DROIT DU TRAVAILComment exercer son droit de retrait par crainte du coronavirus

Coronavirus : Dans quelles circonstances peut-on faire jouer son droit de retrait comme les salariés du Louvre ?

DROIT DU TRAVAILDepuis dimanche, les employés du Louvre font valoir leur droit de retrait, s’estimant menacés par l’épidémie de coronavirus. Et vous, pouvez-vous également invoquer votre droit de retrait et cesser votre activité ?
Caroline Politi

Caroline Politi

L'essentiel

  • Depuis dimanche, le musée du Louvre – qui accueille 30.000 visiteurs chaque jour – est fermé. Car les employés font valoir leur droit de retrait.
  • Les rassemblements de plus de 5.000 personnes en milieu fermé sont interdits à l’exception des musées.
  • Contrairement au droit de grève, le droit de retrait ne peut faire l’objet de sanction disciplinaire ou de retenue de salaire.

Fermé jusqu’à nouvel ordre. Ce lundi encore, touristes et amateurs d’art ont trouvé porte close devant le Louvre. Depuis dimanche, les salariés du musée qui accueillent quotidiennement 30.000 visiteurs ont fait valoir leur droit de retrait, s’estimant menacés par l’épidémie de coronavirus. Les syndicats ont notamment rappelé que le gouvernement interdisait désormais les rassemblements de plus de 5.000 personnes en milieu fermé, s’étonnant que cette mesure concerne les concerts mais pas les musées.



Que dit la loi ?

L’article L4131-1 du Code du travail autorise tout salarié, quelle que soit son activité, à cesser son activité dès lors qu’il a un « motif raisonnable de penser » qu’une situation « présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ». Si aucun préavis n’est nécessaire, l’employeur doit être averti en amont et connaître précisément les raisons de ce retrait. « L’employé n’a pas à prouver qu’il est en danger mais seulement qu’une situation lui fait potentiellement courir ce risque », précise Me Eric Rocheblave, avocat spécialisé en droit du travail. En clair : c’est le sentiment d’être en danger qui prime. Or, au Louvre, de nombreux employés travaillent auprès de touristes, certains venant de zones à risque.

La direction du musée assure mettre en œuvre toutes les mesures préconisées « afin de protéger les agents et les visiteurs suite au passage au stade 2 de la situation », avec notamment la mise en « quatorzaine » des personnes revenant de zones à risque. Pour autant, elle conteste la position des salariés, insistant sur le fait qu’aucun arrêté préfectoral n’a été émis. « Les autorités, ministre de la Culture et ministère Santé, ont rappelé que la fermeture du Louvre n’est pas nécessaire. Le Louvre met en œuvre toutes les procédures qui nous sont transmises », a indiqué Maxence Langlois-Berthelot, administrateur général du musée du Louvre, dans une déclaration lue ce lundi devant les journalistes.

Combien de temps peuvent-ils faire valoir ce droit de retrait ?

Cette disposition n’est pas limitée dans le temps. « Tant qu’ils estiment que leur entreprise n’a pas pris les dispositions nécessaires pour les protéger, ils peuvent faire valoir le droit au retrait », insiste le conseil, rappelant que l’entreprise est responsable de la santé et de la sécurité de ses employés. Au Louvre, les syndicats demandent notamment la mise à disposition à large échelle de gel hydroalcoolique ou le retour des vitres séparant les caissiers du public. Reste que le coronavirus étant très récent, les autorités ont pour l’heure assez peu de recul sur la propagation de cette épidémie. Preuve en est, les recommandations évoluent : depuis vendredi, les poignées de mains sont déconseillées.

Que risquent les salariés ?

Contrairement au droit de grève, le droit de retrait ne peut faire l’objet de sanction disciplinaire ou de retenue de salaire. En revanche, si l’employeur estime que ses salariés en abusent, il peut saisir un juge prud’homal qui appréciera la situation. Si ce dernier constate effectivement un abus, le salarié risque une retenue sur salaire voire une sanction allant jusqu’au licenciement. « Le droit de retrait est individuel, chaque situation est différente, note Eric Rocheblave. La situation de l’employé de la boutique souvenirs, en contact permanent avec les touristes, sera différente de celle du comptable. » A l’inverse, s’il estime que l’entreprise n’a pas pris toutes les dispositions nécessaires, elle pourrait être condamnée.