La Fondation Abbé-Pierre dévoile ses « Pics d’or »… Quels sont les dispositifs anti-SDF les plus scandaleux ?
NAME AND SHAME•La Fondation Abbé-Pierre remet ce lundi soir des « Pics d’or » lors d’une cérémonie satirique qui vise à dénoncer l’essor du mobilier urbain anti-SDF et des mesures administratives à leur encontre
Delphine Bancaud
L'essentiel
- Ces dernières années, le mobilier urbain anti-SDF et les mesures administratives empêchant les plus pauvres de s’asseoir dans la rue sont en pleine expansion.
- Des dispositifs signalés à la Fondation Abbé-Pierre par des citoyens.
- Le fait de les rendre publics incite parfois les entreprises ou les mairies à ne pas réitérer.
Pics, barreaux, grilles, rochers, arrêtés anti-mendicité, anti-glanage, anti-bivouac… Voilà l’arsenal des mairies, commerçants, copropriétés et entreprises pour dissuader les sans-abri de rester au pas de leurs portes. Des dispositifs que la Fondation Abbé-Pierre dénonce de manière ironique lors de la deuxième cérémonie des « Pics d’or », qui a lieu ce lundi soir.
« Depuis 2017, des citoyens postent des photos d’équipements urbains anti-SDF sur la plateforme soyonshumains.fr, via Twitter (#SoyonsHumains) et une adresse mail ([email protected]), pour signifier leur désaprobation. A ce jour, 450 photos de dispositifs de ce type nous ont été remontées. Le but de cette opération satirique est de montrer comment la société tente d’invisibiliser les plus pauvres en les éloignant des centres-villes », indique Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre.
« Les urbanistes débordent d’innovation pour que les SDF ne puissent pas se poser longtemps quelque part »
Dans la catégorie « Fallait oser », le « pic » du dispositif le plus décomplexé a été attribué à « Sur les rails », repéré à Lyon. « Il s’agit d’une sorte de rails sur un banc de pierre dans une copropriété, afin de rendre très inconfortable le fait de s’y asseoir. Un dispositif très excluant qui montre à quel point les urbanistes débordent d’innovation pour que les SDF ne puissent pas se poser longtemps quelque part », commente Christophe Robert.
« Lors des dix dernières années, on a vu fleurir les arrêts anti-mendicité »
Dans la catégorie « Ni vu ni connu », qui distingue le dispositif le plus fourbe, c’est « Arabesque », made in Lille, qui a gagné. « Il s’agit d’un espace devant un immeuble qui a été engrillagé pour empêcher aux SDF de s’y installer. Mais la grille est en forme d’arabesque, ce qui donne l’impression qu’il est uniquement décoratif », décrit Christophe Robert.
Difficile pour le jury de déterminer un vainqueur dans la catégorie « Bouge de là » - qui concerne les arrêtés anti-mendicité - étant donné le niveau des prétendants. Au final, la « Salade niçoise » (Nice) est arrivée ex aequo avec « Sans faim, ni soif » (Calais). « Lors des dix dernières années, on a vu fleurir les arrêts anti-mendicité. Surtout à la période de fêtes, en raison des marchés de Noël, et l’été, pour que les touristes ne soient pas "importunés" par la vue des plus pauvres », analyse, amer, Christophe Robert.
Le prix « C’est pas mieux ailleurs », dont le but est de montrer que des villes étrangères peuvent aussi se « distinguer », a été attribuée cette année à Las Vegas. « Une loi interdit aux SDF de dormir sur la voie publique sous peine d’une amende de 1.000 dollars et de 6 mois d’emprisonnement. Il n’y a pas de limite », soupire Christophe Robert.
Quant à la catégorie la plus en vue, intitulée « Le clou », récompensant le dispositif le plus agressif, le prix est attribué cette année aux « Champignons de Paris », une devanture d’agence Pôle emploi devant laquelle les poteaux ont poussé comme des champignons. « Si l’on ne dénonce pas ce genre de mobilier urbain, il y a un risque qu’il se banalise et qu’il soit intégré aux cahiers des charges des architectes », redoute Christophe Robert.
L’an dernier, les Pics d’or ont eu un effet sur quelques-uns des lauréats : « La mairie de Paris et la BNP ont retiré le dispositif pour lequel nous les avions distingués », indique Christophe Robert. Preuve que le « name and shame » est dissuasif, et pourrait l’être d’autant plus en période d’élections municipales.