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Coronavirus : « Je ne me sens pas spécialement héroïque », les médecins retraités appelés en renfort
SANTE•Selon le conseil de l’ordre des médecins, 40.000 professionnels à la retraite depuis moins de cinq ans pourraient être mobilisés
Caroline Politi
Lorsqu’elle a reçu un appel de l’hôpital de Poitiers dans lequel elle a longtemps été cheffe d’une unité de réanimation, Myriam Untersteller, 66 ans, n’a pas hésité bien longtemps. « Si mes compétences peuvent servir, alors tant mieux », tranche celle qui a raccroché sa blouse blanche il y a presque quatre ans. Pour faire face à la propagation du coronavirus qui fait craindre une surchauffe des hôpitaux, les autorités font désormais appel à la bonne volonté des médecins retraités pour prêter mains fortes au personnel en activité. Selon le conseil national de l’ordre des médecins, ils seraient ainsi 40.000 professionnels, retraités depuis moins de cinq ans, à pouvoir être mobilisés. « Je ne me sens pas spécialement héroïque, ça fait partie de ma conception de ce métier, précise l'ancienne praticienne hospitalière. Quand la situation le nécessite, il faut savoir se mobiliser. »
« Tout le monde doit apporter son énergie »
Si certains hôpitaux, à l’instar de celui de Poitiers, ont pris les devants et décidé de rappeler un à un leurs anciens collaborateurs, de nombreux soignants ont fait d’eux-mêmes la démarche. Depuis quelques semaines, le site de la réserve sanitaire – qui permet de mobiliser des volontaires en cas de crise – est en surchauffe. « J’essaie de m’inscrire depuis six jours mais le site est bloqué et je ne parviens pas à finaliser mon dossier », déplore Jean, chirurgien thoracique. Comme lui, de nombreux médecins, infirmiers, aide-soignants souhaitent proposer leurs services. « Les appels des autorités sanitaires et des ordres professionnels ont entraîné un afflux d’engagement très important avec l’inscription de plus de 13.000 professionnels de santé entre le 26 janvier, date des premières mobilisations en lien avec le Covid-19, et le 17 mars », précise la réserve. Pour l’heure, ils sont 3.800 soignants à pouvoir être mobilisés. Mais leur nombre pourrait facilement doubler lorsque le dossier des nouveaux inscrits aura été étudié.
Pour Claude Leicher, médecin généraliste dans la Drôme, retraité depuis un an, l’idée de reprendre du service s’est « imposée » en milieu de semaine dernière. « Quand j’ai constaté qu’on était, de fait, en stade 3 [le gouvernement ne l’avait pas encore annoncé], je ne me voyais pas trop rester à rien faire, tout le monde doit apporter son énergie. » Ses anciens collègues de la maison de santé dans laquelle il exerçait lui ont confirmé que son aide ne serait pas de trop. Lui, n'est pas passé par la réserve mais a directement contacté l'ordre des médecins de son département. Après avoir vérifié que son assurance professionnelle était toujours valable, il effectue désormais des visites à domicile, principalement d’anciens patients ou des amis présentant les symptômes du Covid-19. « Je me tiens à la disposition de mes confrères, je ferais ce qui pourra les soulager », assure l’énergique retraité, 66 ans au compteur.
Un risque supplémentaire pour ces volontaires?
Reste un paradoxe : les études sur le Covid-19 mettent en lumière un risque accru, passé la soixantaine. Est-ce donc bien raisonnable de faire appel à des retraités pour soigner des patients atteints par ce virus? « A âge égal, un professionnel de santé à moins de risque car il sait comment se protéger, il connaît les gestes barrières et dispose du matériel de protection adaptée », explique-t-on au sein de la réserve sanitaire. Un point de vue que partage Myriam Untersteller. « On peut attraper le virus, évidemment, mais on fait très attention, je suis persuadée que j’ai plus de risque de l’attraper en faisant mes courses ! » Claude Leicher, lui, a pris des mesures drastiques, depuis qu’il a repris son activité. Il n’embrasse plus sa compagne atteinte d’une maladie chronique et fait désormais chambre à part. « Heureusement, la maison est suffisamment grande ! »
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Malgré l’appel à la mobilisation, le recours aux médecins retraités se fait pour l’heure au cas par cas. Moins de 300 soignants de la réserve ont été sollicités. De son côté, Myriam Untersteller, si elle s’est rendue disponible, n’a pas encore été appelée en renfort, l’hôpital de Poitiers parvenant pour l’heure à faire face. Et difficile d’y voir clair dans les missions qui seront les siennes. « Je suis spécialisée en réanimation cardiologique, peut-être qu’ils me mettront là, je ne sais pas encore », explique-t-elle. Mais l’évolution de l’épidémie et le pic attendu dans les prochains jours pourraient bien changer la donne.