EDUCATIONQuels changements veulent les directeurs d’école pour leur métier ?

Affaire Christine Renon : Quels changements les directeurs d’école veulent-ils pour leur métier ?

EDUCATIONLes résultats d’une enquête effectuée en novembre auprès des directeurs d’école soulignent les difficultés qu’ils rencontrent dans l’exercice de leur fonction
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Le ministère de l’Education a publié ce mardi les résultats d’une enquête effectuée en novembre, après le suicide d’une directrice d’école de Pantin, laquelle avait dénoncé dans une lettre ses conditions de travail.
  • Les directeurs expriment un besoin d’accompagnement dans leurs missions et d’allégement de leur charge de travail.
  • Une concertation entre le ministère de l’Education nationale et les organisations syndicales doit démarrer à ce sujet le 14 janvier.

Le temps passe, mais la blessure n’est pas refermée. Les directeurs d’école n’ont pas oublié Christine Renon, la directrice d’une école de Pantin qui s’est suicidée dans son établissement en septembre après avoir dénoncé, dans une lettre, ses conditions de travail.

Un décès qui avait mis en lumière leurs propres difficultés dans l’exercice de leur profession. D’où le lancement en novembre d’une enquête* par le ministère de l’Education nationale, dont les résultats ont été révélés ce mardi.

46 % consacrent de 11 à 20 heures par semaine aux tâches de direction

Sans surprise, cet état des lieux met en lumière leur ressenti complexe vis-à-vis de leur profession. Car si les directeurs d’école qualifient leur fonction de « polyvalente » et leur conférant des responsabilités, « les facettes négatives apparaissent dans certains des mots qu’ils emploient pour la caractériser : 12 % d’entre eux évoquent la surcharge de travail, 10 % la qualifient de chronophage, 10 % citent le stress et la fatigue », reconnaît Édouard Geffray, directeur général de l’enseignement scolaire. « Mais le mot malaise n’a pas été verbalisé », tient-il à souligner.

Et l’on comprend vite pourquoi ces aspects sombres s’expriment quand 41 % des directeurs disent ne bénéficier que d’un quart de décharge (équivalent au temps où ils n’ont pas à tenir une classe afin de pouvoir se consacrer à leurs missions de gestion de l’établissement). Cette décharge de service n’ayant lieu que lorsque l’école comprend plus de quatre classes… Or, « 46 % des directeurs interrogés indiquent qu’ils consacrent de 11 à 20 heures en moyenne par semaine à leur mission de direction, 24 % de 21 à 30 heures, et 20 % plus de 30 heures », indique Vincent Soetemont, directeur général des ressources humaines. Le seul moyen pour eux d’écluser toutes leurs tâches.

Un « besoin d’appui pour assumer les tâches les plus pénibles »

Le sentiment d’être écartelés entre leurs différentes missions ne les quitte pas, puisque 87 % d’entre eux disent être souvent interrompus lorsqu’ils sont en classe pour répondre à des sollicitations liées à leur fonction de direction. Or, la partie pédagogique de leur profession est celle qu’ils plébiscitent le plus. « La dimension administrative et sécuritaire est considérée par eux comme la plus chronophage et la plus pénible », souligne Édouard Geffray. La gestion des difficultés des élèves (conflits, alertes sociales…) et des relations avec les parents ne semblent pas non plus aller de soi.

Face à ce constat, les directeurs ont une vision assez claire de ce dont ils auraient besoin pour que leur travail soit facilité. « Ils expriment prioritairement un besoin d’appui pour assumer les tâches les plus pénibles : la gestion des accès à l’école en dehors des heures d’entrée et de sortie des classes (pour 52 % d’entre eux), et la réponse aux appels téléphoniques (48 %) », note Vincent Soetemont. Et pour se sentir plus à l’aise dans leur peau professionnelle, une majorité d’entre eux estiment que la formation pourrait les y aider. Tout d’abord en droit et réglementation, en gestion des conflits entre adultes et en pilotage pédagogique de l’équipe. Et plus l’école est petite, plus le directeur exprime le besoin de formation. « D’autant que seulement 47 % des directeurs qui sont à la tête de leur école depuis plus de dix ans ont eu droit à une formation liée à leur fonction », constate Vincent Soetemont.

Des discussions avec les syndicats vont bientôt commencer

Pour améliorer leur quotidien, les directeurs souhaiteraient aussi que leur temps de décharge soit augmenté (36 %), que leurs tâches soient simplifiées (27 %) et qu’une aide d’un agent administratif leur soit accordée (20 %). Des aides qui existaient jadis, mais que le gouvernement a réduites drastiquement au début du quinquennat, en supprimant les contrats aidés.

Des suggestions que le ministère compte bien étudier, une concertation avec les organisations syndicales étant prévue à partir du 14 janvier. Avec une première séquence focalisée sur l’allégement des tâches et une deuxième sur l’accompagnement personnalisé de chaque directeur, qui pourrait conduire à augmenter leur temps de décharge.

Les volontaires du service civique à la rescousse ?

Quant à la possibilité de leur accorder l’aide d’un agent administratif, le ministère refuse pour l’heure de trop s’avancer. « Ça fait partie des chantiers qui sont ouverts. Une première réponse serait que certaines tâches ne leur incombent plus, que le directeur soit moins sollicité », a ainsi botté en touche Edouard Geffray. Une des solutions pourrait être un recours aux jeunes en service civique. « Un travail est mené avec l’agence du service civique actuellement », concède Vincent Soetemont. Quant à créer un statut spécifique aux directeurs d’école, qui ne sont pas aujourd’hui les supérieurs hiérarchiques des enseignants, là aussi, le sujet n’est pas tranché.

Mi-novembre, le ministère de l’Education avait déjà annoncé de premières mesures pour « alléger et simplifier » leur travail, leur accordant une journée supplémentaire de décharge jusqu’à fin décembre et les dispensant à la fin de l'année des démarches liées à diverses « enquêtes » auxquelles ils devaient répondre. D’autres annonces pourraient être faites fin janvier. Notamment sur les tâches que les directeurs d’école n’auraient plus à assumer.

* La consultation en ligne a été menée du 13 novembre au 1er décembre 2019 auprès de 29.007 directeurs d'école par OpinionWay.