INTERVIEW«Le grand oral du bac va être un formidable levier d’égalité des chances»

Réforme du bac: «Le grand oral va être un formidable levier d’égalité des chances»

INTERVIEWCe mercredi, Cyril Delhay, professeur d’art oratoire à Sciences Po Paris, remettra au ministre de l’Education son rapport sur le futur grand oral du bac
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Avec le bac 2021 va naître une nouvelle épreuve : le grand oral.
  • Pour Cyril Delhay, professeur d’art oratoire à Sciences Po Paris, cette épreuve sera l’occasion de lutter contre les inégalités, en permettant à chaque élève, quel que soit son milieu social, d’acquérir des compétences oratoires.
  • Et ce grand oral pourrait aussi permettre à des élèves, moyens par ailleurs, de se révéler.

Alors que les élèves de terminale sont en train de passer l’avant-dernière session du bac sous cette version, le nouvel examen, qui verra le jour en 2021, est en gestation. Ce mercredi, Cyril Delhay, professeur d’art oratoire à Sciences Po Paris, remettra au ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, son rapport sur Le grand oral du baccalauréat.

Cet oral, prévu dans la réforme de l’examen, se déroulera en deux parties. D’une part, la présentation du projet préparé dès la classe de première et adossé à un ou deux enseignements de spécialité choisis par l’élève. De l’autre, un échange à partir de ce projet, permettant d’évaluer sa capacité à analyser en mobilisant les connaissances acquises au cours de sa scolarité, notamment scientifiques et historiques. Pour 20 Minutes, Cyril Delhay explique la philosophie de cette nouvelle épreuve.

Quel est l’intérêt d’un grand oral au bac pour les élèves de terminale ?

Savoir s’exprimer à l’oral est essentiel pour les études, pour la vie personnelle et professionnelle de chacun. Et la création d’une vraie épreuve orale va inciter les élèves à la préparer, et donc à acquérir des compétences en prise de parole en public. Ils vont apprendre à choisir le mot juste, à argumenter, à capter l’attention de leur auditoire. Le système scolaire français est d’ailleurs en retard sur la valorisation de l’oral. Notamment parce que les enseignants n’ont pas été formés à enseigner les techniques oratoires.

Mais ce grand oral ne risque-t-il pas d’être discriminant socialement ?

Parce que l’aisance à l’oral constitue un marqueur social, il convient justement d’offrir à tous les élèves l’acquisition de cette compétence. Or, tous bénéficieront d’une formation dans leur lycée. Les élèves disposant d’un capital culturel élevé et d’une richesse de vocabulaire ne seront plus les seuls à savoir s’exprimer en public. Le grand oral va être un formidable levier d’égalité des chances.

Mais sera-t-il vraiment possible de former efficacement plus de 500.000 jeunes ?

Cela fait vingt ans que j’enseigne l’art oratoire à des jeunes, donc j’en suis persuadé. Une quinzaine d’heures suffit pour enseigner les fondamentaux de la prise de parole en public. Il faut leur apprendre à respirer, à poser leur voix, à gérer leur stress, à coordonner les mouvements de leur corps, à prendre appui sur le public, et bien évidemment à travailler le contenu du message qu’ils veulent délivrer. Il faut aussi leur permettre de beaucoup s’exercer. En cela, le grand oral sera une forme d’aboutissement de la scolarité dans le secondaire. L’élève aura eu le temps de travailler sur lui-même, de mûrir, avant de passer cette épreuve. Ce sera une forme de maïeutique antique.

Ce grand oral permettra-t-il à certains élèves qui ont des résultats moyens de se révéler ?

Oui, car l’oral est un révélateur de talents. Lorsque j’ai travaillé au lycée Germaine-Tillion du Bourget (Seine-Saint-Denis) avec des élèves ayant interrompu leur scolarité, qui étaient en train de raccrocher, certains d’entre eux refusaient de répondre à une simple question en public au début. Mais après trois demi-journées de formation, ils prenaient plaisir à prendre la parole en public. J’ai constaté que les élèves les plus inhibés étaient ceux qui révélaient un potentiel incroyable à l’oral, dont l’expression était la plus juste. Car l’oral est un travail d’écoute, de capacité à entrer en relation avec les autres. Et lorsque l’on sait bien communiquer à l’oral, cela rejaillit sur l’écrit. On s’exprime de manière plus claire, on vise à utiliser le mot le plus juste. C’est pourquoi je pense que la préparation au grand oral du bac peut aussi être un déclencheur pour beaucoup d’élèves et leur donner confiance en leurs capacités de réussite.