs années. « Il avait déjà toute la culture religieuse et il n’a pas débarqué là par hasard » mais « l’Eglise est soumise à la loi, elle ne peut pas faire plus que ce que la loi permet », souligne une paroissienne de l’église Sainte-Croix, où il participait aux messes. « A force d’avoir des espoirs qui se ferment, ça a créé en lui une désespérance », pense-t-elle.
Cette quinquagénaire, qui a souhaité garder l’anonymat, explique ressentir un « mélange de compassion et de trahison » à l’égard de ce célibataire avec qui elle échangeait depuis plusieurs années et qu’elle trouvait « à la fois doux et souffrant ». « Souffrant par rapport à son parcours de vie et ce qu’il avait dû vivre au Rwanda », explique-t-elle. Il était « doux, calme, très discret, il avait même du mal à chanter fort, c’est un homme qui était beaucoup renfermé sur lui-même », explique Marie, une autre paroissienne de cette église toute proche de la cathédrale, avant la messe mercredi.
Les servants d’autel sont « forcément des gens dignes de confiance »
Michel Boursier, l’un des organistes du grand orgue détruit par les flammes, croisait parfois Emmanuel A. sans pour autant connaître « ni sa situation, ni son pays d’origine ». Lui se souvient de quelqu’un « de charmant, de calme, apparemment très raisonnable, courtois et sympathique ».
Les servants d’autel sont « forcément des gens dignes de confiance », explique Michel Boursier, car il faut être « initié ». « C’est une pratique, il y a des choses à savoir faire pour ne pas hésiter pendant la liturgie ». Dans le cas d’Emmanuel A., « il n’y avait jamais eu aucun problème, il était digne de la confiance qu’on lui attribuait », estime-t-il.