Coronavirus : « On ne va pas attraper le Covid-19 » en se baladant dans la rue
TRANSMISSION AERIENNE•L’Organisation mondiale de la santé a reconnu pour la première fois la possibilité d’une transmission aérienne du Covid-19. Deux scientifiques préviennent contre toute psychoseNicolas Stival
L'essentiel
- En réponse à une lettre de plus de 200 scientifiques, l’OMS a avoué mardi pour la première fois que des preuves existaient de la transmission du Covid-19 par voie aérienne.
- Selon des spécialistes interrogés par 20 Minutes, ce constat n’est pas une révolution. Mais ils insistent sur le respect des fameux gestes barrière pour prévenir une résurgence de la pandémie en France.
Sur un sujet où l’opinion publique peine à suivre le rythme fluctuant des recommandations sanitaires, l’information n’est pas passée inaperçue. Mardi, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avouait que « des preuves émergent », au sujet de la transmission aérienne du Covid-19, ce qu’elle refusait de faire jusque-là. L’OMS réagissait à une lettre de 239 scientifiques lui demandant de reconnaître ce type de contamination.
Une révolution ? Pas vraiment, selon Pierre Delobel. « Il n’y a pas de scoop, indique le chef de service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Toulouse. Je ne crois pas que ça va changer notre conduite à tenir, et qu’on va tout remettre en cause pour dire : il faut laisser 4 m de distanciation sociale au lieu de 1 m ou 1,50 m. »
Le spécialiste évoque plutôt un « continuum » : « Le SARS-CoV est majoritairement à transmission par gouttelettes, avec de grosses particules qui n’ont pas de portées très longues. Mais dans certaines conditions, on peut imaginer en effet qu’il y ait une part de transmission aérienne. Peut-être que dans les abattoirs où il fait froid, avec des conditions d’hygrométrie particulières, la transmission est favorisée, avec des distances plus longues. »
Gare à la climatisation
L’infectiologue François Bricaire se veut didactique. « Le virus se transmettant à partir de postillons, du système respiratoire, on peut imaginer qu’à partir du moment où il y a un souffle important, une toux, des éternuements, il y ait une transmission dans l’air entourant l’individu contaminé, réagit le membre de l’Académie nationale de médecine. Ensuite, la transmission du virus est très vraisemblablement facilitée par les systèmes d’air conditionné. Cela pourrait expliquer une forte atteinte à New York mais aussi au Pakistan dans les endroits chics de la capitale [Islamabad] l’on trouve ce type d’équipement. »
Mais pas question pour autant de sombrer dans la psychose. « Quand on se promène dans les rues de Paris, de Toulouse ou d’ailleurs, sans croiser quelqu’un de façon proche, je ne suis pas sûr qu’il y ait du virus dans l’air », évacue François Bricaire. Presque du copier-coller de la remarque de Pierre Delobel. « Il ne faut pas que le public pense qu’en se baladant, on va attraper le Covid-19 en restant à distance des autres. Cela reste une maladie à transmission interhumaine, et plutôt rapprochée. »
« Le virus est toujours présent et circule »
Attention toutefois… « C’est toujours mieux d’être dehors, mais il n’y a pas zéro risque », avertit le professeur toulousain, en référence notamment à certaines terrasses de bars bondées. Plutôt que la marche en milieu urbain, le vrai danger réside dans le relâchement constaté un peu partout dans le respect des fameuses mesures barrière, alors que « le virus est toujours présent et circule », insiste Pierre Delobel. Pour les adeptes du « Il ne peut plus rien nous arriver d’affreux maintenant », le coronavirus et son enfant terrible, le confinement, apparaissent comme une parenthèse certes maudite, mais aujourd’hui refermée. Et le masque comme un objet quasiment ringard.
Alors que l’application des consignes sanitaires actuelles peut permettre de continuer à retrouver, peu à peu, une vie normale, même en milieu fermé. Sans avoir besoin d’en rajouter, dans une salle de concert par exemple. « Le respect du mètre de distanciation entre les musiciens est largement suffisant », assure François Bricaire, auquel une mutuelle de gens du spectacle a demandé conseil dans le cadre du déconfinement des événements culturels.
« Sur la base de travaux allemands et autrichiens, on a voulu savoir si le fait de souffler dans une clarinette ou un autre instrument à vent était un risque potentiel de diffuser le virus dans l’atmosphère. En fait, ça ne va pas très loin. » Là encore, le constat rejoint celui de Pierre Delobel : « Il n’est pas question d’avoir peur d’une transmission par le vent, dans l’air, dans les rues etc... » Juste d’être prudent(e).