Google, Facebook, Amazon jugent la taxe numérique française «discriminatoire»
GAFA•La loi française, promulguée le 11 juillet, crée un impôt sur le chiffre d’affaires réalisé par ces grandes entreprises de l’Internet dans l’Hexagone, alors qu’elles sont pour la plupart basées aux Etats-Unis20 Minutes avec AFP
Rétroactivité, discrimination ou encore double imposition… Amazon, Google, Facebook ou les autres leaders de l’Internet ont dénoncé collectivement, ce lundi à Washington, la taxation des groupes numériques mise en place par la France.
Dans le cadre d’une enquête ouverte par les services du représentant américain au Commerce (USTR), les responsables des grands groupes dits « Gafa » ont critiqué la décision française d’imposer ces géants du numérique, critiquant un « précédent troublant », un « impôt discriminatoire » ou encore une « rupture brutale de règles longuement établies ».
Une trentaine d’entreprises du numérique concernées par la taxe française
Cette investigation a été lancée après l’annonce de la taxe française. Le président Donald Trump a notamment menacé de taxer les importations de vin français. La loi française, promulguée le 11 juillet, crée un impôt sur le chiffre d’affaires réalisé par ces grandes entreprises de l’Internet dans l’Hexagone, alors qu’elles sont pour la plupart basées aux Etats-Unis, où elles sont imposées sur leur bénéfice. Un consensus existe du côté des autorités et des industriels pour reconnaître le besoin d’une réforme du système d’imposition de ces transactions numériques, mais plutôt sous l’égide de l’OCDE, qui regroupe les pays industrialisés.
Pour Gary Sprague, de la firme d’avocats Baker and McKenzie représentant divers groupes allant d’Airbnb à Expedia, en passant par Microsoft et Twitter, l’impôt décidé par Paris est « discriminatoire ». Une trentaine de groupes réalisant au moins 25 millions d’euros de chiffre d’affaires en France et 750 millions d’euros dans le monde devront s’acquitter de cet impôt. Ce sont en premier lieu les leaders américains et mondiaux du secteur. La taxation française considère trois niveaux d’activité, ont relevé ces responsables : la publicité, les échanges ou impressions sur la plateforme et les données transactionnelles.
Une « double taxation »
Selon Gary Sprague, d’autres groupes de média traditionnels, qui touchent le public français via la publicité, devraient être aussi assujettis à cet impôt, « comme les journaux, les chaînes de télévision ». De même, le représentant de Google, Nicholas Bramble, estime que « taxer une poignée de grands groupes de l’Internet n’a pas de sens quand tous les secteurs deviennent numériques ». Chez Amazon, dont la France représente le deuxième marché européen pour le commerce électronique, on dénonce la « double taxation ».
Peter Hiltz, directeur de la planification fiscale auprès du géant de la distribution en ligne, cite le cas typique, selon lui, du voyageur américain en France qui surfe et achète sur le site d’Amazon US. « Sa transaction sera taxée en France, mais aussi aux Etats-Unis au niveau du bénéfice », argumente-t-il. Le groupe dit s’interroger aussi sur la manière de distinguer les visiteurs suisses ou belges francophones sur le site Amazon en Français. Il assure en tout cas que la nouvelle taxation va « avoir un impact négatif sur Amazon et des milliers de petites et moyennes entreprises » qui travaillent avec le distributeur.
« On n’a jamais vu d’impôt rétroactif »
Quelque 58 % des ventes d’Amazon passent par des partenaires, sur lesquels le groupe a déjà prévenu qu’il ferait supporter le coût des nouveaux impôts. « On les a déjà informés que leurs droits d’inscription vont augmenter d’ici le 1er octobre », a affirmé Peter Hiltz. La rétroactivité de la loi adoptée par Paris, qui va appliquer ce nouvel impôt depuis le début de l’exercice 2019, soulève aussi des protestations. « On n’a jamais vu d’impôt rétroactif », s’insurge Alan Lee, de Facebook, qui se plaint comme les autres représentants d’un manque de « directives » pour appliquer la loi.
Aucun des responsables de ces grands groupes ne pouvait dire à ce stade quel volume de leur chiffre d’affaires serait donc imposé. Tous ont expliqué qu’ils devaient modifier leur façon de collecter les données, le trafic et les impressions laissées par les visiteurs sur leurs sites. Une démarche et une nouvelle comptabilité qui vont « coûter des millions de dollars », a affirmé Jennifer McCloskey, du Conseil des technologies de l’information, sans pouvoir donner d’évaluation plus précise.