Coronavirus à Rennes : Pourquoi 15.000 tests sérologiques ont été commandés pour le personnel du CHU?
EPIDEMIE•Le fonds de solidarité Nominoë veut tester les soignants avec le dépistage sérologique de la société bretonne NG BiotechCamille Allain
L'essentiel
- Le fonds de solidarité du CHU de Rennes a commandé 15.000 tests rapides qui seront proposés au personnel hospitalier.
- L’objectif de cette commande est de « rassurer » les personnels mais aussi de mener une importante étude épidémiologique sur la population hospitalière.
- La commande a été passée auprès de la société bretonne NG Biotech, qui a développé un test sérologique rapide qui fonctionne à partir d’une goutte de sang.
Les premiers tests devraient être livrés dans les quinze prochains jours et l’ensemble de la commande des 15.000 tests devrait être honorée courant juin. A compter de cette date, les 13.000 personnes travaillant pour le CHU de Rennes et ses antennes pourront prétendre à un dépistage rapide du Covid-19, si elles le souhaitent. Mais pourquoi le personnel médical va-t-il se voir proposer un test sérologique alors que l’épidémie de coronavirus semble ralentir ? La réponse tient dans un mélange d’étude scientifique, de volonté de « rassurer » saupoudré d’un petit coup de chance.
Commençons par le « coup de chance ». Le fonds Nominoë, fondation qui vient d’ordinaire en aide aux malades du CHU de Rennes, a lancé un appel aux dons pour accompagner les soignants mobilisés par l’épidémie de coronavirus. Face à l’élan de générosité, les piliers de cette association ont décidé de proposer un test sérologique au personnel. L’idée a germé dans la tête d’Alain Le Roch, membre du fonds Nominoë et actionnaire de la première heure de la start-up bretonne NG Biotech. Installée à Guipry-Messac (Ille-et-Vilaine), la société qu’il accompagne développe un dépistage rapide du Covid-19. A l’aide d’une goutte de sang prélevée sur un doigt, sa solution permet d’évaluer si la personne a développé les anticorps. Si c’est le cas, le patient a la certitude qu’il a contracté le coronavirus, sans forcément développer de symptômes.
« Les commandes sont énormes »
Très sollicitée, NG Biotech a notamment reçu une importante commande de la part de l’Armée mais aussi de très nombreuses structures médicales, d’assurances, de mutuelles installées en France et ailleurs. « Les commandes sont énormes », confie Alain Le Roch. Si la société bretonne est tant sollicitée, c’est que son test a été validé et présenté comme fiable par la Haute Autorité de santé, qui dévoilera ses conclusions la semaine prochaine. En mai, la société qui emploie 30 personnes produira 500.000 tests. En juin, elle pourrait grimper à un million. Et en produire six à sept millions dans les six prochains mois. « Tous sont déjà vendus », promet Alain Le Roch.
Pour l’actionnaire de NG Biotech, l’idée de fournir ces tests au personnel hospitalier serait un bon moyen de « les protéger », en les informant s’ils ont contracté la maladie ou non. « Le fait de ne pas savoir est terriblement anxiogène. On entend souvent les gens dire qu’ils ont eu de la fièvre, un coup de fatigue. On a ressenti qu’il y avait une attente dans le personnel », explique Karim Boudjema, chirurgien réputé et président du comité scientifique du fonds Nominoë. « D’autant que vraisemblablement, la présence d’anticorps protège, même s’il faut rester prudent », poursuit-il.
Une étude « pour en savoir plus sur le virus »
Proposé sur la base du volontariat, ce test sérologique servira surtout de base solide à une importante étude épidémiologique. C’est cet aspect qui a convaincu le professeur Vincent Thibault d’y associer son laboratoire de virologie. « Il y a une pression énorme de la population pour savoir si on a contracté ou non la maladie. Mais si on est positif, qu’est-ce que ça change ? On ne peut en tirer aucune conclusion. En quoi, ce serait rassurant puisqu’on ne sait pas si ça nous protège ? Les tests sérologiques sont importants si des symptômes apparaissent, car ils permettent d’avoir une réponse rapide mais il n’y a aucun intérêt à les distribuer massivement », estime le responsable du laboratoire du CHU rennais. Sauf à mener des travaux scientifiques.
C’est pour étudier ce panel que son service va piloter l’étude épidémiologique menée au sein du personnel. « Cela nous permet d’avoir une photographie de la situation, de voir comment une population hospitalière a réagi vis-à-vis du virus », poursuit le professeur. Le docteur Karim Boudjema va dans le même sens. « En étudiant une population moyennement exposée au virus, on pourra en savoir plus sur sa contagiosité, sur la pénétrance du germe, sur l’efficacité de nos mesures », estime le chirurgien.
Reste à savoir quel sera le montant de la facture adressé au fonds de solidarité Nominoë. Les 15.000 tests pourraient être facturés une centaine de milliers d’euros.