EDUCATIONRififi autour de la nouvelle école Ruffi à Marseille

Marseille : « Les pauvres dans les préfabriqués et les nouveaux petits riches dans l'école neuve »... rififi autour de l'école Ruffi

EDUCATIONDes parents d’élèves d’un quartier défavorisé de Marseille, dont les enfants font classe depuis des années dans des préfabriqués, crient à la discrimination, alors que l’école neuve construite tout près accueillera finalement la nouvelle population plus aisée du quartier
Mathilde Ceilles

Mathilde Ceilles

L'essentiel

  • Une opération de réhabilitation est en cours dans le très défavorisé troisième arrondissement de Marseille, afin notamment d’y attirer une nouvelle population.
  • Cette réhabilitation comprend la construction d’une école neuve, alors que les enfants du quartier font classe pour l’heure dans des préfabriqués.
  • Le conseil municipal s’apprête toutefois à voter le fait que cette école neuve soit réservée en partie aux enfants plus aisés habitant les résidences neuves du quartier.

«Pourquoi celui qui a les moyens d’avoir un nouvel appartement dans la résidence toute neuve du quartier a le droit à une école nouvelle, et les pauvres, on les laisse dans les préfabriqués ? On met les pauvres d’un côté et les nouveaux petits riches dans l’école toute neuve. »

Leila Elhadj-Mohamed-Freih ne décolère pas. Parent d’élève délégué de l’école Ruffi, ses trois enfants ont fait leur scolarité dans cet établissement du troisième arrondissement de Marseille, un des quartiers les plus pauvres de France. Depuis 2002, les élèves de Ruffi font classe dans des préfabriqués, en guise d’école « provisoire ». Il y a quelques années, le plafond de cette école s’est même effondré. A quelques mètres de là se construit une toute nouvelle école flambant neuve, le groupe scolaire Antoine de Ruffi, dont l’ouverture est prévue pour la rentrée prochaine.

« Répondre aux besoins des nouveaux habitants »

Oui mais voilà : ce tout nouvel établissement n’accueillera finalement qu’un tiers des 300 élèves qui font actuellement classe, été comme hiver, dans les préfabriqués de l’actuel Ruffi, selon la toute nouvelle carte scolaire votée lundi au conseil municipal. « L’école Ruffi neuve n’est pas là pour remplacer Ruffi ancienne, mais pour répondre entre autres aux besoins des nouveaux habitants du quartier dans le cadre d’Euroméditerrarnée, et les enfants sont déjà là et ont besoin d’une école ! », explique Laure-Agnès Caradec.

Cette dernière est présidente d’Euroméditerrannée, qui pilote un vaste programme de rénovation urbanistique à Marseille. Ce programme comprend notamment, dans cette partie du troisième arrondissement de France, la construction d’une série de résidences neuves censées attirer une population plus aisée dans le quartier…, dont les enfants seront scolarisés dans l’établissement neuf. « L’école accueillera également des enfants issus d’autres écoles du quartier afin de les soulager, comme l’école Félix-Pyat », assure Daniele Casanova, adjointe au maire en charge des écoles maternelles et élémentaires.

« Et nous alors ? »

Et même, pendant que les élèves de l’actuel Ruffi resteront dans les préfabriqués, certaines classes du tout nouveau groupe scolaire Antoine de Ruffi resteront vides. « Nous ouvrirons 13 classes sur 20 afin d’anticiper le développement du quartier dans les années à venir », justifie Danièle Casanova. « On n’ouvre jamais toutes les classes en même temps afin de gérer le flux, justifie-t-on du côté du rectorat. On met les élèves petit à petit, en commençant par les petites classes ».

« Et nous alors ?, s’agace Leila Elhadj-Mohamed-Freih. On est des citoyens marseillais, nos enfants ont le droit d’étudier dans de bonnes conditions, comme les autres ! C’est de la discrimination ! » Interrogée à ce propos, Danièle Casanova reconnaît que le reste de l’effectif restera dans les préfabriqués, en attendant l’hypothétique ouverture de la cité scolaire internationale. Et même si elle avoue savoir que le projet est pour l’heure suspendu en raison d'un conflit d'intérêts.

Pour Benoît Payan, chef de file socialiste au conseil municipal, la mairie « abandonne les enfants et leurs familles dans cette école parmi les plus indignes de Marseille ». Et d’abonder : « Je pense au pire. Je pense que la majorité fait le tri entre les enfants. Et ça ne les honore pas beaucoup. Ça les salit. » Une manifestation des parents d’élèves de l’école Ruffi est prévue ce lundi matin devant le conseil municipal.