Coronavirus : « Je galère à payer mon crédit », « J’ai renoncé à toutes les dépenses superflues »… Le chômage partiel se ressent déjà sur leurs finances
SOCIAL•Même si ces salariés se savent mieux lotis que les travailleurs indépendants, cette situation a déjà eu un impact sur leur quotidienDelphine Bancaud
L'essentiel
- A ce jour, 8 millions de salariés sont en chômage partiel, indemnisés à hauteur de 70 % du salaire brut et 84 % du salaire net (100 % s’ils sont au Smic).
- Même si ces salariés se savent mieux lotis que les travailleurs indépendants, cette situation a déjà eu un impact sur la fiche de paie de mars.
- Certains de nos lecteurs, qui éprouvent déjà des difficultés pour payer leur loyer ou leur crédit immobilier, nous l’ont raconté.
Avec le confinement, leur vie professionnelle a été sérieusement affectée. A ce jour, 8 millions de salariés sont en chômage partiel, a annoncé samedi la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, sur son compte Twitter. Soit plus d’un salarié du secteur privé sur trois. Ce dispositif permet d’être indemnisé à hauteur de 70 % du salaire brut et 84 % du salaire net (100 % s’ils sont au Smic). Sauf si l’entreprise a les moyens de compenser la perte de salaire, afin que les collaborateurs touchent leur rémunération complète.
Même si ces salariés se savent mieux lotis que les travailleurs indépendants en ce moment, le chômage partiel a déjà eu un impact sur la fiche de paie de mars. C’est le cas de Roger, qui a répondu à notre appel à témoins : « J’ai perdu 300 euros au mois de mars », confie-t-il. Maé, manager coiffure, a vu aussi ses revenus fondre : « Mon salaire normal est de 1.750 euros, celui de mars était de 1.400, et celui d’avril sera de 1.200 », prévoit-il. Pour les couples dont les deux membres sont en chômage partiel, le budget familial est encore plus amputé : « Ça nous fait 300 euros en moins pour l’un, et 400 euros pour l’autre. C’est déjà tendu tous les mois, mais là… Les prix flambent dans les magasins, les factures restent à payer », confie ainsi Julie.
« Je vais perdre environ 600 euros de salaire par mois »
Toutes les heures du contrat de travail n’étant pas indemnisées au titre du chômage partiel, certains salariés sont particulièrement pénalisés : « Je perds 25 % de mon salaire, et mon mari perd 32 % », déplore Gwen. Idem pour Maude : « Je vais perdre environ 600 euros de salaire par mois, car je suis sur une base de 39 heures. Et en plus, je perds une partie de mes tickets-restaurant ». Même sort pour Arno : « Nous, les salariés des PME, bien souvent nous avons des contrats de travail à 39 heures, (…) nous sommes loin des 84 % de notre salaire net promis par nos gouvernants. Une fois de plus, c’est nous, la dite "classe moyenne", qui allons subir le plus cette crise, car, c’est aussi à nous que l’on va demander de redoubler d’efforts après le déconfinement », redoute-t-il.
Mais certains salariés ont plus de chance, car leur entreprise a les moyens de compenser la perte de salaire. C’est le cas de Michel et de son épouse : « Nous avons la chance d’être dans des groupes (moi dans un groupe du CAC40, et ma femme dans un groupe de la Frenchtech). Et la boîte paye le complément… Donc pas de problème ». Gérald, chef d’entreprise, a fait ce choix : « Mes six salariées ne perdront rien sur leurs salaires d’avril. Ma société aux Antilles ne veut pas pénaliser les salariés. Leurs rémunérations seront maintenues pour qu’elles ne perdent pas un centime », explique-t-il.
« Il va y avoir des loyers impayés »
Parmi ceux qui accusent un manque à gagner sur le salaire de mars, certains éprouvent déjà des difficultés pour payer leur loyer, à l’instar de Noëlle-Andrée, chauffeure pour les cars Macron : « Aujourd’hui, je vis avec 1.300 euros, sachant que j’ai 900 euros de crédit ». Et pour les familles monoparentales, le tribut à payer est lourd : « J’élève seule mon enfant de 15 ans. Je suis agent d’entretien, je cumule deux emplois pour un salaire total de 1.080 euros. Depuis le 16 mars, mes deux employeurs m’ont mise au chômage partiel. Pour ma paye de mars, j’ai reçu 850 euros. J’ai 450 euros de loyer, 250 euros de factures (téléphone, gaz, électricité, assurance…). Les courses sont devenues chères entre les légumes, les fruits et la viande… Il ne va presque rien me rester pour terminer le mois, alors j’ai décidé de ne pas payer pour ce mois-ci le loyer », se désespère Malika. Même galère pour Marine, maman avec deux enfants à charge : « Mon chômage partiel représente une perte de salaire de 280 euros net par mois. Et je n’ai le droit à aucun aide. Pourtant, j’ai un loyer de 1.150 euros, donc il va y avoir des loyers impayés », anticipe-t-elle.
Rembourser son emprunt immobilier s’avère aussi difficile pour Brian : « Je perds actuellement plus de 400 euros à cause du chômage partiel et je galère à payer mon crédit », confie-t-il. « J’ai perdu 600 euros sur mon salaire, ce qui est énorme. Le budget alimentaire a explosé et la banque refuse de décaler les prélèvements de mon prêt immobilier. Les assurances exactement pareil », regrette William. Nadine et son mari, qui ont perdu 500 euros avec le chômage partiel, ont un peu plus de chance : « J’ai suspendu ma mensualité du mois d’avril, mais je n’ai pas pu pour celle de mai ».
« On va piocher dans notre petite épargne »
Du coup, certains de nos lecteurs ont dû abandonner certaines dépenses, comme Lili : « Nous devions emménager dans un logement plus grand au cours du mois suivant, le chômage partiel m’a contrainte à renoncer », explique-t-elle. Lara, cheffe de partie dans un restaurant, se serre aussi la ceinture : « J’ai renoncé à toutes les dépenses superflues et j’ai gardé l’essentiel : la nourriture, en faisant attention au prix ».
Et pour continuer à assurer leur quotidien, beaucoup puisent dans leurs économies, s’ils en ont. Comme Stéphanie : « On va piocher dans notre petite épargne… Quinze ans à bosser pour mettre de côté 15.000 euros qui vont fondre comme neige au soleil. Mais nous ne sommes pas les plus à plaindre », reconnaît-elle. Avec un compagnon en chômage partiel comme elle et 600 euros de moins dans le budget, Gwenaëlle doit aussi puiser dans ses réserves : « Heureusement que nous avions un peu de sous de côté, mais ce ne sera pas le cas bien longtemps… »
« J’ai dû demander une aide financière à mes parents »
Quant à Céline, elle n’aura pas d’autre recours que de solliciter la solidarité familiale : « Mon salaire recouvrait tout juste les charges mensuelles. J’ai dû demander une aide financière à mes parents, car je me retrouve dans l’impossibilité de payer le studio (dans le privé) de ma fille aînée qui est étudiante » confie-t-elle. Tout comme Pauline : « Si la situation perdure, je pense qu’il faudra en effet demander de l’aide à la famille ».
Mais il y a encore pire : certains témoignages font part de patrons qui n’ont pas versé de salaire à leurs salariés en mars. Une pratique totalement illégale. C’est arrivé à Sylvie, qui travaille en restaurant : « A ce jour, mon patron n’a pas versé mon salaire de mars, car il ne trouve pas normal d’avancer le chômage et dit qu’il n’a pas de trésorerie. Donc mon compte est dans le négatif, et j’ai peur que ma banque me bloque ma carte bleue. Comment je vais m’en sortir ? », interroge-t-elle.