Coronavirus : « J’ai découvert mes enfants », Alexandre Mazzia, invité de « Top Chef », tire du positif de son confinement
INTERVIEW•Le chef Alexandre Mazzia, deux étoiles au Guide Michelin, est l’invité de Top Chef ce mercredi soir, l’occasion pour lui d’évoquer son confinement et l’avenirAdrien Max
L'essentiel
- Alexandre Mazzia est chef deux étoiles au Guide Michelin de son propre restaurant AM à Marseille, il a été élu chef de l’année 2019.
- Il est l’invité de Top Chef ce mercredi soir.
- Le confinement lui a permis de « découvrir » ses enfants, et il souhaite mettre à profit cette période pour encourager les gens à prendre conscience du terroir sur lequel ils vivent.
Deux étoiles au Guide Michelin avec son restaurant AM à Marseille, élu chef de l’année en 2019, Alexandre Mazzia est le chef en vogue. Il est l’invité de l’émission Top Chef diffusée sur M6 ce mercredi soir dans laquelle il proposera aux candidats de marier le chocolat avec un plat salé. Il se confie à 20 Minutes sur cette période de confinement ainsi que sur l’avenir pour son restaurant et le métier de cuisinier.
Un chef à la maison, ça doit changer les habitudes de la famille ?
Je passe énormément de temps avec mes enfants que je garde, pendant que ma femme s’occupe de son papa malade. Ce n’est pas de tout repos avec mon fils de 11 ans et ma fille de 2 ans. En réalité ce confinement me permet de découvrir mes enfants, j’ai fait une sieste avec ma fille alors que ça ne m’était encore jamais arrivé. J’échange sur la culture musicale avec mon fils, je fais des pièces de théâtre avec ma fille, elle me déguise en princesse. Je n’ai jamais pu être présent le midi et le soir ou alors pour maximum 15 jours maximum, et encore.
Est ce que cela modifie votre façon de voir votre vie personnelle et professionnelle ?
Bien sûr. J’avais déjà mis des choses en place pour alléger un peu mon emploi du temps. J’étais de 8 h à 1 h du matin au restaurant du mardi au samedi, j’étais un fantôme pour ma famille. Je ne sais même pas comment ma femme a accepté de vivre avec un tel fantôme. C’est une prise de conscience qui influencera ma façon de réouvrir l’établissement. Il faudra remettre les choses d’équerre. C’est sûr que d’un point de vue économique c’est compliqué, mais ce confinement remet les choses positives au centre. C’est ce que j’ai dit à ma femme, il faut que ce soit un moment constructif grâce au recul pris.
Continuez-vous tout de même à cuisiner ?
J’ai lancé depuis quelques jours les « cagettes Mazz » en partenariat avec des producteurs qui avaient du mal à distribuer leurs produits, donc j’ai voulu leur donner un coup de main. Ce sont des cagettes avec des produits bruts, mais aussi avec certaines de mes préparations. Par exemple cette semaine je fais un tiramisu moderne au curry, et il y aura une barquette avec les plus belles fraises. Il y a aussi mon gâteau au chocolat que j’ai fait avec mes enfants, des rillettes avec la pêche du jour, du beurre fait maison, un pain viennois fumé au charbon. L’objectif est de se faire plaisir, on peut commander une bouteille en plus, ce n’est pas un plateau-repas ou un menu, ça permet de travailler les produits aussi. Et je continue à faire des tests. La dernière fois j’en ai fait sur la datte jusqu’à 3 h 30 du matin, quand ma femme est venue pour voir ce que je fabriquais j’ai voulu la faire goûter, c’est là qu’elle m’a dit qu’il était si tard.
Des paniers repas que vous avez présentés avec le maillot de Michael Jordan…
Oui, j’ai montré le premier épisode de The Last Dance [documentaire sur Michael Jordan sur Netflix] à mon fils et le documentaire sur Tony Parker. Mon fils fait du basket [Alexandra Mazzia a joué jusqu’en Nationale 1 avant de se consacrer à la cuisine], et je voulais lui montrer qu’il fallait de l’acharnement et du travail pour vivre de sa passion. Dans le basket comme dans la cuisine il y a ce travail avec la matière, cet état d’esprit de répétition, du travail des détails. En plus de la valeur de partage à travers l’esprit d’équipe. On avance ensemble, et on gagne avec tout le monde.
Comment cette période va-t-elle influencer votre travail ?
Je pense que ce confinement va renforcer le lien qu’ont les gens avec leur terroir, enfin je l’espère. C’est la démarche que nous avons choisie, ne pas avoir de carte et proposer des plats au fil de l’eau. On me prenait pour un hurluberlu il y a cinq ans, mais c’est ça que je voulais montrer. C’est super que des gens puissent vraiment connaître leur territoire. C’est ce que j’ai voulu faire avec mes cagettes ludiques, partager ce lien avec les gens.
Lorsque nous rouvrirons, nous ferons toujours pareil mais en mieux, avec les règles sanitaires. C’est ça ma vie, pour l’instant faire des recettes avec sensibilité, avec le cœur, pour cette histoire d’équilibre subjectif. Continuer à travailler beaucoup, et rester humble. Continuer de faire des nouvelles propositions que, j’ose espérer, les clients viendront chercher pour découvrir autre chose, c’est un restaurant de destination. S’ils peuvent prendre conscience de tout cas, que valoriser la cuisine près de chez eux, c’est aussi valoriser la valeur ajoutée au produit, alors ce ne sera que positif et mon travail fera sens.