Villeneuve-la-Garenne : Après l'accident de moto impliquant une voiture de police, deux versions s'opposent
ENQUÊTE•Samedi soir, un motard a été grièvement blessé lors d’une collision avec une voiture de police. Les versions de l'accident divergent entre forces de l'ordre et témoins.Caroline Politi
Des feux d’artifice qui se sont fait entendre jusqu’à Clichy-la-Garenne et Asnières-sur-Seine, des tirs de mortiers ainsi que des feux de mobiliers urbains et d’une dizaine de véhicules. Dans la nuit de dimanche à lundi, peu après minuit, de nouveaux heurts ont éclaté à Villeneuve-la-Garenne, dans les Hauts-de-Seine, au lendemain d’un accident de moto impliquant un équipage de police.
Malgré un important dispositif policier, une « quarantaine d’individus » ont bravé le confinement pour en découdre, pendant deux heures environ, avec les forces de l’ordre. Aux jets de projectiles, les policiers ont répondu par des tirs de LBD et des gaz lacrymogènes. Le calme est revenu vers 2 heures du matin sans qu’il n’y ait de blessé. Aucune interpellation n’a été effectuée, précise une source policière.
Un grave accident de moto
A l’origine de cette seconde nuit de heurts, ungrave accident de la route survenu samedi soir, impliquant une voiture de police. Selon les fonctionnaires, ils patrouillaient dans le nord des Hauts-de-Seine, lorsqu’ils ont aperçu, vers 21h40, sur l’avenue de Verdun, une grande artère de Villeneuve-la-Garenne, une motocross roulant à vive allure sur la voie d’en face, sans casque ni plaque d’immatriculation. Quelques minutes plus tard, alors qu’ils sont arrêtés à un feu rouge, ils ont entendu le moteur pétarader derrière eux et compris que le conducteur se trouvait sur leur voie. Dans leur PV d’intervention, que 20 Minutes a pu consulter, les policiers précisent que le motard ignorait probablement qu’il s’agissait d’une voiture de police, le véhicule étant banalisé – ce que confirme l’avocat de la victime, Me Stéphane Gas.
Selon la préfecture de police de Paris, qui a publié dimanche soir un communiqué de presse, « voulant procéder à son contrôle, l’équipage a ouvert la portière avant droite. Le motard, manquant de renverser le chef de bord, a heurté ladite portière du véhicule de police pour finir sa course dans un poteau. » Victime d’une fracture ouverte à la jambe gauche, le motard a été opéré une première fois à l’hôpital Beaujon de Clichy-la-Garenne puis a subi une seconde opération tôt ce lundi matin à Bichat. « Il n’est pas exclu qu’il doive subir une troisième intervention », précise son conseil.
Version contre version
Le communiqué publié par la préfecture n’a pas permis de calmer les esprits. Des témoins ont rapidement évoqué une « bavure » et affirmé, notamment sur les réseaux sociaux où l’affaire a été particulièrement relayée, que la portière a été ouverte délibérément afin de stopper le motard dans sa course. Selon Me Stéphane Gas, qui a pu s’entretenir dimanche soir avec son client, si ce dernier a perdu connaissance après la collision, il assure se souvenir précisément que la portière était fermée lorsqu’il s’est engagé près de véhicule et qu’aucune personne ne se trouvait donc hors de la voiture.
Deux enquêtes ont été ouvertes dimanche par le parquet de Nanterre, la première sur « l’ensemble des faits de l’accident », la seconde sur les faits d’outrages et de menaces de mort sur les policiers. Les investigations confiées à la sûreté territoriale du département. Les nombreuses vidéos ayant circulé sur les réseaux sociaux ainsi que les images de vidéosurveillance de la voie publique devraient être passées au crible. Selon une source syndicale, l’enquête est d’autant plus délicate que la portière a été ouverte par un commissaire de police qui se trouvait à bord.
« Mon client commence à peine à réaliser ce qu’il s’est passé, il ne comprend pas que l’enquête soit dirigée contre lui alors qu’il est la victime. Forcément, il craint que ce soit sa parole contre celle des policiers », indique Me Stéphane Gas. Une crainte renforcée par le fait que le motard est très défavorablement connu des services de police et de justice. Condamné à 14 reprises, la victime, âgé de 30 ans, se trouvait sous contrôle judiciaire depuis le 16 mars pour menaces de mort, indique le parquet. Son avocat précise qu’une plainte a été déposée auprès du parquet ce lundi matin pour violences en réunion avec arme par personne dépositaire de l’autorité publique. Il a également demandé que les investigations soient confiées à la police des polices (IGPN). « C’est incompréhensible que ce ne soit pas déjà le cas », s’emporte l’avocat qui n’exclut pas, si le parquet n’accède pas à cette demande, d’aller directement porter plainte auprès de l’IGPN lorsque son client sera sorti de l’hôpital.
Un risque de propagation ?
Dans la nuit, plusieurs autres communes de la région ont connu des heurts. Dans la ville voisine de Gennevilliers, les forces de l’ordre ont essuyé des jets de projectiles et une dizaine de poubelles ont été incendiées. Même constat à Suresnes ou Rueil-Malmaison. Dans le département adjacent de la Seine-Saint-Denis, de brefs affrontements avec les forces de l’ordre ont eu lieu à Pierrefitte-sur-Seine, Pantin ou Villepinte. A Aulnay-sous-Bois, une source policière rapporte un « guet-apens » dans le quartier des 3.000. Quatre personnes ont été interpellées.
Reste à savoir si ces violences sont la conséquence de l’affaire de Villeneuve-la-Garenne ou des violences urbaines plus classiques. « C’est difficile à dire, confie une source policière. De nombreux messages appelant à descendre dans la rue ont circulé sur les réseaux sociaux mais dans certaines villes on est régulièrement confronté à des difficultés tous les week-ends. »