Marseille pour les nuls (5/10): Pourquoi les Marseillais mangent-ils autant de pizzas?
MARSEILLE EN QUESTIONS•Notre série estivale se plonge dans l'histoire culinaire de Marseille : on tente d'expliquer, ce vendredi, pourquoi les Marseillais aiment à ce point les pizzasJean Saint-Marc
L'essentiel
- La rédaction marseillaise de «20 Minutes» répond, tout au long de l’été 2019, aux grandes questions que les touristes se posent en arrivant à Marseille.
- A toute heure du jour ou de la nuit, on peut croiser un Marseillais avec une pizza dans la main. Marseille est en effet une «petite Italie».
Ils cherchent l’ombre et la « Bonne Mère », s’entassent par centaines dans le petit train sur le Vieux-Port et se posent des dizaines de questions. Chaque année, sept millions de touristes visitent Marseille, selon un comptage, optimiste, de la mairie. Tout au long de cet été 2019, la rédaction marseillaise leur simplifie la vie, en répondant à quelques interrogations, majeures ou anecdotiques. Ce vendredi, on se demande pourquoi les Marseillais sont-ils à ce point obsédés par les pizzas.
Il était très tard. On avait grand faim. Alors on s’est accoudé à un camion-pizza forcément bleu et blanc, près du Vélodrome. Le pizzaïolo, appelons-le Paulo (ils s’appellent tous Paulo), bradait ses dernières parts. On lui a posé notre question : pourquoi les Marseillais bouffent-ils H24 des pizzas ? Paulo a répondu à côté, avec une magnifique anecdote : « Tu savais que la pizza a été inventée par un Marseillais, qui ensuite est allé à Naples pour ouvrir sa pizzeria ? » Non, on ne savait pas. Sans doute car c’est complètement faux.
Belle histoire, toutefois. Quasiment crédible, tant la pizza (qui se prononce « pizze », ici) est un monument de l’histoire culinaire marseillaise. « Si on mange autant de pizza à Marseille, c’est parce que cette ville est une petite Naples, explique Michel Ficetola, auteur de Marseille la Napolitaine. La pizza y est en réalité arrivée à la fin du XIXe siècle, trois siècles après son invention à Naples. A cette époque, en 1906, sur 20.000 habitants recensés autour du Vieux-Port, 13.000 étaient Italiens, dont 10.000 Napolitains ! »
Jeannot et sa goudronneuse
Ils ont importé à Marseille leur faconde, leur amour pour il pisolino (la sieste) et, forcément, leur gastronomie. La pizza s’est d’abord dégustée en famille. Puis elle est partie à la conquête de la ville sur de petites charrettes, les ancêtres des camions-pizzas. Le camion-pizza, tel qu’on le connaît aujourd’hui, a lui été inventé par un certain « Jeannot le pizzaïolo », en 1962.
« Il avait monté un four sur une remorque qu’il accrochait à son fourgon G7, relate Francis Esposito, président honoraire de la Fédération nationale des artisans pizza en camion magasin. Les gens pensaient que c’était les cantonniers qui arrivaient avec la goudronneuse. » Ils ont rapidement pigé et la pizza a séduit les quartiers les plus excentrés, à cette époque où « il n’y avait pas de livraison, pas de surgelés, et où les épouses commençaient à travailler », comme le résume Francis Esposito.
Un « plat des pauvres » à un euro la part
Aujourd’hui, la pizza se déguste à toute heure et dans tous les coins de la ville. Des très chics trattorias du Vallon des Auffes aux pires gargotes de Noailles. Pizza Charly, dans la très décatie rue des Feuillants, n’est ni un restaurant chic, ni un boui-boui. On y déguste la « pizze » à la part, avec des prix qui font plus que défier la concurrence : ils la fixent dans les yeux, l’attrapent par le colback et l’envoient valser au loin. Un euro la part, messieurs dames.
Le patron, Charly, fils et petit-fils de Charly, a de la farine jusque dans les cheveux. Il écoule plusieurs centaines de pizzas par jour… et n’a pas vraiment de théorie pour expliquer la popularité de ce « plat facile. Et à Marseille, on est simple, pas snobs, bien plus simples que dans les autres villes ! »
Une part anchois, une part fromage : Omar se délecte de l’emblématique « moitié-moitié », pizza signature à Marseille. « J’en mange très souvent : le goût est là, le rapport qualité prix imbattable », glisse le gourmet. Le prix de la pizza est le secret de son succès, selon l’historien Michel Ficetola : « Marseille est une ville avec beaucoup de gens modestes, avec en plein centre-ville un des quartiers les plus pauvres d’Europe (Noailles). »
La pizza, un plat de pauvres pour une ville pauvre ? « C’est aussi un plat convivial, qui se mange à pleine main, en marchant ou au stade, conclut Michel Ficetola… Ça aussi, ça va bien avec Marseille ! »