Lanceurs d’alerte : Un tiers des cadres confrontés à des « pratiques illégales » au travail, des dérives peu signalées
PROTECTION•Peu de cadres dénoncent ces pratiques, notamment à cause du manque de dispositif de protection des salariés20 Minutes avec AFP
Le statut des lanceurs d'alerte va-t-il être renforcé ? C’est ce que demandent une dizaine d’organisations, qui ont adressé une « lettre ouverte au président de la République » ce jeudi. Selon un sondage* mené par l’une d’elles, l’Ugict-CGT, plus d’un tiers des cadres disent être témoins de pratiques illégales dans leur travail. Des dérives très peu dénoncées faute de protection.
Sur 36 % de cadres témoins de « pratiques illégales ou contraires à l’intérêt général », 42 % n’ont pas signalé ces dérives. S’ils n’ont pas donné l’alerte sur ces manquements, c’est à cause de l’absence de processus, ou parce qu’ils n’ont pas confiance dans celui-ci : 51 % seulement des cadres déclarent qu’il existe un dispositif d’alerte dans leur entreprise, mais 42 % estiment que, s’il existe, il est inefficace. Et 51 % jugent risqué de dénoncer des pratiques contraires à l’éthique dans leur entreprise.
Les « limites » de la loi Sapin
Les lanceurs d’alerte sont pourtant protégés par une loi depuis 2016 (Loi Sapin 2). Mais celle-ci comporte des « limites » qui doivent être corrigées, soulignent dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron une cinquantaine de signataires d’un large spectre de syndicats (CGT, FO, CGC, CFDT, FSU etc.) et d’associations (Sociétés de journalistes, Ligue des Droits de l’Homme, Greenpeace, Attac etc.)
La première directive européenne sur les lanceurs d’alerte a été adoptée en octobre dernier et doit être transposée dans les deux ans par la France, fournissant l’occasion de renforcer le droit français, soulignent les signataires. En effet, la directive va plus loin sur plusieurs sujets : elle permet aux lanceurs d’alerte de choisir soit leur entreprise soit une autorité externe (judiciaire ou administrative, nationale ou internationale) pour dénoncer les faits, alors qu’en France, ils doivent saisir d’abord leur hiérarchie interne.
La directive conforte aussi le droit de tout travailleur à être défendu par un représentant du personnel ou un syndicat dans sa procédure d’alerte, ce qui n’est pas le cas dans la loi française.
Un droit d’asile pour les lanceurs d’alerte
Les signataires de l’appel demandent en outre d’élargir le statut de lanceur d’alerte aux personnes morales (associations, syndicats), alors que la loi française ne s’applique qu’aux personnes physiques (individus). Ils préconisent la création d’un fonds de soutien et l'octroi du droit d'asile pour les lanceurs d'alerte. L’Ugict-CGT organise ce jeudi à Paris les premières « Rencontres européennes des lanceurs d’alerte ».