Affaire Matzneff : Christophe Girard, adjoint d’Hidalgo, entendu en pleine campagne municipale
ENQUETE•Les enquêteurs s’intéressaient notamment au soutien financier dont l’écrivain a bénéficié dans les années 1980 de la part de la Maison Yves Saint Laurent, dont Christophe Girard a été secrétaire général entre 1986 et 198720 Minutes avec AFP
L’affaire Matzneff s’invite de manière embarrassante dans la campagne municipale d’Anne Hidalgo à Paris à travers son adjoint à la Culture, Christophe Girard, qui a été entendu plusieurs heures mercredi en tant que témoin sur ses liens avec l’écrivain accusé de pédophilie.
L’ancien maire du IVe arrondissement, pilier de la majorité parisienne, a été entendu « pendant quatre heures », selon un proche, à l’Office central de répression des violences aux personnes (OCRVP) de Nanterre par les policiers chargés de l’enquête « pour viols sur mineur » de moins de 15 ans visant Gabriel Matzneff. Christophe Girard en est sorti « en fin d’après-midi », a indiqué cette source proche de l’élu parisien. « Christophe Girard a été entendu cet après-midi (…) en qualité de témoin », selon cette source. « Il a répondu à toutes les questions qui lui ont été posées ». « Il n’est prévu aucune autre audition de quelque nature que ce soit », a ajouté ce proche.
« Pas un ami proche »
Les enquêteurs s’intéressaient notamment au soutien financier dont l’écrivain a bénéficié dans les années 1980 de la part de la Maison Yves Saint Laurent, dont Christophe Girard a été secrétaire général entre 1986 et 1987. Dans un article intitulé « Un écrivain pédophile sur le banc des accusés. Et les élites françaises aussi », le New York Times a rappelé le 11 février comment Christophe Girard avait, en 1987, apporté une aide financière à Gabriel Matzneff.
L’auteur lui-même a écrit dans La prunelle de mes yeux, son journal des années 1986-1987, que Christophe Girard lui a annoncé que la Maison Yves Saint Laurent financerait, « aussi longtemps qu’il le souhaite », les frais de l’hôtel dans lequel il vivait à l’abri des regards dans le quartier de Saint-Germain-des-Près. Gabriel Matzneff, longtemps toléré voire encensé dans le monde littéraire parisien, voyait régulièrement dans cet hôtel Vanessa Springora, alors âgée de 15 ans.
Interrogé récemment par l’AFP, Christophe Girard a nié toute proximité avec Gabriel Matzneff qui lui a dédié La Prunelle de mes yeux et qui l’a qualifié dans les années 2000 d’un de ses amis « les plus proches ». « La personne avec laquelle je vis depuis 25 ans ne l’a jamais rencontré », a insisté Christophe Girard. « Un ami proche c’est quelqu’un qui part en vacances avec vous, qui dîne chez vous, chez qui vous allez. Eh bien, ce n’est pas le cas ! ». « Nous ne savions rien » des faits aujourd’hui reprochés à l’écrivain, s’est-il encore expliqué.
L’affaire suivie « en haut lieu »
Mais à l’Hôtel de Ville, on suit depuis plusieurs semaines d’un œil inquiet une affaire que le camp Hidalgo se serait bien épargnée à quelques jours des élections municipales (15 et 22 mars). « On a traité l’affaire en haut lieu. Christophe Girard s’en est entretenu avec Anne (Hidalgo), Emmanuel Grégoire (directeur de campagne) et Jean-Louis Missika (président de la plateforme de campagne) », confie un proche de l’édile.
L’histoire a également interpellé ses colistiers du XVIIIe arrondissement, où Christophe Girard est candidat en cinquième position. Au cours d’une réunion dans ce secteur il y a deux semaines, le ton est monté. « La jeune génération ne comprenait pas qu’il y a 30 ans, je n’ai pas dénoncé. J’ai fait de la pédagogie. J’ai expliqué… et vous pouvez vérifier, la liste n’a pas bougé », a affirmé Christophe Girard à l’AFP.
Selon un proche de la maire de Paris, Christophe Girard a indiqué lors des réunions de crise avoir « obéi aux ordres de Pierre Bergé », compagnon d’Yves Saint Laurent et cofondateur de sa maison de couture, qui lui avait demandé de régler l’hôtel de Gabriel Matzneff. « Ca ne fait pas de lui un complice de pédophilie », estime cette source. Pierre Bergé, décédé en 2017, « aidait beaucoup de gens, connus et inconnus. Mon rôle, c’était d’annoncer la bonne nouvelle à celle ou celui qui était dans la merde », a affirmé à l’AFP Christophe Girard, qui se demande désormais si Pierre Bergé n’avait pas payé les frais d’hôtel de M. Matzneff « sur ses fonds personnels ».
La difficulté des récits de Christophe Girard, c’est qu'« il fait parler des morts, c’est la force et la fragilité » de ses explications, commente un responsable de l’Hôtel de Ville. Pour un autre responsable politique proche d’Anne Hidalgo, Christophe Girard est « une excellente victime expiatoire dans ce règlement de comptes d’une génération avec une autre, en l’occurrence la génération 68 ».