SOCIETECinq ans après la mort de Rémi Fraisse, « aucune leçon n'a été tirée »

Mort de Rémi Fraisse : Cinq ans après, « aucune leçon n’a été tirée de ce qui s’est passé à Sivens », selon l'avocate de la famille

SOCIETEDans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, Rémi Fraisse, un militant écologiste, était tué par une grenade tirée par un gendarme lors d’affrontements sur le chantier du barrage de Sivens. Cinq ans après, la tenue d’un procès semble plus qu’improbable
Béatrice Colin

Béatrice Colin

Ce samedi, à l’appel du collectif « Tant qu'il y aura des bouilles », une manifestation est organisée sur le site de Sivens, dans le Tarn, cinq ans après la mort de Rémi Fraisse. Dans la nuit du 25 au 26 octobre, ce jeune militant écologiste de la banlieue toulousaine, était tué par une grenade lors d’une opération de maintien de l’ordre à Sivens, sur le site du projet de barrage contesté.

Rapidement, l’enquête s’est orientée vers un tir de grenade offensive mortelle lancée par les gendarmes. Moins d’un moins plus tard, Bernard Cazeneuve fait interdire ces engins explosifs. Et en janvier 2015, le militaire à l’origine du jet de grenade est placé en garde à vue, mais ne sera pas mis en examen. Trois ans plus tard, les juges d’instruction rendent un non-lieu en faveur du gendarme.

Pas d’illusion sur la tenue d’un procès

Ce qui a fait bondir la famille de Rémi Fraisse qui dénonce une « justice aux ordres ». Le 10 octobre dernier, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Toulouse examinait l’appel de ce non-lieu. « On ne peut pas tolérer qu’il n’y ait pas de procès public, on a aujourd’hui l’impression que la justice n’est pas rendue », avait alors déclaré Jean-Pierre fraisse, le père du jeune homme.


Notre dossier sur le barrage de Sivens

« Nous ne nous faisons pas grande illusion sur la décision qui sera rendue en janvier. Nous nous préparons à aller devant la Cour de cassation, puis la Cour européenne des droits de l’Homme. Il faudrait reprendre ce dossier et rendre public ce qui s’est passé », insiste son avocate, Claire Dujardin.

De son côté, Jean Tamalet, qui défend les intérêts du gendarme, a indiqué que son client « avait la conscience de répondre à un ordre dans une situation de crise ».

Un sentiment partagé par la famille de la victime. Pour eux, d’autres personnes auraient bien dû se trouver auditionnées par le juge d’instruction dans cette affaire. Que ce soit le préfet du Tarn, son sous-préfet, le directeur de la gendarmerie nationale ou encore le ministre de l’Intérieur de l’époque.

Un échec pour Cazeneuve

Début octobre, à l’occasion de la sortie de son livre A l’épreuve de la violence, Bernard Cazeneuve a reconnu que la mort de Rémi Fraisse était « un échec » pour lui et qu’il avait fait une « erreur » de communication auprès de sa famille en ne montrant pas assez de compassion et d’empathie.

« J’avais des informations contradictoires, j’espérais que très vite le procureur donnerait des éléments et qu’à ce moment-là, dans la journée, je pourrais m’exprimer. Ces éléments ne sont pas venus. À ce moment-là, j’aurais dû commencer par dire ce que j’éprouvais comme ministre de l’Intérieur en indiquant que la vérité viendrait ensuite », écrit-il dans son livre.

Un moyen « de se blanchir » pour Claire Dujardin. « Bien entendu qu’il a été informé de suite, il est en direct avec le préfet, il suit ce qui se passe sur le week-end, il sait très bien que c’est une grenade. Et si ses consignes n’ont pas été appliquées clairement, c’est qu’il y a une chaîne de dysfonctionnement et une faute », poursuit l’avocate de la famille Fraisse.

Pour elle, cinq ans après, « aucune leçon n’a été tirée de ce qui s’est passé à Sivens. On continue à trouver normal de jeter des grenades sur la population, c’est très inquiétant ». Ce cinquième anniversaire coïncide avec l’acte 50 du mouvement des « gilets jaunes ». Certains d’entre eux seront présents à Gaillac ce samedi pour une journée contre la répression des mouvements sociaux et des classes populaires.