Suicide d’une directrice d’école dans sa maternelle : Enseignants et parents décidés à « partir en guerre »
SUICIDE•Huit jours après le suicide d’une directrice d’école de 58 ans, 150 personnes, enseignants, directeurs, parents, ont crié leur colère et exprimé leur émotion dans le réfectoire d’une école de la ville20 Minutes avec AFP
En larmes, les parents décrivent des « enfants en vrac », les enseignants une « colère immense » : une semaine après le suicide d’une directrice d’école maternelle à Pantin (Seine-Saint-Denis), familles et enseignants se sont réunis mardi, décidés à « partir en guerre ».
Lundi 23 septembre au petit matin, la gardienne de l’école Méhul a découvert le corps de Christine Renon dans le hall de l’établissement. Deux jours plus tôt, juste avant de se donner la mort, la directrice de 58 ans décrite comme « hyper investie » avait pris soin d’adresser à une trentaine de ses collègues une lettre de trois pages où elle détaillait « son épuisement », la solitude des directeurs, l’accumulation de tâches « chronophages », les réformes incessantes et contradictoires.
Huit jours plus tard, 150 personnes, enseignants, directeurs, parents, ont crié leur colère et exprimé leur émotion dans le réfectoire d’une des écoles de cette commune populaire proche de Paris. L’école rouverte dès le lendemain avec, dans le hall, « un paravent en carton » pour dissimuler l’endroit où le corps de la directrice a été retrouvé.
« Chape de plomb »
« C’est pas possible ! », s’émeut un père. « Dans la cour, il y a des mots, des fleurs. Les enfants parlent de mort, de suicide. Ma fille de 3 ans est en vrac », raconte une mère. « Une cellule psychologique a été mise en place pour les enseignants, mais rien pour les enfants. On ne sait pas quoi leur dire, on est laissés à l’abandon », dit-elle.
Alignés face à l’assistance, directrices et directeurs, visages fermés, ont dénoncé « l’incurie et le silence de l’Etat et de la mairie » après ce drame inédit. « On nous a réunis pour nous dire de ne pas diffuser la lettre de Christine, pour dissimuler les raisons de son suicide, on a tenté de nous dissuader d’organiser un hommage. C’est la chape de plomb », a dénoncé l’une d’entre elles. Jeudi, ils ont reçu un courriel du recteur intitulé « Hommage ». Tous ont pensé à leur collègue. « Mais c’était un mail pour Jacques Chirac. »
« Je ne sais pas combien de temps je vais tenir »
Tour à tour, ils ont expliqué au micro à quel point ils s’étaient reconnus dans « la lettre » qui décrit avec précision la dégradation des conditions de travail et le manque de moyens, exacerbés dans ce département qui cumule les difficultés sociales.
« On nous donne de plus en plus de tâches administratives. A la fin de la journée, on a fait 1.000 choses mais on ne peut plus faire notre cœur de métier. Et puis il y a le manque d’enseignants, la part de plus en plus importante de débutants et de contractuels, le turnover : 30 % des enseignants de la commune sont des néoarrivants ! », souffle une directrice. « J’ai perdu les valeurs pour lesquelles j’ai fait ce métier », enchaîne une de ses collègues quinquagénaire. « Je ne sais pas combien de temps je vais tenir. »
Des rassemblements prévus dans de nombreux départements
Pour jeudi, un préavis de grève a été déposé et la moitié des écoles de Seine-Saint-Denis seront fermées, selon le SNUipp-FSU, le premier syndicat du primaire. Des rassemblements sont prévus devant les locaux de l’Education nationale à Bobigny, comme dans de nombreux départements.
« Notre mobilisation ne peut pas rester pantinoise, et ne peut pas concerner que le premier degré. La situation est dramatique, les seuls qui sont devant nous c’est les flics », lance un professeur d’EPS d’un lycée de la ville, en allusion à la série de suicides qui touche les policiers, mobilisés mercredi.
Mardi soir, à l’issue de trois heures d’échanges, enseignants et parents ont décidé de se constituer en collectif pour obtenir des « réponses, et non de la compassion », décidés à « partir en guerre ». Côte à côte, ils marcheront samedi matin de la maire de Pantin à l’école Méhul. En hommage à Christine Renon.