Déconfinement : Pourront-ils rentrer cet été ? Les Français de l’étranger laissés dans le flou par le gouvernement
CORONAVIRUS•Communication confuse, incertitude sur les « quatorzaines »… Ceux qui veulent – ou doivent – revenir en France ne savent plus vers qui se tournerPhilippe Berry
L'essentiel
- Les voyages vers la France restent déconseillés, mais la frontière reste ouverte aux ressortissants français.
- Avec le prolongement d’urgence sanitaire, certaines précisions, notamment sur les pays d’origine concernés par les mesures de quarantaine, se font encore attendre.
- De nombreux expatriés renoncent donc à revenir en France, mais certains ressortissants n’ont pas le choix.
De notre correspondant à Los Angeles,
Loin des yeux et loin du cœur. Pour les 3,5 millions de Français vivant à l’étranger, la pandémie mondiale du coronavirus a coupé ce lien invisible avec la France et leurs proches. Avec le déconfinement qui s’amorce dans l’Hexagone mais la loi sur l’état d’urgence sanitaire qui a été prolongée jusqu’au 10 juillet, les consulats croulent sous les questions. Les ressortissants français pourront-ils rentrer voir leur famille cet été ? Seront-ils soumis à une quarantaine obligatoire de 14 jours en arrivant à Roissy et à la limitation des déplacements de 100 km ? 20 Minutes a contacté à plusieurs reprises le ministère de l’Intérieur, qui a aiguillé vers le Quai d’Orsay qui a renvoyé… vers la place Beauvau. Damien Regnard, le sénateur (LR) des Français établis hors de France, n’en revient toujours pas : « Cela fait 10 jours qu’on attend des précisions officielles, notamment la liste du ministère de la Santé des pays à risque. C’est surréaliste. »
Le retour reste déconseillé, sauf motif « impérieux »
Si le déconfinement s’amorce, le message officiel n’a pas changé : « Les Français qui ont leur résidence habituelle au sein de notre circonscription sont invités pour raisons sanitaires à éviter autant que possible les voyages internationaux », répond le consulat général de la France à Los Angeles. « Je recommande au maximum de les réduire aux raisons impérieuses, telles que l’aide à un membre de sa famille, le retour définitif en France ou des obsèques », acquiesce Roland Lescure, député des Français d’Amérique du Nord.
Christophe Castaner l’avait annoncé jeudi dernier, les restrictions aux frontières de la France avec les pays de l’espace européen (Union européenne, espace Schengen, Royaume-Uni) seront « prolongées jusqu’au 15 juin au moins » et les frontières avec les pays non-européens « resteront fermées jusqu’à nouvel ordre ». Dans le même temps, l’état d’urgence sanitaire a été prolongé jusqu’au 10 juillet. Mais les ressortissants français, même si c’est déconseillé, peuvent quoi qu’il arrive rentrer. Et certains n’ont pas le choix : « (Je suis un) vrai expatrié avec un contrat US. Réduction de personnel, je dois rentrer en France fin juin sans maison ni boulot », confie Serge. Prune, elle, n’a pas vu son fils depuis six mois. Pour elle, pas d’hésitation : « Je rentre en juillet quoi qu’il arrive, quitte à rester coincée en France. »
Quarantaine, « quatorzaine », isolement… Ça dépend des cas
Le ministère de la Santé doit publier une liste « évolutive » de pays à risques, où la circulation du virus est encore importante. Les voyageurs en provenance de ces pays devront se soumettre à une « quatorzaine », une quarantaine de 14 jours, en arrivant en France. A moins que les règles ne changent, il sera possible de l’effectuer au lieu de résidence indiqué sur le document présenté aux compagnies aériennes et lors du contrôle des passeports. Selon le sénateur Damien Regnard, le placement dans des hôtels réquisitionnés près de Roissy, dont l’annonce a affolé beaucoup de monde le week-end dernier, est limité aux personnes en transit ou à celles qui n’ont nulle part où aller. Cette quarantaine concerne tout le monde, et pas seulement les personnes ayant des symptômes.
Quels pays seront sur la liste ? Mystère. Sauf surprise, les Etats-Unis, qui totalisent plus d’un million de cas actifs de coronavirus, devraient s’y retrouver. Mais, en théorie, rien ne devrait empêcher un résident français de Floride de faire un crochet par le Mexique pour rejoindre l’Hexagone. Dans tous les cas, la quatorzaine ne doit pas concerner les ressortissants arrivant de l’intérieur de l’espace européen. Pour Damien Regnard, c’est « incompréhensible » : « On demande aux Français de se confiner pendant deux mois et on ne met aucune restriction à ceux arrivant du Royaume-Uni, d’Espagne ou d’Italie ? On nous a dit que c’était pour des raisons de réglementation européenne, mais l’Espagne va bien imposer une quatorzaine à toute personne franchissant sa frontière », s’emporte-t-il. Selon lui, il ne s’agit pas de « défendre une idéologie nationaliste » mais de prôner « un pragmatisme sanitaire ». Il dénonce également un système « avant tout déclaratif, sans même un contrôle de température à l’aéroport. Ce n’est, certes, pas infaillible, mais c’est un minimum ». L’élu doute également que les moyens de contrôle promis permettent de vérifier que les ressortissants concernés respectent bien la quatorzaine « en arrivant en Corrèze ou dans le Cher ».
Limite de 100 km, attestations… les détails pratiques
« Si tout se passe bien, mon avion est le 5 juin, ma famille vit à Poitiers, donc c’est vrai qu’au niveau des 100 km et de la quarantaine, c’est assez flou », s’interroge Thomas. Dans la pratique, le retour à son domicile est un cas dérogatoire prévu aux restrictions de déplacement. En revanche, une fois arrivé à sa destination finale, la limite de 100 km s’applique. Les ressortissants français ou les résidents disposant d’un titre de séjour doivent donc télécharger avant leur départ :
- l’attestation de déplacement international dérogatoire vers la France métropolitaine
- l’attestation de déplacement qui permet d’effectuer plus de 100 km et de sortir d’un département
Le consulat recommande également conserver sur soi son billet d’avion et sa carte d’embarquement lors de son séjour pour pouvoir les présenter en cas de contrôle.
Reste que pour les expatriés, se rendre en France n’est que la moitié du périple : il faut encore pouvoir retourner dans son pays de résidence. Nombre d’entre eux, des Etats-Unis au Vietnam, ont imposé un « travel ban » très strict, avec, pour certains une « quatorzaine » obligatoire au retour. Face à toutes ces incertitudes, de nombreux « expats » doivent donc renoncer, contraints et forcés, à revenir voir leurs proches cet été. Foutu coronavirus.