Coronavirus à Lyon : « Les conditions ne sont plus remplies pour qu’on maintienne quelqu’un de façon totalement illicite en rétention »
INTERVIEW•Le conseil d’Etat doit examiner ce mercredi un recours demandant la fermeture des centres de rétention français. Serge Deygas, bâtonnier de l’ordre des avocats, revient pour « 20 Minutes » sur la situation du centre de Lyon Saint-ExupéryPropos recueillis par Elisa Frisullo
L'essentiel
- Depuis le début du confinement, des associations et avocats demandent la fermeture des centres de rétention. Le conseil d’Etat doit se pencher sur la question ce mercredi.
- A Lyon, le bâtonnier de l’ordre des avocats a interpellé le préfet sur cette question. Il revient pour « 20 Minutes » sur la situation au sein du centre de Lyon Saint-Exupéry.
Dans toute la France ces derniers jours, des voix se sont élevées pour demander la fermeture des centres de rétention. Et réclamer la libération des étrangers en situation irrégulière accueillis dans ces centres le temps de leur reconduite dans leur pays l’origine. Parmi ces voix entendues et après l’évacuation de plusieurs centres de rétention, à Marseille et Nîmes notamment, Serge Deygas, bâtonnier de l’ordre des avocats de Lyon a adressé un courrier au préfet du Rhône en ce sens. Il revient pour 20 Minutes sur la situation à Lyon alors que le conseil d’Etat doit examiner ce mercredi un recours demandant la fermeture de ces centres, déposé par le conseil national des barreaux et des associations.
Avez-vous reçu une réponse de l’Etat depuis votre démarche auprès de la préfecture ?
Je n’ai pour l’heure eu aucune réponse. Mais depuis que j’ai adressé cette lettre au préfet du Rhône, Forum Réfugiés a déposé des dizaines et des dizaines de remises en liberté auprès du juge de libertés et de la détention (JDL). Et la jurisprudence du JDL est favorable puisque environ une centaine d’ordonnances de remises en liberté a été rendue pour le centre de rétention de Lyon depuis le début du confinement. Lundi, il restait onze personnes en rétention. La situation a donc évolué de manière favorable depuis ma lettre. Mais ce n’est pas sous l’action préfectorale, mais en raison de l’action menée par Forum réfugiés et de la jurisprudence du JDL de Lyon. Le juge considère qu’il n’est pas possible de retenir, au-delà du raisonnable, des personnes qu’on ne peut pas acheminer vers leur pays. Avec le confinement en vigueur, les conditions ne sont plus remplies pour qu’on maintienne quelqu’un de façon totalement illicite en rétention.
Pourtant il y a encore onze personnes dans le centre ?
Oui, mais je ne connais pas la situation individuelle. Il y a peut-être des situations propres qui justifieraient aux yeux de l’Etat le maintien détention.
Pouvez-vous nous expliquer ce qui fait que la rétention aujourd’hui est considérée comme illégale par le JDL ?
Cela doit être une rétention raisonnable qui n’est justifiée que par le délai que l’on prend pour pouvoir acheminer ces personnes vers le pays de destination. Mais on ne peut pas, sans qu’il y ait de perspectives fixées et raisonnables de fin d’un confinement, retenir ces personnes et les priver de libertés.
Vous évoquez un risque sanitaire pour ces personnes en rétention. Les conditions d’accueil dans les centres ne permettaient pas de les protéger du coronavirus ou de la propagation du virus ?
C’est très compliqué, il y a une certaine promiscuité et, comme partout, un manque criant de matériel de précaution (masques, gels…) et de sécurité. C’est la raison qui m’a poussé à écrire au préfet pour signaler cette situation tout à fait intolérable sur le plan de la privation de la liberté et de la mise en danger de ces personnes dans un contexte sanitaire qui n’était pas admissible.
Parmi ces personnes remises en liberté, certaines n’ont sans doute pas de logement. Ne risquent-elles pas de rejoindre dans la rue les nombreux sans-abri, sans solution depuis le début du confinement ?
C’est effectivement un gros problème. Sur le terrain, les associations font un gros boulot pour essayer de trouver des solutions. C’est une vraie préoccupation. Mais ce n’est pas une raison pour autant de laisser les gens en rétention de manière illégale.