Grève du 10 décembre : Dans le cortège parisien, des manifestants partagés entre espoir et lassitude face au gouvernement
REPORTAGE•« 20 Minutes » était dans le cortège qui a rassemblé entre 27.000 et 180.000 personnes, selon différents comptagesNicolas Raffin
L'essentiel
- Les opposants à la réforme des retraite se sont à nouveau mobilisés ce mardi.
- A Paris, ils étaient entre 27.000, selon le cabinet Occurrence, et 180.000, selon les syndicats.
- Le discours d’Edouard Philippe mercredi est très attendu par certains.
«Ne battons pas en retraite », « La retraite avant l’arthrite », et bien d’autres encore… Les manifestants avaient sorti leurs meilleurs slogans ce mardi à Paris pour protester contre la réforme des retraites voulue par l’exécutif. Parti vers 14h de la place Vauban, à côté des Invalides, le cortège parisien a défilé dans le calme jusqu’à la place Denfert-Rochereau, avec quelques tensions en fin d’après-midi.
Selon les syndicats, 180.000 personnes étaient présentes pour battre le pavé dans la capitale (contre 250.000 la semaine dernière). De son côté, le cabinet Occurrence, qui réalise un comptage pour plusieurs médias, dénombrait 27.000 manifestants (contre 40.000 recensés lors de la mobilisation du 5 décembre). Malgré des chiffres en baisse, « le mécontentement reste aussi haut » a expliqué Philippe Martinez, le leader la CGT. « On est dans l’installation d’un mouvement » a quant à lui affirmé Yves Veyrier, numéro un de Force Ouvrière.
« Un montant si faible, ce n’est pas possible quand on a travaillé toute sa vie »
Dans la foule, de nombreuses professions et secteurs étaient représentés : médecins, infirmiers, bibliothécaires ou encore cheminots. « Il faut que le gouvernement sache qu’on est nombreux à ne pas penser comme lui », explique Fabienne. Cette salariée précaire de la grande distribution – elle alterne contrats courts et RSA – doit prendre sa retraite l’année prochaine. « J’aurais droit à 900 euros », explique-t-elle. Pour Fabienne, le projet de l’exécutif – une retraite minimum à 1.000 euros pour ceux qui auront cotisé jusqu’à 67 ans ou qui auront validé tous leurs trimestres – n’est pas suffisant : « Un montant si faible, ce n’est pas possible quand on a travaillé toute sa vie ».
Pour Adèle, la vie professionnelle n’a pas encore commencé. Mais à 22 ans, cette étudiante en théâtre porte un regard bien sombre sur son avenir : « La retraite, c’est loin, et c’est plutôt quelque chose qui fait peur. Je pense que notre génération n’aura pas de retraite, sauf si on construit un système plus solidaire ».
Un discours à relativiser ?
« Si le nouveau système promu par le gouvernement était aussi bénéfique qu’il le prétend, pourquoi ne pas l’appliquer aux ministres (qui en réalité ne touchent pas de retraite liée à leur fonction) et aux présidents de la République ? » demande Michel, syndicaliste Sud-Santé. Pour cet agent administratif, « Edouard Philippe doit faire de vraies concessions » sur la réforme. Le Premier ministre doit en effet présenter « l’intégralité du projet » sur les retraites ce mercredi, devant le Conseil économique, social, et environnemental (Cese).
Mais l’exécutif relativise déjà la portée de l’explication à venir. « Ce n’est pas parce que je fais un discours que les manifestations vont cesser. Ce discours va même susciter de nouvelles questions » a ainsi expliqué Edouard Philippe ce mardi aux députés LREM. En écho à ses propos, plusieurs manifestants rencontrés dans le cortège expliquaient en effet qu’ils n’espéraient pas grand-chose de cette intervention. « Je n’en attends rien, indique même Didier, qui répare des caténaires à la SNCF. On l’écoutera quand même, par courtoisie ».
Comme beaucoup de ses collègues, il a de toute façon prévu de poursuivre la grève entamée le 5 décembre « pour tenir trois semaines au minimum, comme en 1995 ». L’intersyndicale (CGT, FO, Solidaires, FSU) a, de son côté, annoncé dans la soirée une nouvelle journée de mobilisation: le jeudi 12 décembre pour des actions locales, le mardi 17 décembre pour une nouvelle manifestation à Paris.