Coronavirus : « Libido multipliée par 10 », porno à gogo… Comment le confinement transforme la vie sexuelle des Français
EROS•Que ce soit pour les personnes vivant en couple ou pour les autres, le confinement bouleverse la libido
Delphine Bancaud
L'essentiel
- L’effet du confinement sur la vie sexuelle des Français est protéiforme. Certains, moins stressés par le quotidien, éprouvent une vraie fougue.
- Mais pour d’autres, les inquiétudes liées à la crise sanitaire mettent aussi à mal leur libido, encore plus si leur relation avec leur partenaire n’était pas au beau fixe avant.
- Quoi qu’il en soit, le confinement a remis en lumière l’importance d’une vie sexuelle harmonieuse. Ce qui pourrait accélérer la quête de Nirvana chez certains Français après le confinement.
Les siestes crapuleuses et les grasses matinées érotiques. Depuis le début du confinement, l’appétit sexuel de certains d’entre nous a été dopé. « Si un couple est confiné dans des conditions confortables et que son entente relationnelle était bonne auparavant, le fait d’avoir un quotidien moins stressant et une charge mentale amoindrie peut décupler son désir. D’autant que la sexualité a un effet anxiolytique et peut être un exutoire en cette période de crise. Car lors de nos rapports, nous produisons de la dopamine, de l’ocytocine et de l’endorphine », explique la psychologue et sexologue, Magali Croset-Calisto*.
C’est ce que vit Julie, une de nos lectrices : « Depuis le confinement, ma libido a été multipliée par 10. J’y pense tout le temps, j’ai envie de me satisfaire toute seule, souvent. Et quand mon mari et moi faisons l’amour, j’en ai encore envie le lendemain. J’aime tellement ressentir du plaisir que j’ai besoin de l’éprouver au moins une fois par jour », confie-t-elle. La vie sexuelle de Sophie est aussi au beau fixe : « Le rythme des rapports est un peu plus soutenu. Plus de fantasmes, peut-être car j’ai plus le temps d’imaginer… ».
La découverte des sex toys…
Le confinement est aussi l’occasion de s’initier à de nouvelles pratiques torrides : « Certains testent de nouvelles expériences, comme le montre l’augmentation des commandes de sex toys en ligne. Le confinement est aussi, pour d’autres, le moment d’intégrer le porno à ses préliminaires », observe Magali Croset-Calisto. Une « fête du slip » que vit Stéphane : « Notre libido va très bien, disons que nous prenons un peu plus de temps et découvrons de nouveaux plaisirs. En conclusion : vive le confinement ! », s’extasie-t-il.
Anne-Lise et son conjoint ont su aussi pimenter leurs nuits ces dernières semaines : « Au début du confinement, ma libido était à -10 sur l’échelle de Rocco… Et puis hier, prise de conscience : mon conjoint m’a demandé si je le trouvais toujours sexy et attirant, ce qu’il faisait de mal, ce qu’il devrait mieux faire… Et là, le déclic. En plus de cinq ans, on avait jamais pris le temps de se poser pour discuter vraiment de ce qu’on aime, sans tabou. On n’avait jamais non plus essayé de nouvelles choses. Trop de boulot, de routine avant le plaisir. Du coup, depuis cette nuit, on entame un nouveau confinement, sous la couette cette fois ! ». Marion, elle aussi, a trouvé de nouvelles manières de grimper au rideau : « Nos relations sexuelles sont plus fréquentes et plus intenses en ce moment. Surtout, nous essayons d’être plus inventifs. Depuis trois semaines, nous faisons ensemble un petit combat de lutte mixte. Toutes les prises sont autorisées, même sous la ceinture. Le premier qui se soumet doit assouvir tous les désirs de l’autre durant toute la journée ».
« Je n’arrivais même plus à jouir »
A contrario, les inquiétudes liées à la crise sanitaire et à ses conséquences économiques font parfois passer toute envie de câlins. Comme en témoigne Dominique : « J’ai vu ma libido chuter dans des abysses lamentables depuis deux semaines. À toutes les heures de la journée, on me sature de mauvaises nouvelles. Le résultat le soir est évident : couic ! Rien… Aucune envie de performer. » Idem pour Romuald : « Ma libido est en berne, alors que je suis fan de la chose habituellement. J’ai dû me mettre à regarder des films parlant de sexe pour que ça revienne doucement. Je n’arrivais même plus à jouir ». Des difficultés qui sont souvent exprimées en ce moment lors des consultations de Magali Croset-Calisto : « Pour ceux qui vivent leur confinement dans des conditions très spartiates, ceux qui n’avaient pas de relations harmonieuses avant, ceux qui craignent pour leur santé ou ont peur du lendemain, la sexualité devient secondaire », constate-t-elle.
Pour Agathe, c’est la promiscuité qui a un effet négatif sur sa libido : « On se voit tout le temps, on ne se manque jamais, on a plus aucun mystère l’un pour l’autre, ça n’aide pas au niveau du désir. Et puis, c’est sans compter l’angoisse, la peur de la maladie, l’inquiétude pour l’avenir et pour ses proches ». Et pour Olivier, le confinement n’a pas déconfiné sa sexualité : « Il ne se passe pas grand-chose avec ma compagne habituellement… Je pensais que cela irait mieux pendant le confinement. Bien au contraire, depuis six semaines, je ne l’ai touchée qu’une fois », déplore-t-il.
« La sexualité par écran interposé est en pleine expansion »
Autre difficulté : le fait de ne pas voir son partenaire sexuel, confiné loin. Une situation qui invite les séparés à s’émoustiller à distance par écrans interposés ou au téléphone. « On utilise WhatsApp, sextos et sex-toys commandés via une application. Inutile de vous dire que nous sommes chauds et que le 11 mai est attendu avec une impatience sans nom. Mais cela nous a permis d’expérimenter certaines choses, d’exprimer nos fantasmes. La distance et le fait de ne pas pouvoir se rejoindre exacerbent l’envie au-delà de tout ce que j’aurais pu imaginer », confie ainsi Lily. « La sexualité par écrans interposés est en pleine expansion. Car le fait de voir l’autre et de se voir, en train de se masturber ou d’utiliser un sex toy, renforce l’excitation. Et alors que l’on pourrait croire que les gens craignent le revenge porn, on constate qu’ils font confiance à l’autre et s’adonnent volontiers à la sexualité virtuelle », commente Magali Croset-Calisto.
La situation se complique encore plus pour ceux qui avaient une double vie avant le confinement. A l’instar de Julie : « C’est difficile pour moi de pas partager des moments de plaisir avec mon deuxième homme… Mais on se satisfait mutuellement par sextos et c’est très excitant. Je n’ai qu’une hâte, le retrouver ! », s’emballe-t-elle. « Ceux qui vivent des histoires parallèles ont tendance à s’envoyer des sms et à jouer sur les fantasmes de l’autre. Mais certains prennent aussi le prétexte du travail pour aller retrouver leur amant ou maîtresse, malgré le confinement », observe Magali Croset-Calisto.
« Je me touche plus que d’habitude »
Et pour les célibataires, le confinement n’est pas synonyme d’abstinence sexuelle non plus. « Je fais des rencontres virtuelles sur Tinder, j’envoie des sextos et je me touche plus que d’habitude », indique ainsi Juliette. Mia aussi poursuit sa vie sexuelle en solo : « Etant seule à la maison et n’ayant pas de partenaire, l’envie se fait grandement ressentir. Mes vibros sont devenus des amis proches et je consomme du porno ». Pour Guillaume, l’absence de contact est plus difficile à supporter : « La masturbation est devenue plus fréquente. Ça a même commencé à me faire peur, car le rythme devenait très élevé (à peu près 4 fois par jour). J’ai ralenti en me mettant des limites, mais je suis "en chien". Et je consomme beaucoup de porno », indique-t-il. « Le fait d’avoir moins d’interactions sociales fait souvent augmenter leur libido », constate Magali Croset-Calisto.
Pour Stanislas, habitué à des relations sans lendemain, la frustration est à son comble : « L’ennui et les journées longues renforcent paradoxalement ma libido, mais je n’ai d’autre choix que la masturbation, plusieurs fois par jour, ce qui n’est parfois pas facile étant dans une maison avec des frères et sœurs en bas âge et les parents entrant parfois inopinément dans ma chambre. Je consomme également beaucoup de pornographie, bien plus qu’en temps normal. Pour préparer le déconfinement, je passe beaucoup de temps sur Tinder et j’ai déjà des rendez-vous pour la mi-mai, qui devraient me permettre de progressivement reprendre une vie sexuelle normale ».
« Après le confinement, je compte enchaîner les rencontres »
Car une chose est sûre : le confinement aura un impact sur la vie intime de chacun, assure Magali Croset-Calisto. « Cette période est révélatrice du type de relation que l’on entretient avec l’autre et de l’importance d’avoir une vie sexuelle harmonieuse. Exemple avec deux amants : si l’absence de l’autre s’est révélée insupportable pendant le confinement, il est probable que celui qui est engagé par ailleurs fasse voler son couple en éclat pour vivre pleinement l’autre histoire », explique-t-elle.
Et pour les célibataires, le déconfinement pourrait même s’accompagner d’une certaine frénésie sexuelle : « Ils voudront rattraper le temps perdu. Car après l’omniprésence de Thanatos ces derniers mois, l’Eros va rebondir, c’est une pulsion de vie », poursuit Magali Croset-Calisto. « Ça va être la fête après le confinement, je compte enchaîner les rencontres », prévient d’ailleurs une de nos lectrices.