MOBILISATIONA Marseille, les profs en grève pour ne pas «perdre 30 %» sur leur retraite

Grève du 5 décembre: « Aucune profession ne peut accepter de perdre 30 % sur sa retraite », dénoncent les enseignants à Marseille

MOBILISATIONLa mobilisation des enseignants est forte à Marseille, où le taux de gréviste a atteint 51,49%
Caroline Delabroy

Caroline Delabroy

L'essentiel

  • Le taux de grévistes chez les enseignants est, dans les Bouches-du-Rhône, de 51,49 %, selon le rectorat, et proche de 75 % selon le SNES-FSU.
  • Dans le cortège marseillais, les professeurs étaient présents en nombre parmi les manifestants. Ils dénoncent une perte de 600 à 800 euros sur leur retraite, si la réforme devait passer.

«Non, ce n’est pas la grève des transports en commun ! ». Sylvie, enseignante spécialisée à Marseille, était « furieuse » devant sa télévision hier soir : « C’est sûr, c’est plus clivant de présenter les choses comme ça. » Ce jeudi, sur le Vieux-Port, l’heure n’est plus au décryptage médiatique, sa colère est ailleurs, contre un projet de réforme des retraites « dévastateur » pour les enseignants.

« Aucune profession ne peut accepter de perdre 30 % sur sa retraite », dénonce en effet Laurent Tramoni, secrétaire académique du SNES-FSU Aix-Marseille, à la tête d’un imposant cortège unitaire : le taux d’enseignants grévistes dans les écoles, collèges et lycées est dans les Bouches-du-Rhône de 51,49 % selon le rectorat, les syndicats avançant le chiffre de 75 % de grévistes. Le mouvement de ce 5 décembre touche aussi les « tatas », si bien que 400 des 444 écoles marseillaises étaient fermées sur le temps périscolaire, assure de son côté FO.

«Avec la réforme, je perdrais 600 euros »

« J’ai fait le calcul, je perdrais 800 euros par mois sur la retraite que je devrais toucher », témoigne Séverine, 46 ans. Professeur de français en collège, elle est entrée à 28 ans dans l’Education nationale. La retraite, elle y pense déjà. « Quand on voit des collègues en fin de carrière qui se mettent à avoir des difficultés alors qu’ils n’en avaient jamais eu avant, il y a cette inquiétude. Les conditions de travail deviennent de plus en plus difficiles, on est obligés de se projeter et de se demander si on tiendra jusqu’au bout. »

Jean-François, 60 ans et une belle chevelure blanche, a aussi joué de la calculette avec le simulateur mis en place par le SNES. Avec la réforme, il perdrait lui 600 euros. « Les salaires sont faibles, c’est pour ça que nos retraites étaient calculées sur les six derniers mois, cela compensait la faiblesse », explique-t-il.

A priori, étant proche de la retraite, il ne devrait toutefois pas être concerné. « Mais bon, je n’ai aucune confiance dans leurs promesses », ajoute-t-il. Tout comme Séverine : « Cela coûterait 10 milliards d’euros de revaloriser nos salaires, dans le contexte actuel, vous pensez qu’ils vont le faire ? ». Professeur de physique chimie, Benoît, 37 ans, est aussi très dubitatif « des contreparties que le gouvernement veut nous proposer en échange d’augmentations ».

« J’ai participé à la grève du Bac en juillet, c’est la seule chose qui leur fait un peu peur », regrette-t-il, avant de questionner : « Vous trouvez ça normal de finir les fins de mois à découvert, alors que ma femme et moi, on est deux actifs, tous les deux enseignants, et qu’on souhaite proposer à nos deux enfants des activités, sans que ce soit des sacrifices. »

Professeurs en collège, Jean-François, Florent, et Benoît sont venus d'Istres pour manifester.
Professeurs en collège, Jean-François, Florent, et Benoît sont venus d'Istres pour manifester. - C. Delabroy / 20 Minutes

«Quand on est jeune, on pense à la retraite oui»

A ses côtés, Florent, 34 ans, a le sourire large et l’humour au diapason : « Je suis à 1783 euros par mois après 7 ans d’ancienneté, pour un concours de niveau Bac + 5. Pour une retraite à taux plein, il faudrait que je travaille jusqu’à 71 ans. J’espère que j’aurai un hologramme comme Mélenchon, que d’ici là la technologie aura avancé ! » Quitter la profession ? Il dit y penser depuis deux semaines. « Peut-être partir à l’étranger, enseigner, car c’est une vraie vocation », confie-t-il.

Marie-Line, elle, est à la retraite depuis septembre mais bel et bien présente dans le cortège. « J’ai eu la chance de pouvoir partir jeune, à 57 ans, raconte cette ancienne directrice d’école à Marseille. Je n’aurais physiquement pas pu aller jusqu’à 64 ans. Là, la retraite que j’ai me permet de vivre correctement et de mettre à profit mon temps pour m’engager dans des associations, pour aider les jeunes. » Et sa fille Mathilde, qui s’apprête à passer le concours pour devenir professeur des écoles. Elle n’en est pas à sa première manif et avoue penser à sa retraite. « Quand on est jeune, on y pense oui. Comment je vais grandir, comment on va vieillir… » Mais pas de quoi la faire renoncer pour autant au concours. « Si on commence à dire qu’on n’éduque pas les enfants... », lance-t-elle, alors que les voix s’échauffent et que chacun se dit prêt à reconduire le mouvement.