Coronavirus : « Tous les départements d'Ile-de-France sont désormais en situation épidémique »
INTERVIEW•Avec 2.400 cas confirmés, Paris et sa banlieue est désormais la région la plus touchée par le coronavirus.. 20 Minutes fait le point avec le directeur général de l'Agence régionale de santé en Ile-de-France, Aurélien RousseauPropos recueillis par Caroline Politi
L'essentiel
- Valérie Pécresse a indiqué lundi que l'Ile-de-France est désormais la région la plus touchée par le coronavirus.
- 2.400 cas ont été recensés dans la région, mais le chiffre est probablement beaucoup plus élévé car seuls les cas graves sont testés.
- Parmi les 270 patients en réanimation, il n'est pas rare de voir des malades dans un état grave âgé de 30 ou 40 ans.
L'Ile-de-France en alerte rouge. Alors que pendant plusieurs semaines l'épidémie de coronavirus semblait relativement épargner Paris et sa banlieue, de nombreux cas se sont déclarés ces derniers jours. Si bien que lundi, Valérie Pécresse, la présidente de la région, a indiqué qu'il s'agissait désormais de la zone la plus touchée par l'épidémie. 20 Minutes fait le point avec Aurélien Rousseau, directeur général de l’Agence régional de santé (ARS) en Ile-de-France.
Quelle est précisément la situation en Ile-de-France ?
Tous les départements de la région sont désormais en situation épidémique*. On comptait [lundi soir] 2.400 cas confirmés mais ce chiffre est probablement bien en deçà de la réalité puisqu’on ne fait des prélèvements que sur les cas les plus graves. Parmi eux, 270 sont actuellement hospitalisés en réanimation et les deux tiers sont intubés. Contrairement à ce qui a longtemps circulé, il faut vraiment avoir en tête qu’il ne s’agit pas d’une grippe qui touche les personnes âgées. En réanimation, l’âge médian se situe à 60 ans mais certains patients dans un état grave ont 35-40 ans.
Comment explique-t-on cette augmentation rapide du nombre de cas ? Y a-t-il des clusters comme dans certaines régions ?
Il y en a eu dans le Val d’Oise, à Méry-sur-Oise ou à Louvres. Nos équipes sont intervenues pour identifier au plus vite toutes les personnes avec lesquelles les porteurs du virus ont été en contact, les mettre en quarantaine. Ce confinement localisé nous a permis de ralentir la progression de l'épidémie et nous donner le temps de nous organiser. Mais on savait que ce ne serait pas suffisant : quand une épidémie progresse de façon diffuse et continue, le confinement doit être généralisé. On a observé un basculement mercredi dernier, lorsqu’on a constaté une augmentation rapide du nombre de cas graves dans la région. On savait, notamment grâce aux retours de nos confrères en Chine ou en Italie, qu’il s’agit du premier indicateur de l’accélération du virus.
Les hôpitaux franciliens sont-ils parés pour faire face à une épidémie de cette ampleur ?
On s’y prépare depuis des semaines, on avait commencé à déprogrammer les actes chirurgicaux non urgents pour libérer des lits… En temps normal, il y a 1.200 lits dans les services de réanimation franciliens, nous en avons plusieurs centaines de plus. C’est difficile de donner un chiffre car la situation évolue au jour le jour et nous nous adaptons constamment. Aujourd’hui, on est en capacité de gérer mais on sait qu’on va avoir une sollicitation énorme. On voit ce qu’il se passe actuellement dans l’est de la France, d’où la nécessité de ralentir la courbe.
Les mesures de confinement, qui permettent justement de limiter la diffusion de la maladie, ont-elles été prises trop tard ?
La gestion d’une épidémie, c’est savoir prendre une décision au bon moment. Une mesure aussi contraignante aurait-elle été acceptée la semaine dernière, lorsqu’il y avait moins de cas ? Il y a toujours le risque de « Pierre et le loup », on aurait eu moins d’arguments il y a quelques jours pour faire accepter ce confinement. Souvenez-vous quand on a parlé des gestes barrière, beaucoup ont pris ces conseils à la légère alors qu’ils sont très efficaces. De même, ce week-end, lorsqu’on voit les gens dans les parcs, on se dit qu’ils n’ont pas compris qu’on a tous une forte responsabilité dans la gestion de cette épidémie. Mais si nos citoyens mettent en œuvre sérieusement ces mesures, on peut encore changer la situation. Aujourd’hui, on sait que 50 % de la population du pays va être contaminée. Ces mesures ne vont pas casser l’épidémie comme certains l’ont affirmé mais plutôt vont permettre de ralentir la vague pour que tous les cas graves n’arrivent pas en même temps.
Quel regard portez-vous sur ces Franciliens qui sont partis se mettre au vert dès l’annonce du confinement ?
Je comprends leurs préoccupations mais il faut bien avoir en tête que certaines régions, contrairement à l’Ile-de-France, ne sont pas en phase épidémiques. Il faut donc respecter les règles de confinement là-bas comme ici.
*Le seuil épidémique est fixé à 10 habitants contaminés pour 100.000