VIDEO. Inondations dans l'Aude: Un an après, le village meurtri de Villegailhenc tente de refaire surface
REPORTAGE•Dans la nuit du 14 au 15 octobre 2018, les inondations dans l’Aude causaient la mort de quatre personnes à Villegailhenc. La commune en porte encore aujourd’hui les stigmatesBéatrice Colin
L'essentiel
- Dans la nuit du 14 au 15 octobre 2018, les crues de plusieurs cours d’eau entraînent des inondations meurtrières dans l’Aude.
- Quinze personnes ont perdu la vie, plus de 250 communes ont été touchées et plus de 220 millions d’euros de dégâts ont été enregistrés.
- Un an après, la commune de Villegailhenc, dont une grande partie du village ancien doit être détruite, tente tout de même de se reconstruire.
La porte en palissades s’ouvre sur un spectacle de désolation, comme figé dans le temps. Par terre, de vieux vinyles souillés de boue, un ballon de foot ou encore une claquette esseulée gisent au milieu du chaos. En levant les yeux, au premier étage d’une maison éventrée par la crue du Trapel, le ruisseau qui traverse le village, deux livres sont restés collés au plancher, comme un symbole d’une vie passée.
A Villegailhenc, depuis un an, la rue de la Paix n’a plus rien ni d’une rue, ni de paisible. Dans la nuit du 14 au 15 octobre, vers 2h30 du matin, une vague s’est engouffrée dans le cœur du village, faisant quatre morts et des dégâts encore bien visibles. La commune de 1.700 habitants a eu l’un de ses ponts principaux emporté, ainsi que 236 voitures, et plus de 400 maisons ont été sinistrées.
Si dans d’autres villages de l’Aude touchés par ces inondations meurtrières, les stigmates ont peu à peu disparu, ici ils sont omniprésents et rappellent aux habitants le cauchemar de cette nuit d’automne.
38 maison à détruire
Depuis, une partie du centre ancien a des airs de village fantôme. Les 32 maisons qui s’y trouvent sont inhabitables et doivent être détruites. « Cela représente 80 % du vieux village. Ici on a eu deux mètres d’eau et la moitié des foyers de la commune ont été inondés. Depuis, nous n’avons plus de locaux pour le troisième âge, plus de Poste », explique le maire (PS), Michel Proust qui a lancé une concertation pour redessiner le village.
Depuis un an, il est sur le terrain tous les jours, tentant de faire avancer les dossiers d’indemnisation. Mais cela reste long, de l’aveu même de l’édile. Seuls sept dossiers sur les 38 qui concernent une démolition d’habitation sont complets, certains sinistrés ayant refusé de signer pour l’instant.
Notre dossier sur les inondations
« Nous réfléchissons à réaménager, mais même si on fait autre chose, il y a eu de la vie ici, c’est pour cela que je comprends les gens qui sont réticents, pour les personnes âgées ce sont tous leurs souvenirs, et là il n’y a plus rien, ils n’ont rien récupéré », conçoit le maire qui a un temps cru qu’il allait perdre une grande partie de sa population.
Les premiers coups de pioche pourraient avoir lieu au premier trimestre de l’an prochain, mais il faudra encore attendre plus d’un an et demi et les résultats d’une étude hydraulique pour savoir ce qu’il sera possible d’installer en lieu et place, et comment laisser l’eau s’écouler sans danger.
En attendant, un lotissement vient d’être lancé par la commune pour des logements à destination des seniors ainsi qu’un programme en accession à la propriété pour les jeunes couples. Histoire de faire revenir la population qui a décidé de s’en aller.
A quelques mètres du ruisseau, non loin du pont provisoire qui a pris la place de celui détruit à l’automne 2018, les clients se pressent à la boulangerie.
« Dès qu’il pleut on a la trouille »
« Moi je vis dans les hauteurs, je n’ai pas été touché, mais ma fille a été complètement inondée. Dès qu’il pleut, on a la trouille et depuis, on a plus de Poste ni de dentiste, il faut aller à Carcassonne », déplore René.
La réouverture en août dernier de la boulangerie de Gaël Coussinoux a été un signal « que la vie reprenait peu à peu », explique de son côté Claude, un retraité. Pour l’artisan, cela a été très compliqué de trouver l’argent nécessaire pour relancer son entreprise. « Heureusement, il y a eu les bras des villageois ou encore l’aide du Secours populaire. Il y avait déjà des liens noués au sein de la population, cela les a renforcés et les clients sont au rendez-vous », relève le commerçant.
Par contre, ne venez pas lui parler des assurances. Ni à lui, ni aux autres villageois. Ni même au maire. « Quand on voit un expert qui dit la laine de verre va sécher, non ça ne va pas sécher. On ne devait pas avoir de franchise, moi pour la commune j’ai eu 83.000 euros et les particuliers c’est pareil », déplore Michel Proust. Un point qu’il ne manquera pas de rappeler à Christophe Castaner et Elisabeth Borne, présents ce mardi sur sa commune.