Marseille: «Les Beaux Mets», le premier restaurant géré par des personnes incarcérées
REINSERTION•Le restaurant «Les Beaux Mets», où des personnes incarcérées en aménagement de peine cuisinent, a ouvert la semaine dernière à Marseille
Adrien Max
L'essentiel
- Un restaurant d’application géré par des personnes écrouées en aménagement de peines a ouvert au grand public au sein de Coco Velten les lundis et mardis midis, près de la gare Saint-Charles à Marseille.
- Neuf personnes incarcérées y suivent une formation dans l’hôtellerie, dispensée par l’AFPA.
- A terme, l’objectif est d’ouvrir un restaurant gastronomique permanent au sein de la prison des Baumettes.
En ce mardi matin, ils sont quatre à s’activer derrière les fourneaux Epluchage d’avocats, « comme ça les clients n’ont même pas à se prendre la tête avec la peau », préparation à base de crevettes, levage des filets de daurade, et confection de la tarte au citron. Ces quatre jeunes, âgés d’une vingtaine d’années, sont censés être incarcérés. Mais grâce aux Beaux Mets, un restaurant d’application pour les personnes écrouées en aménagement de peine, ils apprennent le métier de cuisinier.
Ce restaurant, ouvert au grand public, a pris ses quartiers à Coco Velten, un projet expérimental à dominante sociale qui loge des SDF aux côtés de start-up près de la gare Saint-Charles à Marseille. « On prend nos quartiers dans la salle de restaurant chaque lundi et chaque mardi depuis une semaine », explique Mathilde Gardien, de Marseille Solution, qui a pour vocation de construire des alliances inédites dans le domaine social. Le projet est également porté par la table de Cana, une entreprise de restauration spécialisée dans la réinsertion.
50 % des détenus n’ont pas de diplôme
Les apprentis cuisinent sur place du lundi au jeudi, encadrés par un formateur de l’Afpa, Didier Castel. « Je leur apprends les gestes et les techniques de bases pour valider les modules de leur examen. Ça leur apprend également la rigueur, l’application, la ponctualité et l’implication », témoigne-t-il, visiblement ravi de partager son savoir-faire avec ces jeunes.
Ces neuf jeunes à suivre la formation ont été choisis par la structure d’accompagnement vers la sortie (SAS), un dispositif unique en France, puis testés dans les cuisines de grands chefs. Peu d’entre eux s’orientait vers la cuisine. Sidahmed n’avait jamais cuisiné jusqu’alors. « Ce que j’aime, c’est le travail en équipe. Ce sont des choses qu’on voyait tous les jours mais auxquelles on ne prêtait pas attention. On part de choses simples de la nature, on les travaille et on en fait quelque chose de bon », détaille-t-il.
Une démarche essentielle pour permettre à ces jeunes de se réinsérer dans la société à la fin de leur peine. « On sait qu’à peu près 50 % des détenus n’ont pas de diplôme, alors que c’est une porte d’entrée vers la réinsertion. On a également démarché les entreprises pour s’assurer qu’il y aura des débouchés pour ces jeunes. Et réussir à faire se rencontrer le monde extérieur et le monde carcéral facilite toujours la sortie », explique Chloé, qui travaille au sein de la SAS.
Une question de confiance
« C’est toujours très difficile de donner du sens aux formations. Avoir cette application directe via le restaurant les Beaux Mets permet de les plonger tout de suite dans le concret », avance Martine Giusta responsable de la section hôtellerie à l’AFPA. De quoi redonner de l’espoir à ces personnes incarcérées. « Le plus important c’est la confiance qu’on place en nous, si chacun avait confiance en l’autre, il y aurait plus d’entraide dans la société. Il y a beaucoup de talent dans les prisons, il suffit d’un peu de confiance et d’aide. J’espère que ce projet pourra se multiplier dans d’autres villes », souhaite Sidahmed.
En attendant de passer leur examen à la fin du mois de juin, ils servent les avocats crevette, les daurades aux tomates provençales et les tartes au citron à la soixantaine de clients qui se sont pressés ce mardi pour déguster leurs plats. Des clients qui auront probablement la chance de suivre l’aventure au sein du futur restaurant qui doit ouvrir au sein même des Baumettes. « Les Beaux Mets ce n’est que la première partie d’un projet plus large. Le travail continue pour l’ouverture de ce restaurant qu’on aimerait gastronomique », confie Mathilde.